mercredi 14 mai 2014

Histoire de trois calenders, fils de rois, et de cinq dames de Bagdad (XXIX)

Histoire de trois calenders, fils de rois, et de cinq dames de bagdad (partie XXIX)

Poèmes de "la série Mille et une Nuits":

 
« Prince, me répondit la princesse souriante
D’une voix qui était douce et bienveillante,
Maîtrisez vos transports, laissez là ce discours.
Nous ne jouirons que peu de la lumière du jour ;
Si je quitte cette ténébreuse retraite,
Quelques jours suffiront, pour qu’il nous arrête,
Au génie qui me sert et qui est mon geôlier.
Il faut sortir d’ici et il faut m’oublier. »
« Je ne puis, princesse, vous oublier ; repris-je.
Vos grâces m’attirent autant que votre sort m’afflige.
Laisser dans les ténèbres une beauté telle que vous !
Vous redoutez trop de ce génie le courroux,
Mais moi je ne le crains point, je le veux occire. »
La princesse, qui tremblait, me dit : « Oubliez, sire,
Une aussi folle idée, et laissez-moi ici. »
« Vous laisser ? M’écriai-je, seule et pleurant ainsi ?
Non. Il y va de mon honneur, ma princesse,
Et je vais mettre ce talisman en pièces
Ainsi que le grimoire qui est écrit dessus.
Avant que ce génie ne s’en soit aperçu,
Je le terrasserai et braverai son insolence,
Et de mon bras il va sentir la violence. »
La princesse me pria doucement de n’en faire rien
Et me dit : « Mon prince, pour notre commun bien,
Laissez-moi et partez, je vous en conjure.
Je connais mieux que vous ces farouches créatures
Que sont les génies, et que vous braverez en vain. »
J’avais l’esprit floué par les vapeurs du vin
Et ne pouvais goûter ces conseils salutaires.
Je donnai du pied dans le talisman ; à terre,
Je le mis aussitôt en mille petits morceaux.
A peine l’eussé-je brisé que j’eus un grand sursaut
Car le sol s’ébranla avec un brui terrible,
Pareil au bruit d’une bête fauve et invisible
Ou au bruit du tonnerre aux éclairs redoublés.
De l’ivresse réveillé, je me mis à trembler,
Et libéré soudain des viniques fumées,
Je demandai à mon hôtesse bien-aimée :
« Qu’est-ce que ce bruit, et que signifie ceci ?
Elle me dit : « Fuyez ou vous serez occis.
Je dirai au génie, pour calmer sa colère,
Qu’en buvant du vin j’ai fait une erreur grossière,
Que j’ai fait un faux pas, et sur le talisman
Suis tombée. Allez-vous-en, ou férocement
Il vous tuera. Il m’aime et n’oserai rien me faire,
Et pour rester en vie je tâcherai de lui plaire. »

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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