LE SOMMEIL DE MERLIN L’ENCHANTEUR (onzième PARTIE)
XI
Viviane dit au
barde : « Il existe un charme
Redoutable, et dont le mystère m’alarme,
Et qui plonge l’homme qui s’endort en
rêvant
Dans un profond sommeil, séparé des
vivants
Par un mur invisible, pour lui infranchissable,
Et le garde captif d’une prison
impalpable.
Ô, Merlin ! Dis-le-moi, si tu es mon
amant ! »
Le barde ensorcelé lui sourit fièrement
Et il pressentit son amoureuse traîtrise,
Mais il était, malgré cela, sous son
emprise.
La fée se colla à lui et lui tendit
Son oreille rose, et elle entendit
La magique formule. Il ajouta : « Sache
Que ce charme est sur moi sans effet, et
cache
Ce sombre secret à tous les faibles
mortels. »
« Ne crains rien ! Dit Viviane.
Par la terre et le ciel !
Crois-tu que je vais m’en servir, et que
j’ose
Sans craindre celui qui a créé les
choses,
L’utiliser ? Merlin poursuivit
gravement :
« J’en suis préservé par cet antique
talisman,
Par cet anneau, présent de ma
consolatrice
Radiance, que les dieux et les héros
bénissent. »
Une fauve lueur sillonna les yeux
De la fée séduisante au cœur impétueux.
Elle baissa la tête et devint pensive
Comme le marin qui espère les lointaines
rives.
« Qu’as-tu, ma douce Viviane ? »
Dit amoureusement
Le barde. Reprenant soudain son
enjouement,
Viviane renversa, mielleuse et aimante,
Sur l’épaule du prophète sa tête
charmante
Avec une triste et dangereuse langueur,
Et semblait étreindre son âme et son cœur
Avec son dos serrant sa poitrine
chaleureuse.
Les doigts de son amant, dans sa
chevelure soyeuse
Etaient plongés, pareils aux doigts d’un
musicien
Qui caresse les cordes d’un instrument
ancien.
Autour de sa main il en tordit une natte,
« Je suis ton Apollon et tu es mon
Hécate
Et ma harpe vivante ! » Et
Viviane vibrait
Sous son étreinte. Dans l’abîme il
sombrait,
Et ce corps suppliant, ployé comme une
aile,
Lui disait des douceurs sublimes et
charnelles.
De leurs ardents baisers la forêt
frémissait,
L’univers tout entier tout à coup s’emplissait
D’une mer de musique sans cesse
grandissante.
L’air extasié, Viviane, qui était
absente,
Dit à Merlin : « Embrasse-moi,
donne-moi maintenant
Le baiser éternel, farouche et tonnant
De nos fiançailles ! » Les deux
amants restèrent
Immobiles, au bord d’un abîme austère
Qu’ils contemplaient ensemble, n’osant
point s’y jeter,
Enivrés par cette étreinte et arrêtés.
Soudain, Merlin tremblant qui leva la
tête
Vit un vol de corbeaux, ténébreux poètes,
Passer, d’une clameur formidable suivi,
Et, pareil au cri de Tantale inassouvi,
Un cri s’éleva dans les airs, portant l’agonie
D’un peuple supplicié, horrible et
infinie :
« Arthur ! Arthur ! »
Haletants, furieux, désespérés,
Les bois en tremblaient, et les cieux
déchirés
En répétèrent l’écho, palpitants d’angoisse.
Merlin, comme une feuille morte que la
houle froisse,
Etait serré par la fée. Il la repoussa
Tout à coup, et droit, les bras levés, se
dressa
Aspirant l’air dont le privait son
étreinte,
Se réveillant et la maudissant sans crainte.
Sur le mortel silence des bois, une voix
monta
Et dit à l’enchanteur que le désir dompta :
« Qu’as-tu fait de ta harpe ?
Cette noire traîtresse
Qui est ton ennemie et n’est point ta
maîtresse,
Te l’a volée ! Qu’as-tu fait de ton
roi trahi ?
Aux commandements de Viviane tu obéis,
Tu oublias Radiance, et plein de
faiblesse,
Avec les dards de ton oubli tu la blesses ! »
« A moi ma harpe ! A moi
Radiance ! » S’écria
Merlin. Il se calma un instant et pria
Puis jeta les yeux autour de lui.
Viviane,
La tour et le bosquet d’où un parfum
émane,
Et le lit de jonquilles, tout n’était qu’illusion !
Un sanglot monta, tel une humide vision,
Voluptueux, du fond des ondes assombries :
« Adieu, Merlin, adieu, âme
endolorie ! »
Le barde affolé sur la source se pencha
Et en la contemplant, vainement il
chercha
Le visage de Viviane, et vit son visage
Défait, et son œil hagard et sauvage.
Alors il hurla : « Tu
reviendras ! Je le veux ! »
Et à travers les bois, s’arrachant les
cheveux,
S’enfuit comme un fantôme dans l’ombre
sereine,
Incommensurable et de dangers pleine.
[A SUIVRE]
Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène
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La Muse a commencé à soupirer le 08/04/2012. Poèmes publiés sur le Blog : 2180.
jeudi 30 août 2012
Le sommeil de Merlin l'enchanteur (onzième partie)
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