samedi 22 février 2014

Histoire du pêcheur (Partie IV)

Histoire du pêcheur (partie IV)
Poèmes de "la série Mille et une Nuits":
 
Le pêcheur soupira et il dit, résigné :
« Puisque pour périr le destin m’a désigné,
Je me soumets à la volonté céleste.
Je vais bientôt mourir. Peu de temps me reste,
Mais j’ai une seule question, génie, à vous poser
Et vous me répondrez promptement, sans oser
Cacher la vérité, car je vous conjure
Par le grand nom du grand maître des créatures
Qui sur ce vase par un prophète est gravé
Et qui de liberté vous a longtemps privé
De le faire, et je sais que vous êtes honorable. »
« Pose donc ta question et hâte-toi, misérable. »
Dit le génie, tremblant de cette adjuration
Qu’il ouït, malgré lui, avec vénération.
Le pêcheur demanda : « Seigneur, comment croire
Qu’un génie de votre taille dans les entrailles noires
De ce vase étroit fut ainsi emprisonné ?
J’ai beau me figurer la chose et raisonner,
Elle ne me semble toujours pas véritable. »
« Mais elle l’est, Répondit le génie redoutable.
Je jure par le grand nom de Dieu que j’y étais
Et c’est la vérité que je te racontai. »
« Je ne puis le croire. Ce vase difforme
Ne peut contenir un de vos pieds énormes !
Montrez-moi comment vous y entrâtes tout entier
Et après, Seigneur, je périrai volontiers. »
Le génie se changea en fumée ténébreuse
Qui s’étendit sur toute la grève, aventureuse,
Et qui rentra dans le vase ouvert lentement.
Il en sortit une voix qui dit superbement :
« Me crois-tu maintenant, pêcheur incrédule,
Et sont-ils démentis, tes doutes ridicules ? »
Sans répondre au génie, le pêcheur referma
Promptement le vase maudit qui l’alarma
Et cria au génie : « Hé bien ! Demande grâce,
Comment veux-tu que de toi je me débarrasse ?
Choisis la mort qui te plait ! Mais non, il vaut mieux,
Imbécile et impie qui fut châtié par Dieu,
Que je te rejette à la mer. Sur ce rivage,
Pour avertir tous les pêcheurs de tes ravages,
Je bâtirai un gîte. Ils seront alertés
Qu’un génie ne doit pas jouir de la liberté
Et qu’il doit demeurer dans la solitude
Car il est mauvais et n’a aucune gratitude ! »
Ces paroles irritèrent le génie offensé
Et qui, en voyant son supplice recommencé,
Se débattit vainement pour sortir du vase.
Le pêcheur en riait de façon narquoise
Car le prophétique sceau rendait ce fauve captif
Plus faible qu’un enfant impuissant et chétif.
Il dit au pêcheur d’un ton fort doux : « Je te prie
De ne point m’en vouloir pour une plaisanterie.
Tu ne dois pas prendre la chose sérieusement. »
« Tu allais me tuer, fourbe, il y a un moment !
Tu ne peux me séduire avec tes artifices
Et je vais sauver maints hommes de tes maléfices.
Dans ce vase tu vas demeurer prisonnier,
Ô, traître que tu es, jusqu’au jugement dernier. »
Dit le pêcheur que le djinn implora encore :
« Ouvre ce vase, libère-moi, et avant l’aurore
Tu seras le plus riche et puissant des sultans. »
Le pêcheur repartit : « J’aurais été content
D’entendre ce discours bienveillant tout à l’heure.
Mais non ! Si je me fie à toi, que je meure !
Et tu me traiterais, génie, en succombant,
Comme un roi grec traita le médecin Douban.
Je vais te raconter cette histoire, écoute. »

Le jour commençait à se lever sans doute
Car Scheherazade se tut, à son roi promettant
De conter son histoire s’il lui en donne le temps.

[A SUIVRE]  


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène  

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