jeudi 23 août 2012

Le sommeil de Merlin l’enchanteur (quatrième partie)


LE SOMMEIL DE MERLIN L’ENCHANTEUR  (quatrième PARTIE)



IV

Son ventre appesanti et gémissant sans cesse,
Carmélis ne pouvait plus cacher sa grossesse.
Elle alla à Gildas, évêque du pays
A qui la Bretagne soumise obéit,
Dire son noir secret, frémissante et pâle.
On appliquait jadis la loi des vestales
Aux nonnes pécheresses. Gildas eût épargné
La fille d’un illustre roi qui avait régné
Sur tant d’âmes, mais quand il sut la manière étrange
Dont la nonne éprise fut séduite par l’ange,
Il devint fou de rage et il l’excommunia
En criant : « Comme Satan, Carmélis, tu renias
Dieu, et tu succombas aux sombres artifices
De l’Archange maudit, condamné au supplice !
Epouse de Dieu et catin de Satan !
Tu es deux fois maudite ! Sur les landes va-t’en,
Va-t’en, ignoble et infâme prostituée
Par le Démon, qui est ton amant, polluée !
Que ton fils soit maudit ! Que tout foyer chrétien
Te soit éternellement fermé ! Chez les païens
Va chercher asile, ces peuples sauvages
Te nommeront leur Marie, et croiront ton fils sage
Ou prophète ; je te bannis, va-t’en d’ici ! »

Le père de Carmélis avait été occis,
L’Église l’abandonnait comme une vieille harde,
Mais elle connaissait Taliésinn, grand-barde
Et protégé par un illustre chef gallois.
Ces bardes conservaient leurs rites et leurs lois,
Leurs incantations et leurs primitifs arcanes,
Et se disant chrétiens, croyaient encore aux mânes
Et vénéraient les dieux et les héros anciens :
Dôn et ses enfants, Llyr et ses fils, et Ossian.
Les gens d’église les qualifiaient de rebelles,
Les flétrissaient de leurs malédictions cruelles,
Et leurs bouches, toujours pleines d’inimitié,
Aux puissants druides et à leurs puissants héritiers
Donnaient les noirs noms de relaps et d’hérétiques.
Ils eussent, emplis de leur zèle fanatique,
Assailli ces barbares par leurs armes assiégés,
Mais ils étaient puissants et étaient protégés
Par des chefs courageux, et partout en Bretagne
On vénérait ces pâles habitants des montagnes
Qui pour le peuple étaient grands et surnaturels
Et avaient maints pouvoirs qui leur venaient du ciel.
Auprès d’eux Carmélis alla chercher refuge
Comme à Ararat Noé après le Déluge.
Taliésinn accueillit avec grande bonté
La nonne proscrite et au cœur agité,
Et il promit à la mère qui désespère
Qu’il élèvera son fils comme s’il était son père
Et les protégera du ténébreux courroux
De l’Église, aux lèvres un sourire vaillant et doux.
Le barde lui dit : « Sache que ton fils, le prophète,
Sera célébré par une grande fête.
Le ciel nous a parlé de lui, nous l’attendons,
Et de nos dieux antiques il est le sublime don ;
Il rayonnera et il éblouira le monde,
C’est ce que nous ont dit les forêts profondes, 
Et les immenses chênes dont nous seuls comprenons
Le langage, avant ta venue nous dirent son nom !
Mon toit est le tien, et ta progéniture
Est la mienne, vierge à la beauté pure ! »
Carmélis remercia le barde inspiré
Et enfanta sous son toit l’enfant vénéré.

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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