lundi 31 mars 2014

Histoire de trois calenders, fils de rois, et de cinq dames de Bagdad (VI)

Histoire de trois calenders, fils de rois, et de cinq dames de bagdad (partie VI)

Poèmes de "la série Mille et une Nuits":
 
Le porteur s’écria : « Où voulez-vous que j’aille ?
Je suis fatigué comme après une bataille,
Et l’odeur du vin, moins douce que vos douces odeurs,
Me montent à la tête ; de ces lieux la tiédeur
M’endort lentement, et la nuit est très noire.
Ivre comme je suis de vous voire et de boire
Je n’ai plus, mes belles dames, assez de raison
Pour que je retrouve le chemin de ma maison.
Souffrez que cette nuit je demeure encore
Où vous le voudrez. Je me lèverai à l’aurore
Et je m’en irai, non sans peine, loin de vous
Et de vos charmes si rares, qui me sont si doux. »
Par cette prière du porteur attendrie,
Amine dit à ses deux sœurs : « Zobéide chérie,
Et toi, ma douce Sofie, cet homme n’a pas tort,
En le chassant ainsi nous aurons des remords,
Il a de l’esprit et il nous a diverties
Et nulle malséance de sa bouche n’est sortie.
En cette nuit froide et noire, l’allez-vous laisser
Et, alors qu’il nous a réconfortées, blesser ?
Si vous m’aimez comme je le crois, sœurs adorées,
Nous le laisserons avec nous passer la soirée. »
« Ma sœur, dit Zobéide, qu’il reste donc cette nuit
Puisque tu l’apprécies et as cofiance en lui. »
« Porteur, continua-t-elle, rien ne nous presse,
Vous jouirez avec nous des délices de l’ivresse
Mais d’abord, promettez-nous d’être bien discret
Et de ne point vouloir connaître nos secrets
En posant des questions qui vous sont interdites. »
« Si je le fais, que mon âme soit maudite,
Repartit le porteur. De taire ce que je vois
Et de point vous faire entendre une curieuse voix,
Mes belles demoiselles, je vous fais la promesse. »
« Levez-vous et allez lire la sagesse
Sur notre porte, dit Zobéide, et revenez. »
Le porteur lut : cachée dans votre bouche, retenez
Votre langue, et songez seulement à vos affaires,
Ou entendez des choses qui ne vont point vous plaire.
Il revint aux trois sœurs et, ardent, leur refit
Sa promesse première, qui cette fois suffit.
Amine, en préparant cette deuxième orgie,
Porta le souper et alluma des bougies
Fait de bois d’aloès et de doux ambre gris.
La salle ainsi que le cœur du porteur épris
S’en emplirent de lumière et d’odeur très douce.
Poètes oublieux que rien ne courrouce,
Ils mangèrent, burent, chantèrent et récitèrent des vers.
La joie les emportait, profonde comme la mer
La voile chétive que loin du port elle m’empote,
Lorsqu’ils ouïrent tout à coup frapper à la porte.

[A SUIVRE]




Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène
 

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