vendredi 24 août 2012

Le sommeil de Merlin l’enchanteur (cinquième partie)


LE SOMMEIL DE MERLIN L’ENCHANTEUR  (cinquième PARTIE)



V

Sur une des côtes du pays de Galles,
Il y avait jadis une grotte profonde et pâle
Appelée la grotte d’Ossian, et qu’un éboulement
Des humaines mémoires effaça lentement.
Comme la grotte de Fingal, dans les Hébrides,
Cette antique grotte, qui avait beaucoup de rides,
Semblait ronger le mont et semblait s’en nourrir.
On racontait qu’Ossian fit, avant de mourir,
Venir le vent dompté, et lui ordonna : « Creuse ! »
Pour bâtir cette cachette sacrée et mystérieuse
Avec les colonnes de basalte sculpté.
C’est là que les anciens bardes venaient chanter
A l’intérieur du mont, dans ses salles naturelles,
Les dieux immortels et les déesses immortelles ;
Quand la nuit tombait, loin des hommes et des rayons,
Ils y tenaient, voilés, leurs secrètes réunions,
Et après une épreuve rude et solennelle,
Consacraient leurs prophètes dans l’ombre éternelle.

Devant cette grotte, une lande s’étendait,
Incommensurable. La nuit, on entendait
Des bruits étranges quand on passait près d’elle,
Les moines l’appelaient la lande mortelle
Et la lande maudite, ils la voyaient tremblants,
N’osant point fouler son sol terrible en allant
A leurs églises, car ils la croyaient charmée.
D’un cercle de pierres sombres elle était semée,
A leur centre il y avait, édifice du Destin,
Une pyramide énorme et dont l’œil est hautain,
Qui montait jusqu’aux cieux, fière et colossale,
Et mystérieuse comme la grotte d’Ossian et ses salles.
On appelait ce menhir, avec vénération,
La pierre de l’épreuve et de l’inspiration,
L’aspirant devait dormir une nuit entière
Près de cette construction antique et altière,
Pour être réveillé, au lever du soleil,
Par le chœur des bardes de son blême sommeil.
Parfois, bercé par leurs chants et leur musique,
Il racontait son rêve en un chant rythmique
Et devenait barde-prophète et confident
Du génie divin. Mais il arrivait souvent
Que l’aspirant fuyait, plein de peur et de honte,
Cette pierre noire qui au firmament monte,
Pour devenir poète ou bien devenir fou.

C’est là que Taliésinn, vieillard au sourire doux,
Conduisit, entouré du collège bardique,
Son disciple Merlin, fils d’une nonne pudique
Et d’un ange déchu, et lui dit : « Tu connais
Nos secrets, tu as vu l’abîme où la vie naît,
Nous t’avons montré la clé des trois existences,
Ton esprit est empli de notre science,
Parmi nous tu pouvais vivre sans nul souci
Et rester, jusqu’à ta mort, tranquille ici.
Mais puisque tu veux t’élever au rang suprême,
Je dois t’avertir, moi ton père qui t’aime.
Bien que les signes te soient favorables, entends
Ce que je dis : une grande mission t’attend,
Lorsque jusqu’au cercle supérieur on s’élève,
La vie d’humble mortel brusquement s’achève,
Et on retombe à l’abîme plus facilement.
Merlin, tu erreras dans le noir firmament,
Tu seras prophète. Mais avant, prends garde
Et sache que la folie et la mort te regardent,
Pareilles à des spectres maudits et malveillants.
Tu lutteras avec les démons et les géants
Et toutes les puissances funestes et mauvaises,
Et il te semblera parfois qu’elles t’écrasent,
Mais tu verras aussi le rayon divin
Reluire pour toi. » A ce moment Gildas vint
Son bâton pastoral à la main, en errance.
Aux bardes il jeta un regard plein de défiance
Et dit à leur disciple : « Ta mère a failli,
Elle était l’épouse de Dieu et l’a trahi,
Comme elle, l’esprit malin ronge ton âme noire !
Malheur à qui cherche les rayons et la gloire
Sans la sanction de notre Église et son secours !
Ces hérétiques te bercent, à ta perte tu cours,
Mais je veux te sauver : suis-moi, fais pénitence,
Deviens moine et retrouve ton innocence,
Tu expieras tes fautes, tu ne gémiras plus
Et je te donnerai moi-même le pain du salut. »

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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