lundi 20 août 2012

Le sommeil de Merlin l’enchanteur (première partie)


Le sommeil de Merlin l’enchanteur 


I

Carmélis, une pieuse nonne qui chaque jour prie,
Vivait loin des hommes dans un couvent de Cambrie.
Fille d’un roi maudit qui mourut assassiné
Et par ses rivaux et le sort découronné,
De son siècle elle avait fui la violence ;
Derrière ces murs que le lierre, avec indolence,
Caressait, dans ce havre perdu dans les bois
Où, hormis les sœurs, nul mortel ne la voit,
Elle priait et chantait les divins mystères.
Son cœur était pur comme cet antique monastère
Et son âme virginale d’une séraphique douceur,
Mais malgré leur amour et leur respect, ses sœurs
Etaient toutes étonnées et parfois effrayées
De sa rêveuse pitié pour les choses ployées
Et les êtres inférieurs : hommes, plantes et animaux
Dont elle pardonnait les fautes et plaignait les maux.
On la voyait toujours dire une prière
Pour les méchants qui errent loin de la lumière
Et pour tous les pécheurs, qu’elle trouvait malheureux ;
Elle semblait entendre les soupirs douloureux
Des âmes écrasées, comme la nuit obscures,
Bien qu’elle fût douce, bien qu’elle fût vierge et pure,
Elle semblait penchée avec curiosité
Sur l’abîme profond de la noire humanité
Où elle contemplait les âmes abhorrées.
Son âme s’envolait aux sphères éthérées
Quand elle s’endormait. Quand elle se réveillait,
Son cœur compatissant sans cesse surveillait
Les humains, et sans cesse gémissait de leurs fautes.
Elle disait à ses sœurs : « Quand la cime est plus haute
La chute est plus terrible. J’ai le cœur plein d’effroi
Quand je songe au destin des héros et des rois
Qui portent la couronne que porta mon père !
Les lauriers sont fourbes, l’or est éphémère,
Mais ces misérables, eux, ne le savent pas !
Priez pour eux, priez aussi pour l’esclave las
De l’oppression de son fardeau et de ses chaînes !
Nous sommes les épouses de Dieu, mais nous sommes humaines
Et le sort des mortels, tout comme notre sort,
Nous importe et doit nous remplir de remords ;
Pour les hommes écrasés et ceux qui les écrasent
Priez ! » Une nuit, dans une de ses extases,
Elle vit les sept Archanges, blancs et debout autour
Du Soleil divin plus radieux que le jour.
Leurs ailes étaient ployées et leurs épées cachées
Et devant le Seigneur leurs têtes étaient penchées ;
Leurs yeux rayonnaient comme rayonne le matin.
La nonne était éblouie par ces spectres hautains
Mais n’avait point peur. « Ils sont heureux, dit-elle,
Ces divins messagers de la Gloire éternelle !
Mais que suis-je pour eux, et que sont-ils pour moi ?
Malgré ma pureté et malgré ma foi,
Je suis de la poussière et je suis de la fange
Et invisible pour ces augustes archanges !
Dieu, si vous m’entendez, sachez que je veux voir
Le Tombé, le Maudit qui souffre sans espoir,
Lucifer, votre fils déchu que vous bannîtes
Du divin Royaume que ses frères habitent !
Seigneur, je veux le voir, je veux le consoler,
Car nul ne prie pour lui, et il est esseulé,
Son cœur est sombre et son âme est affligée ! »
Aussitôt Carmélis fut dans l’abîme plongée.

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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