vendredi 28 mars 2014

Histoire de trois calenders, fils de rois, et de cinq dames de Bagdad (IV)

Histoire de trois calenders, fils de rois, et de cinq dames de bagdad (partie IV)

Poèmes de "la série Mille et une Nuits":


Entendant ce discours, les trois dames en rirent,
Et ces propos, dits par un porteur, les surprirent
Car ils ne manquaient pas d’élégance et d’esprit.
Zobéide répondit à cet homme d’elles épris :
« Votre indiscrétion, mon ami, n’est pas sans plaire.
Nous sommes trois sœurs et nous faisons nos affaires
Si secrètement que nul ne peut rien en savoir.
Je ne vous dirai rien de plus. C’est mon devoir
De garder le secret, et celui de nous toutes.
Un bon auteur que nous avons lu sans doute
Avait raison de dire : conserve ton secret
Et ne le révèle point. Tel est le décret
Que tu dois respecter, car si tu le révèles
Attends-toi à une révélation nouvelle,
Et si tu n’as pas pu le garder bien caché
De ce qu’on ne le pût point ne sois point fâché. »
« Votre air en dit assez sur votre mérite.
Daignez m’excuser si mes propos vous irritent,
Reprit le porteur. Ce n’est point mon intention.
Soyez assurées que malgré mon attention
Je garde un secret mieux qu’un mort une tombe.
Quand des dames comme vous, blanches comme des colombes,
Donnent à un homme un ordre, il faut leur obéir,
Et seul un malheureux oserait vous trahir.
Ne vous étonnez point de mon discours, mesdames,
Ma profession, il est vrai, n’a pas bonne fâme,
Mais je cultive mon esprit comme je le peux
Et chaque soir, quand je rentre au foyer, lis un peu.
Souffrez que je vous cite, moi aussi, une maxime :
Dire son secret aux indiscrets est un crime,
Mais le confier aux sages est sans doute une vertu. »
Zobéide dit à ce beau parleur têtu :
« Vous avez déjà eu votre récompense
Et pour banqueter nous avons fait des dépenses.
Pour que vous puissiez dans cette demeure rester
Il fallait en venant avec vous apporter
Quelque chose, pour y remplir aussi un rôle.
Mais vous n’avez, hélas, que de belles paroles. »
Malgré sa rhétorique, le brave porteur fut
D’entendre ce discours implacable confus,
Il allait sans doute partir tout à l’heure
Et quitter les belles dames et leur belle demeure,
Mais la douce Amine prit fortement son parti
Et dit à ses sœurs : « Quand cet homme sera sorti
Nous regretterons sans doute son départ. Qu’il reste,
Il nous divertira. Courageux et preste,
Je suis venue aussi vite grâce à lui, mes sœurs,
Et, courtois, en route il m’a dit tant de douceurs
Que vous comprendrez le crédit que je lui donne. »
Sur les genoux de cette charmante personne
Le porteur se laissa choir, de joie transporté,
Et à ses pieds baisa la terre sans fierté,
Ployé comme s’il portait une charge pesante,
En la remerciant d’être aussi bienfaisante.

[A SUIVRE]


Mohamed Yosri Ben Hemdène

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