mercredi 29 août 2012

Le sommeil de Merlin l'enchanteur (dixième partie)



LE SOMMEIL DE MERLIN L’ENCHANTEUR  (dixième PARTIE)


X

Comme la mer calme, par la brise caressée,
Devient silencieuse bien qu’elle fût courroucée,
La tempête se calma après plusieurs appels
Et le farouche orage, qui semblait éternel,
Se tut, et la forêt devint rayonnante.
Une vapeur monta de la source bouillonnante
Et dans cette vapeur Merlin vit s’élever
Une tour en ruine qui paraissait rêver,
Ouverte et creuse et toute habillée de lierre.
Une femme, réveillée par le bruit de la pierre
Jetée par le barde, et ses incantations,
S’endormait calmement, vivante tentation,
Dans cette niche de verdure, sous un toit d’aubépine
Et de chèvrefeuille, paresseuse et divine,
La tête appuyée sur son coude aussi blanc
Que la neige, et des gouttes de rosée tremblant
Sur sa chair rose et sur sa robe verte.
Sa chevelure était une mer, et certes
Etait fauvement dorée, et elle s’enroulait
A son bras et son cou, candides comme le lait.
Son doux corps respirait la grâce enlaçante
Des bois et des rivières que le ciel enchante.
Merlin, en la voyant, demeura interdit,
N’osant point s’approcher. Mais, redevenu hardi,
Caressa de sa harpe les mélodieuses cordes.
La fée ouvrit les yeux ; cieux que nul ne sonde,
Ils avaient le sourire céleste et étonné
Et la mélancolie des lacs abandonnés
Qui reflètent la couleur du temps qui s’envole.
Son front reluisait comme une auréole,
Elevant vers Merlin sa baguette de coudrier,
Elle lui dit : « C’est toi, Merlin ? J’avais prié
Pour que tu vinsses à moi, et dans tous mes songes,
Je te voyais, car ton souvenir me ronge
Comme le vautour ronge sa proie en l’assaillant ! »
« Qui es-tu, belle fée ? » Dit Merlin en tressaillant.
« Ne me connais-tu pas? Jadis je fus druidesse,
Jadis je commandais, telle une déesse,
Aux éléments tremblants et par mes sorts surpris.
Hélas ! Les prêtres noirs et les moines gris
Firent tomber sur moi leurs malédictions sournoises !
Merlin, je suis Viviane, la fée gauloise,
Je suis ta Viviane et je revis grâce à toi ! »
« Viviane, Viviane ! Ce nom que je dis deux fois
M’est doux, et sa divine musique m’est familière ! »
S’écria la barde, ébloui par la lumière
De cette fée, et par ses charmes redoutés.
Elle continua : « Ta harpe a ressuscité
Mon âme, grâce à tes chants soudain réveillée !
Cette robe légère dont tu me vois habillée
Et qui montre de mon corps tous les blancs détails,
Etait mon linceul et du destin mon seul bail.
Si tu veux embrasser mes lèvres vermeilles,
Des trois mondes chante-moi les douces merveilles,
Et fait vibrer les cordes de ta harpe à nouveau ! »
L’enchanteur amoureux, avec un zèle dévot,
Exauça la prière de la radieuse captive
Qui l’écoutait, devenue soudain attentive,
Tandis que ses gestes et ses regards tentateurs
Incarnaient les pensées du prophétique chanteur
Et son éternel et mystérieux sourire
S’illuminait à chaque mouvement de la lyre,
Et disait ses extases et ses rêves vivants.
Enthousiasmé, Merlin s’arrêta en rêvant
Et vit soudain Viviane, fée à la peau rose,
A genoux devant lui, dans une lubrique pose,
Eprise et de sa moelle courbée se nourrissant.
Elle se releva, et en le saisissant
Avec sa main droite, comme une terre humide molle,
Qu’elle mit amoureusement sur sa grande épaule,
Il ne vit pas que sa harpe avait glissé
Dans la main gauche de Viviane. Terrassé
Par sa divine beauté, il ne voyait plus qu’elle
Et l’appelait sa déesse, sa nymphe et sa belle,
Et un instant après se trouva assis
Dans la tour de la fée, les yeux obscurcis
Par les ténèbres de ses charmes qui brillent,
Seul avec sa beauté, sur un lit de jonquilles.
Viviane enlaçait, assise sur ses genoux,
Sa conquête, en lui disant des poèmes doux ;
Elle était caressante et était enjouée.
Merlin lui dit, d’une voix par l’amour enrouée :
« Je t’aime, je t’adore ! Sache que je suis prêt
A mourir pour te plaire et te dire mes secrets ! »

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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