samedi 15 mars 2014

Histoire du pêcheur (partie XXIII)

Histoire du pêcheur (Partie XXIII)

Poèmes de "la série Mille et une Nuits":
Histoire du pêcheur (Partie XVI)
Histoire du pêcheur (Partie XVII)

La reine et son amant, quand ils terminèrent
Leur conversation, vers une autre allée tournèrent
Et sans qu’ils ne me vissent passèrent devant moi.
J’avais déjà tiré mon sabre et, plein d’émoi,
J’en frappai l’amant de ma femme légère
Sur le cou et avec une telle colère
Qu’il tomba, inconscient, par terre renversé.
Je crus l’avoir tué. Le laissant terrassé,
Je me retirai sans être vu de la reine
Qui ne s’en doutait point et restait sereine
Et qui parlait toujours à son défunt amant.
Elle s’en rendit compte et avec ses enchantements
Lui conserva la vie, d’une si sombre manière,
Que de différer de cet homme l’heure dernière
Je sus bon gré à mon épouse sans remords
Car il vivait comme s’il était déjà mort.
Je la laissai pousser des cris pleins d’amertume
Et revins au palais, et comme de coutume
Me recouchai, content d’avoir ainsi châtié
Ces amants indignes de ma moindre pitié.
Le lendemain à mon réveil, non sans surprise,
Je trouvai ma cousine, comme une épouse éprise
Couchée auprès de moi, loin de me croire instruit
Des évènements de la nuit dernière. Sans bruit,
Je me levai. J’allai ensuite, comme d’habitude,
Tenir mon conseil. Dans une sombre solitude
Je trouvai la reine ; ses pleurs n’étaient point cachés,
Les cheveux épars et en partie arrachés,
Elle se présenta devant moi. « Altesse,
Me dit-elle, je suis dans une grande tristesse.
Mon deuil doit vous surprendre, mais il est un devoir
A cause de trois nouvelles que je viens de recevoir. »
Je lui demandai : « Quelles sont donc ces nouvelles ?
« Mon père et ma mère sont morts, me répondit-elle,
Et mon frère dans un précipice est tombé.
Je pleure car toute ma famille a succombé. »
Je ne fus point fâché de voir que la reine
Me cachait ainsi la vraie raison de sa peine,
Et je lui dis : « Vos pleurs, madame, sont naturels.
Pleurez donc, vos chagrins fussent-ils éternels,
Ils ne seraient pas, dans ce cas, moins légitimes,
Et du sort je plains, comme vous, ces trois victimes. »
La reine se retira dans son appartement
Et passa une année à pleurer farouchement.
L’année passée, content de ses sombres tortures,
Elle me pria de faire bâtir sa sépulture
Où, disait-elle, jusqu’à sa mort elle resterait
Et sans que nul ne l’en distrayât, souffrirait.
Je consentis et elle fit bâtir sur l’herbe,
Non loin de ce château, un palais superbe
Où elle alla cacher son amoureuse douleur
Et qu’elle appela elle-même le Palais des Pleurs.

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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