mercredi 22 août 2012

Le sommeil de Merlin l’enchanteur (troisième partie)


LE SOMMEIL DE MERLIN L’ENCHANTEUR  (troisième PARTIE)



III

Immobile, l’Esprit couvait la vierge
Et ses yeux reluisaient comme des cierges
Dans la solitude et dans l’obscurité.
Il était amoureux et semblait irrité,
De ses mains étendues, de ses ailes élargies,
Il enveloppait la nonne que la pâle orgie
Plongeait dans l’abîme profond de la passion.
Elle sentit sur ses lèvres l’amoureuse commotion
Du Démon, quand elles embrassèrent sa bouche ;
Ô, délicieuses tortures ! Ô, baisers farouches !
Le cœur de Carmélis était plein de stupeur,
Sa cellule s’emplissait d’une étrange vapeur,
Elle ne voyait plus rien, hormis les yeux rouges
De l’être qui dans la nuit éternellement bouge,
Et un fleuve de feu la pénétrait, vainqueur,
Et le serpent de la mort la mordait au cœur.

Elle poussa un grand cri et s’éveilla, pâle.
Sa couche était brûlante et sa cellule fatale
Etouffante et remplie du parfum séditieux
De l’Archange maudit qui tomba des cieux.
Au dehors, l’orage grondait. Par la fenêtre
Une ombre s’échappa, rapide comme les traîtres,
Pareille à un oiseau qui s’envole la nuit
Et qui, en déployant ses ailes, chante et fuit.
Carmélis entendit la voix solennelle
Du condamné dont la douleur est éternelle,
Clamant dans la tempête d’automne : « Tu m’as aimé
Alors que nul ne m’aime ; dans tes flancs j’ai semé
En t’épousant, une glorieuse graine,
On se souviendra de toi comme d’une reine,
Tu seras la mère du prophète Merlin
Dont le cœur de science et de bonté est plein
Et dont les femmes et les fées seront éprises,
Ami de la sagesse, effroi de l’Église. »
Et l’ange s’envola dans le noir firmament.

La vie de Carmélis, qui coulait doucement
Comme le calme ruisseau qui dans les bois coule,
Devint pleine de peines, d’orages et de houles.
Elle sentait son ventre, jadis vide, grossir,
Et tout autour d’elle blêmir et s’obscurcir ;
Plus d’extases, plus de visions ! L’épouvante
Hors du couvent poussait la nonne errante
Qui devint éprise des ombres et des bois,
Et elle gémissait comme une bête aux abois.
Elle entendait, dans la forêt, des bruits étranges
Et la voix susurrante et douce de l’ange
Qui était son époux. « Mon Dieu ! Que vais-je devenir ?
Ne voulez-vous point me sourire et me bénir ? »
Disait-elle en dormant, par ses larmes étouffée,
Dans la grotte des lutins ou sous le chêne des fées.
Le chœur harmonieux des esprits aériens
La consolait en lui chantant : « Ne crains rien
Et sois toujours bénie, vierge pure et bonne,
Qui aime l’un des nôtres et lui pardonne !
Ton fils radieux sera un illustre enchanteur ;
Contemple le ciel et respire les senteurs,
Tu seras mère et vierge, comme la belle Marie ! »
Consolée, sa douleur changée en euphorie,
La pauvre nonne, au milieu de ses terreurs,
Souriait, et éplorés, ses yeux devenaient rêveurs.
Elle croyait voir ce fils dont elle moulait elle-même
Le corps charmant, et lui donner le baptême,
Elle voyait son âme sournoise voltiger
Quand elle le sentait dans son ventre, léger
Comme un sylphe, frôler son sein sans patience
Et lui dire : « N’aie point peur ! Ma noble science
Te consolera comme tu me consoleras !
Mère, je te bercerai et tu me berceras,
Je te dirai des choses merveilleuses et pures,
Tu es ma mère et je suis ta créature,
Mon père est de tous les anges le plus savant,
En moi tu le verras, douce fiancée du vent ! »

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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