mercredi 27 mai 2015

Conte: Aucassin et Nicolette (Partie I)

CONTE: Aucassin et nicolette (partie i) 

I. Les amours d’Aucassin et de Nicolette, et l’opinion du père d’Aucassin sur les feux de son fils

Qui de vous, mes amis, veut entendre l’histoire
De deux amants jeunes et beaux, et leur victoire ?
Elle a nom Nicolette, il s’appelle Aucassin,
Amoureux embrasé de ses feux assassins,
Je vous dirai ce qu’il endura pour sa mie
Qu’il chérit sans traitrise et sans nulle infamie,
Beauté au teint de lis, et ses courtois travaux
En bravant des hasards variés et nouveaux.
L’homme le plus malade sera guéri d’entendre
De ces formidables amours le récit tendre.

Le vieux comte Bongars de Valence faisait
Au comte de Beaucaire, Garins, qu’il malaisait,
Depuis dix ans une guerre sombre et cruelle,
Sans se lasser, et qui était perpétuelle.
Chaque jour à sa ville, avec cent chevaliers
Et mille sergents aux siens peu hospitaliers,
Il venait égorger ses hommes et sa terre.
Garins, qui en était le vieux propriétaire,
Pour combattre était trop débile et trop âgé
Et ne pouvait braver son ennemi enragé.
Aucassin, son fils, l’eût remplacé avec gloire
S’il le voulait, mais l’âme emplie de choses noires,
Bien qu’il fût un jeune homme grand, beau comme le jour,
Il était la victime de l’invincible amour,
Et sa mie occupait tellement ses songeries
Qu’il quittait les tournois et la chevalerie.
Son père et sa mère s’en indignaient souvent :
« Tu n’es point, lui disaient-ils, la nonne au couvent !
Tu es jeune et fort, prends un cheval et des armes,
Va secourir nos hommes que l’ennemi alarme,
Leur chef à leur tête, pour le combat plus mûrs,
Ils défendront tous leurs biens, leurs jours et leurs murs
Avec plus d’ardeur et avec plus de vaillance. »
« Et pourquoi braverai-je les épées et les lances,
Répondait Aucassin, l’âme emplie d’affliction,
Si embrasser ma mie demeure une fiction ?
Vous savez mes désirs : que Dieu rien ne m’accorde
Si je cours combattre ces barbares hordes,
Ceindre l’épée afin de braver ces sournois,
Monter à cheval pour aller à un tournoi
Ou combattre avant de m’accorder Nicolette.
Mon amour, père et mère, n’est point fabulette
Et vous me verrez en souffrir et en pâlir. »
« Tu sais que cela ne peut jamais s’accomplir,
Reprenait le père, oublie cette fille,
Honte à toi si tu laisses périr ta famille !
Elle n’est point faite pour toi, quel déshonneur
D’être de cette fille le si fervent prôneur !
Mon vassal, qui est le vicomte de Beaucaire –
Lui et les siens de toi sans doute se moquèrent –
L’acheta des Sarrasins, enfant, fit baptiser
Cette esclave que nul ne songe à courtiser
Et daigna en devenir le parrain lui-même.
Insensé, c’est cela, toi mon fils, que tu aimes !
Il la mariera un jour à quelque valet
Et ne mérite point d’habiter un palais.
Si tu veux une femme, pourquoi ces souffrances ?
Va, beau fils, regarde dans toute la France,
Tous les seigneurs seront certainement honorés
D’accorder leurs filles à notre fils adoré. »
« Ah ! père, répondait Aucassin, c’est elle
Que je désire, et ma douleur en est mortelle !
Par vos propositions je ne serai dupé,
Nul lieu sur terre n’est dignement occupé
Que s’il l’est par ma mie, Nicolette, ma douce
Que je chéris et dont le seul nom vous courrouce. »

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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