mercredi 3 juin 2015

Conte: Aucassin et Nicolette (Partie VIII)

CONTE: AUCASSIN ET NICOLETTE (PARTIE VIiI) 


VIII. Ce que Nicolette, déguisée en ménétrier, alla dire à Aucassin qui devint son époux

Au palais Aucassin était sur le perron
Assis en compagnie de ses braves barons.
Il contemplait le bois sombre avec tristesse,
Et le ressouvenir de sa douce comtesse
Le faisait soupirer, demeuré amoureux
De sa mie, et le cœur épris et douloureux.
Celle-ci vint sans se faire reconnaître
Et elle dit : « Seigneurs barons, de notre maître
Voudriez-vous ouïr les nobles et douces amours,
Et de Nicolette, belle comme le jour ? »
Tous voulurent l’entendre, et de son violon armée,
Elle raconta à leurs oreilles charmées
Comment le comte aima Nicolette en chantant
Et un père cruel en les épouvantant
Fit prendre à la belle et à son amant la fuite.
Elle s’arrêta et ajouta ensuite :
« On ravit Nicolette à son fidèle amant
Et on lui réserva un destin alarmant.
Sur elle je ne sais rien davantage,
Mais fille à son insu du roi de Carthage,
Son père lui veut un roi païen pour mari
Dont elle ne veut point, et son cœur est marri
Comme son front de ces épousailles est blême. »
En entendant cette chanson hors de lui-même,
Aucassin pâlissait, et à l’écart tira
Le prétendu chanteur et qui se loisira
De rouvrir ses plaies, et le cœur plein de flamme,
Lui demanda, car il allait en perdre l’âme,
Comment il connaissait sa mie qu’il aimait tant.
En feignant de trembler de son air inquiétant,
Le chanteur répondit que cette beauté blanche,
La plus fidèle, la plus loyale et franche,
Etait à Carthage, où il la vit, et la sœur
Des douze fils du roi, ses sombres ravisseurs.
Il raconta aussi comment, persécutée,
Du roi son père elle ne fut point écoutée
Qui désirait à un roi païen la marier.
Aucassin conjura le faux ménétrier :
« Mon ami, lui dit-il, retournez je vous prie,
Après de mon amie. Je l’aime sans tromperie ;
Dites-lui que si je savais où elle était
Et quel pays lointain, hélas ! elle habitait,
Je m’y envolerais, tant mon âme est jalouse
De la voir devenir d’un autre l’épouse ! »
Si vous pouvez aller me demander sa main,
Je ferai de vous le plus riche des humains
Et heureux, ayez-en l’absolue certitude. »
En contemplant ses larmes et son inquiétude,
Le cœur de Nicolette, touché, s’en affligea,
Et elle lui promit, ce qui l’encouragea,
Qu’il verrait son amour et serait sans tristesse.
Elle alla ensuite voir la vicomtesse
Et se fit reconnaître à elle sans tarder.
Elle en pleurait de joie, et pour la défarder
Elle ordonna à ses servantes fidèles
Comme une princesse de s’occuper d’elle,
Et avec une herbe dont elle la frotta
Fit disparaître sa noirceur qu’elle ôta.
En huit jours le bain, le repos et la lumière
Lui rendirent tout à fait sa fraîcheur première ;
La vicomtesse de beaux habits la para
Et à voir son amant elle la prépara.
Ces huit jours, Aucassin les passa dans les larmes,
Et son cœur impatient était plein d’alarmes.
La vicomtesse alla le trouver, lui disant :
« Pour toute une vie vos malheurs sont suffisants,
Je vais dissiper vos chagrins et vos souffrances ;
Suivez-moi. » Inquiet et aussi plein d’espérance,
Aucassin la suivit. Ô bonheur sans pareil !
Il vit reluire sa mie comme le soleil,
Qu’il prit dans ses bras et embrassa sans paresse.
Ils se firent tous deux mille tendres caresses,
Aucassin conduisit ensuite sa beauté,
Tous ces barons contents de cette nouveauté,
A l’église, et devint l’époux de son amante.
La destinée leur fut toujours douce et clémente,
Ils s’aimèrent et furent bienheureux et bénis.
Au revoir, mes seigneurs, ce beau chant est fini.

[FIN DU CONTE: AUCASSIN ET NICOLETTE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Mon avis sur cet article: