samedi 21 mars 2015

Conte: Le Capitaine Pierre (Partie VIII)

CONTE: LE CAPITAINE PIERRE (PARTIE VIIi)

VIII. De quelle manière le Capitaine Pierre se tira d’affaire, malgré la fourberie de ses deux matelots

Le capitaine, ne voyant plus le panier
Redescendre au trou dont il était prisonnier,
Cria de toutes ses forces et sonna la clochette ;
Mais ce fut inutile, et dans la cachette,
Avec la troisième princesse, il resta seul,
Enveloppés d’ombre comme d’un noir linceul.
Il était bien chagrin de cette traitrise
De ses deux matelots, qu’il avait enfin comprise,
Mais il se souvint, quand il songea, d’avoir vu
Le nain, bien qu’il fût d’une échelle dépourvu,
Remonter facilement jusqu’à l’ouverture.
« Il faut, pensa-t-il, que cette créature
Me dise son secret, et je vais l’attraper
Et, si nécessaire, encore la frapper. »
Il rechercha le nain qu’il aperçut, agile,
Qui passait sur un pont délabré et fragile,
Il courut après lui, et quand il l’atteignit,
De passer par hasard par les lieux il feignit,
Puis l’attrapa. « Ah ! lui dit le nain, quel fourbe !
Voilà que dans ce trou ténébreux tu t’embourbes,
Tes deux compagnons t’ont trahi, j’en ai douté. »
« Dis-moi, commanda-t-il, –je t’ai trop écouté–
Comment tu remontes jusqu’en haut sans échelle. »
Mais le nain s’écria, devenu rebelle :
« Je ne te le dirai jamais, mon damoiseau !
Je vais prendre mon livre et appeler les oiseaux,
Et il y en aura un assez fort, sans doute,
Pour vous prendre sur ses ailes et faire la route. »
Le nain prit son livre et, n’étant point trahisseur,
Appela les oiseaux : de toutes les grosseurs,
De toutes les formes et de tous les plumages,
Il en vint qui emplirent le trou de leurs ramages,
A ce nain mystérieux sans faute obéissant ;
Mais aucun d’eux n’était suffisamment puissant
Pour porter la princesse et le capitaine.
« L’aigle n’est pas venu, c’est chose certaine. »
Dit le nain qui appela encor l’aigle inconstant
Qui parut, effrayé, après quelques instants.
« D’où viens-tu ? » demanda le nain en colère.
L’aigle répondit : « Ce n’est point pour vous déplaire,
Mais j’étais occupé, dans les bois, à chasser. »
« Tu prendras ces deux-là pour leur faire passer
Ce trou. » « Oui, je veux bien, répondit le bon aigle,
Mais je leur imposerai une seule règle :
Quand je dirai : couac ! ils me donneront à manger
Ou je ferai tomber, las, ces deux étrangers. »
Pierre lui prépara des morceaux de viande,
Et quand il criait : « Couac ! » lui en faisait offrande.
Il n’en resta pas un seul, l’aigle étant gourmand,
Tout près de l’ouverture, et l’oiseau alarmant
En voulait encore ; comme des vieilles truisses
On coupe le bois, Pierre coupa de sa cuisse
Une tranche, et la donna à l’aigle dévoreur,
Et la princesse, pour ne point voir cette horreur,
Ferma les yeux. Quand ils arrivèrent, avec peine,
Le capitaine bougeai sa jambe de sang pleine,
Et il ne trouva pas ses traîtres de matelots
Qui prirent les princesses et bravèrent les flots.
Il se souvint, en ce moment, de sa baguette
Dont il frappa la terre en disant : « Je souhaite
Qu’un vaisseau tout rouge vienne nous transporter
En France où ne serons enfin en sûreté. »
Un vaisseau peint en rouge vint vers le rivage
En bravant les ondes de la mer sauvage
Et une baleinière devant le cabanon.
Quand Pierre y fut monté, on tira le canon
En son honneur ; avec la princesse bercée
Par les chants des matelots, leur longue traversée
Fut heureuse, et quand ils arrivèrent à Paris,
Les deux marins devaient devenir les maris
Des belles princesses qu’ils avaient ramenées
Et qu’ils avaient à être leurs femmes condamnées.
On tira cent coups de canons pour saluer,
Le roi, n’étant pas de courtoisie dénué,
Dit : « Il faut que j’invite ce noble capitaine,
Qui est peut-être roi d’une terre lointaine,
Au repas de noces. » Il fut donc invité
Et accueilli avec grande hospitalité ;
A la fin du dîner, les deux matelots se mirent
A vanter leurs exploits, et aux invités dirent
Qu’ils avaient délivré leurs douces beautés.
« Ce n’est pas vrai, ô, traîtres emplis de cruauté !
S’écria Pierre, avec la sœur de vos épouses
Vous m’avez laissé dans le puits, âmes jalouses,
Et c’est moi qui les ai sauvées toutes les trois. »
Ils le reconnurent, et dans un autre endroit,
Honteux, en ce moment auraient aimé être.
Ils demandèrent alors pardon à leur maître
Qui leur dit de rester, n’étant pas rancuneux,
Sans vouloir les châtier d’un châtiment haineux.
Ils épousèrent les deux sœurs, et la plus belle,
Qui n’était pas à ses galants souhaits rebelle,
Devint son épouse, et ils firent un grand repas
Et vécurent tous heureux jusqu’au jour du trépas.

[FIN DU CONTE: LE CAPITAINE PIERRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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