LE SOMMEIL DE MERLIN L’ENCHANTEUR (neuvième PARTIE)
IX
Fatigué de la
chasse, le roi dormait un soir
D’un sommeil
profond, dans son immense manoir.
Genièvre et
Mordred de Merlin s’approchèrent,
Genièvre lui
dit : « Si ta reine t’est chère,
Tu exauceras son
vœu et suivras son penchant ;
Tu ne me chanteras
point un amoureux chant,
Aux dieux on
demande le nectar et l’ambroisie,
Plus noble est ma
prière, plus rare ma fantaisie.
On m’a parlé d’un
philtre magique et si puissant
Que l’homme qui le
boit obéit et consent
Aux caprices de la
femme qui le lui fait boire.
A Brocéliande une
magicienne noire
Le garde, et toi
seul pourras la dompter. »
De son œil
clairvoyant qui apprit à compter
Les étoiles dans
les cieux, et voit les mystères,
L’enchanteur
regarda le couple adultère
Et sentit qu’il
tramait un ténébreux complot.
Il
répondit : « De cette forêt d’immenses flots
D’ombres et de
nuit, m’éloignent et me séparent,
Je sais
l’existence de ce philtre rare
Et qu’il est par
une sombre sorcière gardé,
Car dans mes
songes j’ai maintes fois regardé
Brocéliande et sa
fontaine en Armorique,
Et j’ai sondé
cette forêt féerique,
Mais il faut que
je reste car le roi me requiert. »
Démon à la bouche
captieuse et au cœur fier,
Mordred dit à
Merlin : « Seule ta magie ancienne
Pourra dompter
cette puissante magicienne !
Il te la faut
combattre, il te la faut braver,
A nous et au roi
et à ses sujets prouver
Que tout obéit à
Merlin que rien n’effare !
Nos ennemis sont vaincus, nulle guerre ne
se prépare,
Si tu ne vas pas à Brocéliande on dira
Que tu as peur, et même le roi te
méprisera,
Car les âmes braves par les braves sont
chéries ! »
Laissant l’Archibarde plongé dans sa
rêverie,
Les fourbes s’en allèrent, tandis que
lui, pensif,
Resta à sa place comme l’immobile récif.
Il pensa à dire à son ami et maître
Que Genièvre est volage et Mordred un
traître,
Puis il se ravisa en songeant au danger
De dire des soupçons que le doute peut
changer.
Il se promit, toutefois, de surveiller
lui-même
Le neveu du pauvre roi ainsi que sa femme.
Mais un noir désir, plus que sa sagesse
fort,
L’avait mordu au cœur et éloigné du
port ;
Il pensait à cette femme qui serait son
égale,
A la joie de la vaincre, douce et
triomphale,
Et de l’aimer peut-être ! Son âme
d’orgueil s’emplit
Comme son père qui en tombant des cieux
pâlit,
Et le nom inconnu de cette sombre
sorcière
Enflammait son âme et la rendait fière
Et, comme le nom de Radiance un blanc
rayon,
Etait un ténébreux et farouche tourbillon
Qui dans son âme grondait comme la mer
profonde
Violée par la tempête, gémissante gronde.
Vainement il se rappela les augustes
conseils
Du sage Taliésinn ; son cœur était
pareil
A une voile chétive, à un frêle navire
Qui dans la houle qui le tourmente
chavire,
Et comme s’il était dément ou possédé,
Par son inquiétante rivale obsédé,
Ne dormait plus à cause de cette
créature.
Il se disait : « Pour que
je connaisse la nature,
Il me faut sonder le cœur de la femme
aussi !
Puis-je me dire un maître en demeurant
ici ?
Je suis enchanteur, je ne suis point un ermite,
Qui loin des mortels et du monde médite,
Il faut partir et il faut cesser de
songer ! »
Et au roi surpris il demanda un congé
Pour revoir Taliésinn. Sur sa voile
légère,
Il alla vers la terre déserte et
étrangère
Et de l’Armorique vit le rivage mystérieux.
Dans les bois deux fois plus sombres que
les cieux,
Le voilà devant la fontaine de Jouvence,
Debout et tout seul dans la forêt
immense.
Dans sa source pareille à un profond
miroir
Où il contemplait son visage qu’il
pouvait voir,
Il jette une pierre. L’eau calme
bouillonne
Et Brocéliande houleuse vocifère des
consonnes,
Tout devint un cri ! Un tonnerre
souterrain
Roule avec le bruit d’un formidable
airain,
La tourmente gronde, une tempête se
déchaîne,
Fracasse les bouleaux et déracine les
chênes,
Et Merlin impassible et farouchement
hautain,
Avec le signe de Lucifer dans sa main
Etend le bras sur la ténébreuse source
Et lui dit : « De tes
ondes tu arrêteras la course !
Au nom des puissances de la terre et du
feu
Et de l’eau et de l’air, par ce signe
radieux,
J’évoque la Femme puissante et
redoutable !
A moi la magicienne ! La tourmente
effroyable
Ne m’effraie pas, et je ne quitterai
point ces lieux
Sans voir celle dont j’ignore le nom,
pareille aux dieux ! »
[A SUIVRE]
Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène
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La Muse a commencé à soupirer le 08/04/2012. Poèmes publiés sur le Blog : 2180.
mardi 28 août 2012
Le sommeil de Merlin l'enchanteur (neuvième partie)
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