dimanche 2 mars 2014

Histoire du pêcheur (partie XII)



 
Le roi répondit, sans ouïr la voix de la raison :
« Tes prières, médecin, ne sont plus de saison.
Je veux que tu meures, ne fût-ce  que pour entendre
Ta tête me parler. » Et cruel, donna l’ordre
De lui couper la tête au bourreau assassin.
Ce qu’il fit adroitement. Tombée dans un bassin,
Elle fut à peine posée sur la couverture
Que le sang s’arrêta, et bravant la nature,
Au grand étonnement du roi et des spectateurs,
Elle ouvrir les yeux et dit à ce malfaiteur :
« Que votre majesté daigne ouvrir le livre. »
Et à sa victime qui cessa de vivre
Le roi obéit et aussitôt il l’ouvrit
Avec empressement. Ce faisant, il fut surpris
De voir que la première page en était collée
A la deuxième. Voyant cette tête immolée,
Il porta le doigt à sa bouche et le mouilla
De sa salive, que sans savoir il souilla
D’une ciguë mortelle par le médecin fabriquée.
Ne voyant rien d’écrit à la page indiquée,
Il le dit à la tête. « Il faut encore tourner
Quelques feuillets » dit-elle. Et se laissant berner,
Le roi le fit, portant le doigt à sa bouche.
Le livre était imbu du poison farouche
Et quand il vint à faire tout son effet fatal,
Le roi tomba tué par le venin létal
Avec des convulsions extraordinaires.
La tête, qui vit cela, dit : « Tyran sanguinaire,
Les princes qui abusent de leur autorité
Auront tous droit à ce châtiment mérité !
Je suis innocent et tu n’es qu’un imbécile
Et te séduire, ô, roi, doit être bien facile
Car je l’ai fait comme l’a fait mon détracteur
Qui de ma mort et de ton trépas est l’auteur.
Péris, roi cruel ! Ma vengeance est assouvie,
Et comme moi tu vas bientôt être sans vie. »
La tête ferma les yeux et le roi tomba mort. »
Au génie le pêcheur dit : « Le roi sans remords
Fit tuer son sauveur et sa vie fut finie
Comme tu as voulu me tuer, sombre génie !
Dieu l’en punit, comme toi ! Demeure dans les fers,
Prisonnier de ce vase et des flots de la mer
Où je vais te jeter, comme toi inexorable !
Tu attendras le jour du Jugement, misérable,
Pour en sortir, comme tu l’as fait, à nouveau,
Et pour errer loin de ton ténébreux caveau. »

 

 [A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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