mardi 21 août 2012

Le sommeil de Merlin l’enchanteur (deuxième partie)


LE SOMMEIL DE MERLIN L’ENCHANTEUR  (DEUXIÈME PARTIE)



II

Voilé d’un nuage sombre, l’Ange proscrit
Apparut à la nonne au cœur vaguement épris
Des êtres maudits et des choses funèbres.
Son front étoilé brillait dans les ténèbres,
Une comète y traînait sa sinistre lueur,
Ses yeux, qui osèrent braver le Seigneur,
Etaient pourprés ; on en voyait tomber des larmes
D’une éternelle douleur, souvenirs des doux charmes
Du ciel perdu, de la chute et de ses remords.
Autour de ses flancs, le noir serpent de la mort
Qui étreint les hommes, les mondes et les créatures,
S’enroulait trois fois, et comme l’aigle qui torture
Prométhée, torturait sa proie éternellement.
Carmélis leva les yeux et dit doucement
Au spectre foudroyé : « Qui es-tu, fantôme ? »
« Je suis le seul ange que maudissent les hommes,
Répondit Lucifer. L’Abhorré, le Tombé
Qui devant l’Éternel ne s’est point courbé.
Je suis damné, mais je suis aussi nécessaire,
Ma désobéissance a été sincère
Et vous obéissez parce que vous avez peur.
On m’appelle le Déchu, le Trompeur,
Mais tout serait, sans moi, une ombre qui passe !
Je tiens la colonne du temps et de l’espace,
Je suis le roi de l’air et du monde inférieur,
Toutes les âmes bannies passent à l’intérieur
De mon royaume, par les brises remuées,
Avant de remonter aux éternelles nuées
Ou de s’en aller dans les ténébreux enfers.
Les souffrances que je cause maintiennent l’univers,
Mais j’en souffre au centuple et j’en gémis moi-même. »
« Pauvre archange tombé et que nul cœur n’aime !
S’écria Carmélis. Dans mes mains je prendrai
Une de tes larmes, et je la porterai
Comme on porte un fardeau sublime et céleste,
A tes ennemis qui t’abhorrent et te détestent,
A tes frères les archanges et les verbes vivants
D’Élohim. Ils verront cette larme en rêvant
Et elle emplira leurs cœurs que tu courrouces
De la divine clémence et de la pitié douce. »
« Ils ne peuvent rien pour moi. Mais si tu plains le sort
De celui qui brave la griffe qui ronge son corps,
Veux-tu sauver une âme qui erre pourchassée
Dans le royaume de l’air, de son mouvement lassée,
En l’adoptant comme un fils ? » Demanda Lucifer.
« La foi peut sauver toutes les âmes de l’enfer ;
Je le veux car je t’aime, âme maudite et ardente ! »
Dit à Lucifer la dormeuse imprudente.
« Alors je reviendrai ! » dit l’archange puissant,
Et il déploya ses ailes en s’effaçant
Comme les météores qui dans l’abîme pullulent.

Une nuit, la nonne qui dormait dans sa cellule
D’un sommeil agité, vit entrer un pèlerin
Courbé sur son bâton, au visage serein
Caché par son sombre capuchon. Tranquille,
Bien qu’il fût épuisé, il demanda l’asile
D’une voix suppliante et douce. « Eh bien ! Couche-toi
Sur ces dalles, et dors sans crainte sous ce toit. »
Dit Carmélis sans peur. Le pèlerin devant elle
S’agenouilla. Soudain, elle vit des ailes
Noires comme la nuit, surgir de ses haillons,
Et ses yeux s’emplirent tout à coup de rayons.
Carmélis vit l’ange maudit sans voile
Qui au front portait la radieuse étoile
De la science rebelle et de l’obscur orgueil.
Ses ailes frémissaient, ténébreuses comme le deuil,
Et touchaient la voûte, larges et crépusculaires,
Et ses yeux étaient pleins d’amour et de colère.
Carmélis frissonna et n’osa point bouger.
Comme si elle était seule, en train de songer
A quelque chose de noir devant cette ombre énorme,
Clouée sur sa couche, elle contemplait cette forme
Mystérieuse, fascinée par sa sombre splendeur,
Et, fleur des ténèbres, respirait son odeur.

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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