LE SOMMEIL DE MERLIN L’ENCHANTEUR (Douzième PARTIE)
XII
Mordred, neveu d’Arthur, avec la reine
s’enfuit
En Écosse, en
emmenant comme la houle avec lui
Les Pictes
révoltés et les Scots en colère.
Arthur fut vaincu
dans une bataille meurtrière,
Dans la seconde,
il fut par Merlin rejoint,
Et la défaite en
fut plus sombre, et de loin
Ce que le Royaume
connut de plus tragique,
Car Arthur périt
dans un combat épique,
Et son corps
disparut sous un fatal monceau
Et fut par les
barbares coupé en mille morceaux
Puis par les
vautours qui observaient la bataille
Et les assaillants
et ceux qui les assaillent
Rongé promptement,
comme un dîner copieux.
Sa tête fut
suspendue à un énorme pieu
Et d’une farouche
victoire devint l’emblème.
Accablé du
désastre, courroucé et blême,
Merlin, victime de
mille fantômes furieux,
Fut par Gildas
appelé l’ennemi de Dieu
Et maudit
publiquement à cause de la défaite.
L’évêque hurla : « Méfiez-vous
des faux prophètes !
Dieu lui-même l’ordonna !
Son radieux paradis
Fermera ses portes
à cet homme maudit !
Vous fûtes tous
séduits par le fils du Diable,
Et cette défaite,
noire et irrémédiable,
En fut le résultat ;
l’invincible courroux
De Dieu a frappé ! »
Et Merlin devint fou.
Le peuple lui jeta
des pierres, et les blasphèmes
Tombèrent sur lui
avec les pesants anathèmes,
L’on vit ce
spectacle honteux et effrayant :
L’inspirateur d’Arthur,
le prophète, le géant,
Errant à travers
champs, insensé, en démence,
Recommandant sa
harpe aux forêts immenses,
Hagard, abandonné,
invoquant tour à tour
Viviane et
Radiance, plein de haine et d’amour,
Disant le nom de
son père que le feu embrase
Et le nom de Dieu,
dans la même phrase.
De ses génies il
ne pouvait plus ouïr les voix,
Frappé de surdité,
seuls le nom de son roi
Et le nom de
Radiance en lui résonnèrent,
Puissants comme la
houle et comme le tonnerre.
Maudit, tout devint
pou lui maudit. Il errait
Partout, priait,
criait, gémissait et pleurait.
C’est alors qu’il
alla voir sa mère chenue,
La pauvre Carmélis,
qui vivait inconnue
Dans sa noire
retraite. Elle seule n’avait pas cessé
De croire en lui.
Souriant à son enfant blessé,
Elle lui dit : « Ô,
mon fils chéri ! Modère
Tes chagrins !
Maudit par tous, béni par ta mère !
Même si tout te
hait, il te reste mon amour !
Souffre ton
martyre en silence, espère toujours !
L’anneau de
Radiance dans ton doigt brille encore,
Pareil au soleil
et pareil à l’aurore ;
Ne le perds pas !
Par lui tu peux reconquérir
Ta science et ta
harpe ! » Mais un obscur désir
Conduisait l’enchanteur
à Viviane maudite
Et aussi belle que
la divine Aphrodite.
Il savait qu’elle
était la cause de son malheur
Et l’abhorra
maintes fois en versant des pleurs ;
Or une amoureuse rage, indicible,
Comme la tempête
qui rugit, impassible
Ramène les voiles
tremblantes et frêles à la mer,
Ramenait vers elle
le barde au cœur amer.
Il n’avait qu’une
pensée, il n’avait qu’une envie :
La voir, la
posséder, et lui prendre la vie,
L’aimer, la haïr,
la revoir et la punir,
L’avoir, l’abandonner,
la maudire, la bénir !
Il revint donc aux
bois où Viviane est cachée
Et sous son
bosquet la vit, à demi couchée ;
Sur sa harpe ses
deux bras étaient appuyés
Et son corps sur
elle était doucement ployé,
Sa chevelure
pendait sur les divines cordes
De l’instrument
volé du misérable barde,
Les yeux à terre,
elle rêvait profondément,
Et contemplait
quelque chose dans son affaissement.
Merlin l’appela la
friponne et la rusée,
Et Viviane
immobile et qui semblait brisée
Ecoutait ses
reproches et ses malédictions.
« Tu n’es qu’une
fourbe, une pâle fiction !
Lui disait-il.
Rends-moi ma harpe aux sons tendres ! »
« Ô, mon
amour ! Je la gardais pour te la rendre,
Répondit la fée.
Tu m’aimais et je t’aimais,
Mais tu m’as
repoussée ! Je n’oublierai jamais
Que ton cœur fut
cruel, que tu fus insensible ! »
De sa voix
frémissante, à peine perceptible,
Elle poursuivit : « Maintenant,
il faut nous dire adieu !
Si tu veux ta
harpe, prends-la et quitte ces lieux,
Tu ne me reverras
plus, même quand tu sommeilles !
Alors prends ta
harpe qui berce et réveille ;
Adieu ! »
Merlin, devant son amante plié,
Eperdu d’amour, se
mit à la supplier
En lui rappelant
leur serment. La tête courbée,
La fée resta
longtemps muette et absorbée,
Et Merlin ne vit
pas, dans ses farouches transports,
Qu’elle souriait
fourbement, comme sourit le sort.
[A SUIVRE]
Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène
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La Muse a commencé à soupirer le 08/04/2012. Poèmes publiés sur le Blog : 2180.
vendredi 31 août 2012
Le sommeil de Merlin l'enchanteur (douzième partie)
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