CONTE: AUCASSIN ET NICOLETTE (PARTIE VIi)
VII. La mésaventure d’Aucassin et de Nicolette,
comment Nicolette sut qui était son père, et pourquoi elle prit une deuxième
fois la fuite
Nicolette dit, quand Aucassin fut pansé :
« Ah ! dans notre transport
nous n’avons point pensé
A ce que notre avenir sombre nous
réserve.
Que le passé, hélas ! de leçon nous
serve !
Votre père m’abhorre et me croit vous souiller,
Il viendra sans aucun doute au matin
fouiller
Toute cette forêt à votre recherche.
Nous sommes de lui à quelques lieues de
marche,
Il nous trouvera. J’ignore quel sera
votre sort,
Mais je sais que le mien sera l’affreuse
mort. »
« Ne vous inquiétez point. »,
dit Aucassin, tendre,
Qui monta à cheval sans vouloir rien
entendre,
Prit sa mie dans ses bras et s’en alla
chargé
Du faix de ses amours, loin des jeunes
bergers
Et de son vieux père prenant la fuite.
« Où irons-nous, mon doux ami,
ensuite ? »
Lui demandait sa mie. « Ma
Nicolette, on fuit,
Répondait-il, où le vent du sort nous
conduit.
Nous sommes ensemble, c’est tout ce qui
importe. »
Ils traversèrent, eux et le cheval qui
les porte,
Plusieurs villes et des bourgs, et le cœur
moins amer,
Arrivèrent enfin au bord de la grande
mer.
Aucassin aperçut des marchands sur les
ondes
Propices à leur fuite et en hasards
fécondes ;
D’approcher il leur fit signe, et on
envoya
Une barque qu’à les quérir on employa,
Et on reçut le fils du comte avec sa
mie.
Ils ne devinaient point du sort les
infamies ;
Bientôt une horrible tempête qui gronda
Et qui de toutes parts tout à coup les
fronda,
Leur fit chercher un port dans la ville
voisine,
Mais ils virent alors une flotte
sarrasine
Qui à attaquer leur vaisseau se prépara
Et, plus nombreuse et mieux armée, s’en
empara
Et fit prisonniers Aucassin et
Nicolette.
Dans l’un des navires on porta la
fillette
Et Aucassin dans un autre, et on s’éloigna.
Mais une tourmente plus terrible empoigna
La flotte, et sépara des amants les
navires.
Aucassin, que les flots à sa mie
ravirent,
Ballotté et jeté par les vents
courroucés
De côte en côte, fut à son château
poussé.
Les habitants le virent avec
réjouissance,
De Dieu bénissant la bonté et la
puissance,
Et il fut au château mené et secouru.
Le comte son père en son absence mourut
Car il était fort vieux, et non de
tristesse,
Ainsi que sa femme, la brave comtesse.
Aucassin, devenu comte, prit possession
Du château, regrettant l’objet de sa
passion
Que malgré son pouvoir ramener est
impossible.
De Nicolette les ravisseurs impassibles
Etaient les douze fils du puissant et
grand roi
De Carthage, qui au monde inspirait l’effroi ;
Pour sa beauté emplis de douce idolâtrie,
Ils la traitèrent avec respect ;
sur sa patrie
Ils l’interrogèrent, et les noms de ses
parents.
« Je ne sais », répondit-elle
en leur déclarant
Qu’elle fut enlevée, jeune encore, et
vendue
Par des Sarrasins. Quand elle se fut
rendue
A Carthage, à l’aspect des royaux
appartements
Que, prisonnière, elle contemplait
tristement,
Et des grands édifices, elle put
reconnaître
Avec étonnement les lieux qui la virent
naître,
Et le roi bienveillant de ce pays
lointain
Que Nicolette est sa fille devint
certain
Quand elle raconta quelques
circonstances,
Que le sort lui ramena malgré la
distance.
Il sauta à son cou en pleurant de
bonheur,
Et ses frères, qui la vouaient au
déshonneur,
Embrassèrent leur sœur charmante et
aimable.
On lui conta sur son enfance mille
fables
Et on lui proposa un prince pour mari.
Mais son cœur, d’Aucassin épris, en fut
marri,
Et elle ne songeait qu’à aller le
rejoindre.
Dans ce dessein, elle commença par
feindre
D’y penser, d’apprendre le violon s’avisa,
Puis en noircissant le front se déguisa
En revêtant cotte, braies et manteau d’homme,
Et d’un marinier qui quittait le royaume
Et passait en Provence, obtint la
permission
De voyager avec lui, avec pour mission
De violonner et de bercer l’équipage.
Ils voyagèrent sur les flots sans tapage ;
Débarquée, Nicolette alla, preste,
prier,
Comme le marinier un bon ménétrier,
Qui la prit à son bord. Au deuxième
mouillage,
Elle atteignit Beaucaire à la fin du
voyage.
[A SUIVRE]
Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène
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La Muse a commencé à soupirer le 08/04/2012. Poèmes publiés sur le Blog : 2164.
mardi 2 juin 2015
Conte: Aucassin et Nicolette (Partie VII)
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