mercredi 19 février 2014

Histoire du pêcheur (Partie I)

Histoire du pêcheur (partie I)

Poèmes de "la série Mille et une Nuits":
 
Scheherazade dit au prince : « Il y avait autrefois
Un pêcheur fort âgé et qui gardait la foi
Malgré ses tourments et sa grande misère.
Tous les matins que Dieu faisait, le pauvre hère
Allait à la pêche, en observant mâlement
La loi de ne jeter que quatre fois seulement
Ses filets, une rigueur dont sa pauvre famille
Composée de sa femme et de ses trois filles
Se lamentait, comme des rigueurs du destin.
Au clair de la lune, il partit un matin
Et jeta ses filets en disant une prière.
Comme sa proie lui semblait bien aventurière
Et résistait à son bras, il se réjouissait
En-lui-même, et de sa bonne pêche s’éblouissait.
Mais ce qu’il avait pris pour une douce manne
N’était, en vérité, que la carcasse d’un âne.
Le malheureux pêcheur en fut triste et déçu
De ce sombre présent de la mer qu’il reçut
Alors qu’il s’attendait à une pêche pesante.
Il fut obligé, car la carcasse malfaisante
Rompit en mille endroits ses filets déchirés,
De les raccommoder. Espérant attirer
Des poissons cette fois, il les jeta dans les ondes.
Un panier plein de sable et de bourbe immonde
Fut tout ce qu’il pêcha. « Ô, noire malédiction !
S’écria le pêcheur avec affliction,
Dis-moi, fortune cruelle et inexorable,
Pourquoi persécutes-tu un misérable
Et qui t’implore de ne point le faire souffrir ?
Je n’ai que ce métier et des bouches à nourrir.
Malgré tous les soins que toujours j’y apporte,
Ma pêche est bien maigre et jamais ne réconforte
Ceux qui ont le malheur de vivre sous mon toit.
Mais j’ai bien tort, fortune, de me plaindre de toi,
Tu fais gémir les braves gens que tu abandonnes,
Tu favorises les méchants que tu pardonnes
Et tu laisses maints grands hommes dans l’obscurité
En faisant jouir les vils d’un or non mérité. »
Ses filets lavés, en achevant ses plaintes,
Il les rejeta, ses mains étaient tremblantes
Et il était aussi furieux qu’il fut surpris
Car le mauvais sort de sa pêche semblait épris
Et il ne put amener – chose sombre et dure –
Que des coquilles, des pierres et de l’ordure.
Le jour commençait à reluire au firmament,
Malgré sa colère, il fit en bon musulman
Sa prière et dit : « Mon sort est déplorable,
Ô, Dieu ! Daignez me rendre la mer favorable
Comme vous l’avez rendue à Moïse jadis.
Vous qui êtes doux aux hommes pauvres et maudits,
Vous savez que je ne jette, chaque journée,
Mes filets que quatre fois. La mer acharnée
Me refuse son poisson comme une dame ses faveurs
Et c’est la quatrième fois que je vais, rêveur,
Jeter mes filets en louant votre clémence. »
La joie de ce pauvre pêcheur fut immense
Quand il retira un vase de cuivre crasseux
Qui lui fit croire qu’il était devenu chanceux
Car il était pesant. « Au fondeur je vais vendre
Ce vase, et avec son argent, sans attendre
J’achèterai une bonne mesure de blé. »
Disait le pêcheur, par cette pêche comblé.  

  [A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène      

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