samedi 1 septembre 2012

Le sommeil de Merlin l'enchanteur (treizième partie)


LE SOMMEIL DE MERLIN L’ENCHANTEUR  (Treizième PARTIE)


XIII

« Je veux une seule chose, gage de ta confiance,
Pour t’aimer à nouveau : l’anneau de Radiance
Que je vois rayonner dans l’azur de ton doigt.
Ô, Merlin ! Si tu m’aimes comme je t’aime, tu dois
En faire présent à ton amante choyée !
Si tu m’en juges indigne, j’en serai indignée
Et blessée par la griffe de la fatalité ;
Il me donnera la joie et l’immortalité,
Et me délivrera de toutes les souffrances
Et des tourments des morts et des renaissances ! »
« L’anneau de Radiance ! Je serais plutôt mort
Et tu m’arracherais plus facilement l’âme du corps,
Amante maudite qui veut que je daigne
La supplier et la prier pour qu’elle règne,
Que cet anneau du doigt ! » Dit à Viviane l’élu.
« Ah ! Je le savais ! Tu ne m’aimeras donc plus,
Tu aimes ta Radiance et tu me détestes !
Pourquoi me réveiller avec ta lyre céleste ?
Pourquoi me reprendre à l’abîme et au sommeil ?
Est-ce pour me jeter aux démons à mon réveil ?
Je vais donc replonger promptement au gouffre,
Et je souffrirai car tu veux que je souffre !
Je serai la voile, les ombres seront les flots ! »
Dit Viviane avec des larmes et des sanglots,
Se roulant sur sa couche comme une harpie ailée.
Elle était plus belle dans sa douleur échevelée
Que dans son sourire calme et enveloppeur,
Elle montrait de sa chair la charmante blancheur,
Et ses mains, qui tenaient le pan de sa robe,
De sa généreuse poitrine montraient les globes
Et la mollesse de ses genoux entrelacés.
Merlin la regardait, par ses pleurs terrassé,
Car ils lui semblaient des rayons indélébiles,
Et en la contemplant resta immobile.
Ce corps séduisant, sur lui-même ployé,
Cette voix suppliante et ces yeux noyés,
L’appelaient éperdument ; ces grâces souveraines
Lui disaient : « De nous il faut que tu t’éprennes !
Bois le baiser de Viviane et aime-la !
Bois son baiser et tu ne seras plus las !
Ne prive point tes lèvres de ses lèvres humides !
Merlin ! Merlin ! Tu es un voyageur livide,
La source est devant toi et tu restes assoiffé ! »
Une voix plus profonde lui disait : « Étouffé
Par les soupirs et les remords, misérable,
Tu erreras, Merlin, et tu seras coupable
Si tu brises la chaîne de tes éternels vœux !
Cesse de contempler les seins et les cheveux
De cette fée qui brave ta sagesse et ton courage ! »
« Femme d’en bas, fée trompeuse, éternel mirage ! 
Noire abomination ! Cria Merlin tout haut.
Tu m’as pris mon roi et mon peuple, et il faut
Que tu me prennes aussi mon âme, criminelle !
Tu ne l’auras pas ! Radiance m’appelle,
A tes larmes, à tes charmes, je désobéirai !
Seul avec ma harpe, en moi-même je retrouverai
Mon ciel et mes génies dont tes grâces me privent !
Je lirai les mots que les éléments écrivent,
Je serai à nouveau béni et clairvoyant !
Je m’envolerai dans les cieux, en déployant
Pareil à un oiseau, mes ailes grandes ouvertes !
Tu veux ma damnation et tu veux ma perte ;
J’étais amoureux, tu fus rusée, je fus sot ! »
A ces mots Viviane, avec un soubresaut,
Se redressa comme une druidesse en furie.
« Puisque je ne suis plus ta Viviane chérie,
Puisque pour toi je suis la nuit et le mal,
Avec un autre amant qui sera ton rival
Et qui consolera mon âme de toi lasse,
J’irai à l’abîme. Mordred prendra ta place
Et s’endormira, comme toi jadis, dans mon lit.
Dit-elle au barde qui l’écoutait et pâlit.
Il m’aima jadis, je refusai ses caresses,
Et je l’arracherai à la reine qui le presse
Comme je te pressais, contre son sombre sein !
Me chérir, m’adorer, seront ses seuls desseins,
Et ce baiser d’oubli que Merlin rejette,
C’est lui qui l’aura ! Je serai sa sujette
Et il sera mon maître. Viviane en périra,
     Et toi, volage amant, toi, tu en souffriras ! »

Merlin, troublé par cette menace passionnée,
Se représenta la belle fée abandonnée
Dans les bras de Mordred par sa bouche embrassé
Et par ses doigts et ses sourires caressé.
Elle sera son amante ! Elle sera son épouse !
Merlin en ressentit une torture jalouse
Qui rongea son cœur par son amour humilié
Comme un vautour ronge un cadavre oublié
Dans un champ de bataille, fétide et roide,
Et bercé par les chants de la houle froide.

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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