LE SOMMEIL DE MERLIN L’ENCHANTEUR (sixième PARTIE)
VI
Taliésinn répondit
au moine : « Nos âmes adorent
Le Dieu unique que
vos bouches implorent,
Mais nous croyons
qu’il a donné la liberté
A l’homme, pour
qu’il trouve tout seul la vérité.
Tu montres le port
et tu montres le rivage
Et tu ne décris
point le rude voyage ;
Aux marins de
l’âme nous montrons les écueils
Et la mer immense
et noire comme le deuil,
Nous leur
décrivons les naufrages et les tempêtes.
Devant le même
dieu nous courbons nos têtes,
Mais si Merlin préfère
à la tempête le port,
Qu’il te suive, et
nous le bénirons sans remords. »
Merlin, sans que
nul mot ne sortît de sa bouche,
Voyait le barde
doux et l’évêque farouche.
Il s’écria, devenu
soudain audacieux :
« Pour le
rayon céleste, pour la harpe des dieux,
Je veux risquer ma
vie, car elle est mienne !
Que Jésus-Christ,
pour me bénir, lui-même vienne,
Et que de ses
mains il me donne la communion !
Je vois vos ombres
et j’abhorre vos rayons,
Mon âme ne souffre
point d’être par vous bénie,
J’entends en moi
de douces et d’étranges harmonies,
J’entends chanter
les anges et les enfers gronder,
Je vois des abîmes
que vous ne pouvez sonder,
J’ignore si mon
étoile est funeste ou faste,
Mais je la vois
reluire dans le firmament vaste !
Je chercherai mon
dieu dans les trois univers ! »
« De Satan tu
es bien le fils. Va-t’en, pervers !
Suis ton chemin et
je poursuivrai ma route.
L’Église ne peut
rien pour les cœurs qui doutent ! »
S’écria le moine
qui s’en alla, courroucé,
Et maudit le
rebelle, le monstre et l’insensé.
La nuit profonde
et des ombres amoureuse
Avait rendu la
lande muette et ténébreuse.
Sur la pierre de l’épreuve,
le jeune barde entendit
Le chant du
collège qui dans les monts se perdit
Et invoquait pour
lui les génies solaires.
La montagne
elle-même, calme et crépusculaire,
Semblait dire à l’élu : « Dors,
enfant révéré,
Du sommeil profond
des dieux et des inspirés,
Dans ce cercle
sacré que les fleurs parfument ! »
Bientôt la lande
fut envahie par les brumes
Qui enveloppèrent
Merlin, désormais seul,
Comme un invisible
et vaporeux linceul.
Il y vit des fées
qui étaient ravissantes
Et aussi des
formes vagues et menaçantes.
Dormait-il ? Veillait-il ?
Il ne le savait point.
Mais il lui
semblait que le monde, déjà loin,
S’évaporait
lentement et était chimérique.
Il sentit le
frôlement des corps oniriques
Sur sa peau,
pareils aux ailes des chauves-souris,
La lande disparut,
le mont avait péri,
Et Merlin vit une
forme surhumaine
Sortir du sol qui
à la terre l’enchaîne.
De sa tête étoilée
une radieuse clameur
Jaillissait, sur l’épaule
du prophétique dormeur,
Sa main géante comme
un roc s’appesantit.
Elle dit à Merlin : « Me
reconnais-tu, petit ? »
« Non, hélas ! »
répondit le barde sublime.
« Je suis le
roi de l’air et l’ange de l’abîme,
Je suis ton père,
l’ange tombé du firmament !
La science
terrestre, l’empire des éléments
Et la magie des
sens, c’est ce que je t’offre ! »
« Viens-tu du
firmament ou viens-tu du gouffre ?
Demanda Merlin. Si
tu viens du ciel radieux,
Donne-moi la
science des âmes, le secret de Dieu
Et les lois de l’avenir
qui chante avec paresse. »
« Sache que
ce n’est point le ciel qui m’intéresse,
J’offre la volupté
dans l’espace et le temps. »
Répondit à son
fils le ténébreux Satan.
« Je ne te
suivrai point. Les sciences de la Terre
Ne peuvent me
séduire. Je veux voir les mystères
Que Dieu cache aux
hommes. Plus hauts sont mes désirs ! »
« Arrogant !
Ce que tu n’as point voulu choisir,
Un jour tu l’envieras !
S’écria le spectre.
Mais sache que
malgré moi je suis ton maître,
Pour que tu
viennes au monde, je suis allé voir
Ta mère
compatissante dans son couvent noir,
Merlin, tu m’appartiens !
Ton âme m’est chère !
Par les
magnétiques courants de l’atmosphère,
Par l’effluve igné
qui dans tes veines court,
Par le désir qui
brûle en toi, par ton amour
Pour les choses du
ciel, tu es mon fils ! Tu trembles
Car je te
ressemble et tu me ressembles !
Et je te bénirai,
bien que tu m’aies renié !
Tu es mon premier
fils et aussi le dernier,
Et je t’offrirai
un présent. Qu’il te rappelle
Que je suis venu ! »
Et l’archange rebelle
S’envola dans les
cieux. Merlin sentit tomber
Sur son dos par la
houle de ses ailes courbé
Quelque chose de
pesant. Pareil à un tonnerre,
Un grand cri s’éleva,
et ces mots montèrent
Des entrailles de
la terre et des tombeaux anciens :
« Merlin, tu
es mon fils et tu m’appartiens ! »
[A SUIVRE]
Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène
|
La Muse a commencé à soupirer le 08/04/2012. Poèmes publiés sur le Blog : 2180.
samedi 25 août 2012
Le sommeil de Merlin l’enchanteur (sixième partie)
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Mon avis sur cet article: