CONTE: AUCASSIN ET NICOLETTE (PARTIE VIiI)
VIII. Ce que Nicolette, déguisée en ménétrier, alla
dire à Aucassin qui devint son époux
Au palais Aucassin était sur le perron
Assis en compagnie de ses braves barons.
Il contemplait le bois sombre avec
tristesse,
Et le ressouvenir de sa douce comtesse
Le faisait soupirer, demeuré amoureux
De sa mie, et le cœur épris et douloureux.
Celle-ci vint sans se faire reconnaître
Et elle dit : « Seigneurs
barons, de notre maître
Voudriez-vous ouïr les nobles et douces
amours,
Et de Nicolette, belle comme le jour ? »
Tous voulurent l’entendre, et de son
violon armée,
Elle raconta à leurs oreilles charmées
Comment le comte aima Nicolette en
chantant
Et un père cruel en les épouvantant
Fit prendre à la belle et à son amant la
fuite.
Elle s’arrêta et ajouta ensuite :
« On ravit Nicolette à son fidèle
amant
Et on lui réserva un destin alarmant.
Sur elle je ne sais rien davantage,
Mais fille à son insu du roi de
Carthage,
Son père lui veut un roi païen pour mari
Dont elle ne veut point, et son cœur est
marri
Comme son front de ces épousailles est
blême. »
En entendant cette chanson hors de
lui-même,
Aucassin pâlissait, et à l’écart tira
Le prétendu chanteur et qui se loisira
De rouvrir ses plaies, et le cœur plein
de flamme,
Lui demanda, car il allait en perdre l’âme,
Comment il connaissait sa mie qu’il
aimait tant.
En feignant de trembler de son air
inquiétant,
Le chanteur répondit que cette beauté
blanche,
La plus fidèle, la plus loyale et
franche,
Etait à Carthage, où il la vit, et la sœur
Des douze fils du roi, ses sombres
ravisseurs.
Il raconta aussi comment, persécutée,
Du roi son père elle ne fut point
écoutée
Qui désirait à un roi païen la marier.
Aucassin conjura le faux ménétrier :
« Mon ami, lui dit-il, retournez je
vous prie,
Après de mon amie. Je l’aime sans
tromperie ;
Dites-lui que si je savais où elle était
Et quel pays lointain, hélas ! elle
habitait,
Je m’y envolerais, tant mon âme est
jalouse
De la voir devenir d’un autre l’épouse ! »
Si vous pouvez aller me demander sa
main,
Je ferai de vous le plus riche des
humains
Et heureux, ayez-en l’absolue certitude. »
En contemplant ses larmes et son
inquiétude,
Le cœur de Nicolette, touché, s’en
affligea,
Et elle lui promit, ce qui l’encouragea,
Qu’il verrait son amour et serait sans
tristesse.
Elle alla ensuite voir la vicomtesse
Et se fit reconnaître à elle sans
tarder.
Elle en pleurait de joie, et pour la
défarder
Elle ordonna à ses servantes fidèles
Comme une princesse de s’occuper d’elle,
Et avec une herbe dont elle la frotta
Fit disparaître sa noirceur qu’elle ôta.
En huit jours le bain, le repos et la
lumière
Lui rendirent tout à fait sa fraîcheur
première ;
La vicomtesse de beaux habits la para
Et à voir son amant elle la prépara.
Ces huit jours, Aucassin les passa dans
les larmes,
Et son cœur impatient était plein d’alarmes.
La vicomtesse alla le trouver, lui
disant :
« Pour toute une vie vos malheurs
sont suffisants,
Je vais dissiper vos chagrins et vos
souffrances ;
Suivez-moi. » Inquiet et aussi
plein d’espérance,
Aucassin la suivit. Ô bonheur sans
pareil !
Il vit reluire sa mie comme le soleil,
Qu’il prit dans ses bras et embrassa
sans paresse.
Ils se firent tous deux mille tendres
caresses,
Aucassin conduisit ensuite sa beauté,
Tous ces barons contents de cette
nouveauté,
A l’église, et devint l’époux de son
amante.
La destinée leur fut toujours douce et
clémente,
Ils s’aimèrent et furent bienheureux et
bénis.
Au revoir, mes seigneurs, ce beau chant
est fini.
[FIN DU CONTE: AUCASSIN ET NICOLETTE]
Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène
|
La Muse a commencé à soupirer le 08/04/2012. Poèmes publiés sur le Blog : 2164.
mercredi 3 juin 2015
Conte: Aucassin et Nicolette (Partie VIII)
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