dimanche 16 mars 2014

Histoire du pêcheur (partie XXIV)

Histoire du pêcheur (Partie XXIV)

Poèmes de "la série Mille et une Nuits":
Histoire du pêcheur (Partie XVI)
Histoire du pêcheur (Partie XVII)

Son palais achevé, la farouche amante
Toujours amoureuse et toujours véhémente,
Y porta son amant, qui devait tant souffrir
Qu’il lui eût dit sans doute de le faire mourir
S’il pouvait pour parler remuer les lèvres.
Tous ses remèdes ne guérissaient point sa fièvre
Et, malgré sa magie, rien hormis ses regards
Ne montrait qu’il était en vie, maigre et hagard
Comme sa bien-aimée de son sort occupée.
Les deux amants châtiés grâce à mon coup d’épée,
Je laissais la reine visiter chaque jour
Deux fois, le détestable objet de ses amours
Pour qu’elle pérît lentement et pleurât sans cesse.
Un jour, pourtant, curieux de voir cette princesse
Et son amant, sans qu’elle ne pût me voir j’allai
Pour me délecter de ma vengeance au palais.
Je l’entendis dire à cet homme : « Rien ne console
Votre amoureuse qui souffre et qui n’est point frivole.
Je souffre comme vous, rien ne me peut guérir,
Et mes feux m’interdisent de vous laisser périr !
Ô, pourquoi gardez-vous ce cruel silence ?
De mes transports voyez l’éternelle violence
Et dites-moi un mot, seigneur, un mot seulement !
Je resterai ici, vous contemplant pâlement
Jusqu’à ma mort, car sans vous je ne puis vivre
Et, fidèle, jusqu’au tombeau vais vous suivre !
Je vous bercerai en vous disant mille vers,
Vous voir m’est plus doux que l’empire de l’univers
Et j’emploierai, pour vous sauver, toute ma science. »
De ce discours colère, je perdis patience,
Je me montrai et, de la reine m’approchant,
Je lui dis d’une voix sévère, en lui cachant
Ma jalousie : « Madame, pourquoi gémir encore ?
Votre éternelle douleur tous deux nous déshonore,
Et il est temps qu’elle cesse. Vous n’êtes point sans savoir
Que vous êtes une reine, que vous avez des devoirs
Et que votre sombre deuil de vous voir me prive.
Nous vivons jusqu’à ce que la mort arrive ;
Telle est la loi. Ôtez cet habit ténébreux
Et vivez, nos jours ne sont point assez nombreux
Pour être emplis d’autant de douleurs cruelles. »
Sire, laissez-moi gémir, me répondit-elle.
Je veux m’abandonner à mes mortels chagrins,
Me lamenter sans cesse et soupirer sans frein. »
Je me tus et la laissai. Trois ans passèrent,
Ses prodigieux tourments jamais ne cessèrent
Et, toujours éplorée, elle déserta la cour.
J’entendis, caché au palais, le même discours
Que la première fois, et ma jalouse colère
Grandit quand je vis que l’homme qui sut lui plaire
Et qu’elle aimait avec tant de transports plaintifs
Etait un indien noir, bien laid et fort chétif.
Ne pouvant plus dompter mon courroux et ma flamme,
Après avoir fait cette découverte infâme,
Je me montrai une deuxième fois brusquement
A la reine qui à cet homme parlait doucement,
Les yeux en feu, empli d’une fureur jalouse,
Décidé à châtier comme lui mon épouse.

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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