CONTE: LE CAPITAINE PIERRE (PARTIE VIIi)
VIII. De quelle manière le Capitaine Pierre se tira
d’affaire, malgré la fourberie de ses deux matelots
Le capitaine, ne voyant plus le panier
Redescendre au trou dont il était
prisonnier,
Cria de toutes ses forces et sonna la
clochette ;
Mais ce fut inutile, et dans la
cachette,
Avec la troisième princesse, il resta
seul,
Enveloppés d’ombre comme d’un noir
linceul.
Il était bien chagrin de cette traitrise
De ses deux matelots, qu’il avait enfin
comprise,
Mais il se souvint, quand il songea, d’avoir
vu
Le nain, bien qu’il fût d’une échelle
dépourvu,
Remonter facilement jusqu’à l’ouverture.
« Il faut, pensa-t-il, que cette
créature
Me dise son secret, et je vais l’attraper
Et, si nécessaire, encore la frapper. »
Il rechercha le nain qu’il aperçut,
agile,
Qui passait sur un pont délabré et
fragile,
Il courut après lui, et quand il l’atteignit,
De passer par hasard par les lieux il
feignit,
Puis l’attrapa. « Ah ! lui dit
le nain, quel fourbe !
Voilà que dans ce trou ténébreux tu t’embourbes,
Tes deux compagnons t’ont trahi, j’en ai
douté. »
« Dis-moi, commanda-t-il, –je t’ai
trop écouté–
Comment tu remontes jusqu’en haut sans
échelle. »
Mais le nain s’écria, devenu rebelle :
« Je ne te le dirai jamais, mon
damoiseau !
Je vais prendre mon livre et appeler les
oiseaux,
Et il y en aura un assez fort, sans
doute,
Pour vous prendre sur ses ailes et faire
la route. »
Le nain prit son livre et, n’étant point
trahisseur,
Appela les oiseaux : de toutes les
grosseurs,
De toutes les formes et de tous les plumages,
Il en vint qui emplirent le trou de
leurs ramages,
A ce nain mystérieux sans faute
obéissant ;
Mais aucun d’eux n’était suffisamment
puissant
Pour porter la princesse et le
capitaine.
« L’aigle n’est pas venu, c’est
chose certaine. »
Dit le nain qui appela encor l’aigle
inconstant
Qui parut, effrayé, après quelques
instants.
« D’où viens-tu ? »
demanda le nain en colère.
L’aigle répondit : « Ce n’est
point pour vous déplaire,
Mais j’étais occupé, dans les bois, à
chasser. »
« Tu prendras ces deux-là pour leur
faire passer
Ce trou. » « Oui, je veux
bien, répondit le bon aigle,
Mais je leur imposerai une seule règle :
Quand je dirai : couac ! ils
me donneront à manger
Ou je ferai tomber, las, ces deux
étrangers. »
Pierre lui prépara des morceaux de
viande,
Et quand il criait : « Couac ! »
lui en faisait offrande.
Il n’en resta pas un seul, l’aigle étant
gourmand,
Tout près de l’ouverture, et l’oiseau
alarmant
En voulait encore ; comme des
vieilles truisses
On coupe le bois, Pierre coupa de sa
cuisse
Une tranche, et la donna à l’aigle
dévoreur,
Et la princesse, pour ne point voir cette
horreur,
Ferma les yeux. Quand ils arrivèrent,
avec peine,
Le capitaine bougeai sa jambe de sang
pleine,
Et il ne trouva pas ses traîtres de
matelots
Qui prirent les princesses et bravèrent
les flots.
Il se souvint, en ce moment, de sa
baguette
Dont il frappa la terre en disant : « Je
souhaite
Qu’un vaisseau tout rouge vienne nous
transporter
En France où ne serons enfin en sûreté. »
Un vaisseau peint en rouge vint vers le
rivage
En bravant les ondes de la mer sauvage
Et une baleinière devant le cabanon.
Quand Pierre y fut monté, on tira le
canon
En son honneur ; avec la princesse
bercée
Par les chants des matelots, leur longue
traversée
Fut heureuse, et quand ils arrivèrent à
Paris,
Les deux marins devaient devenir les
maris
Des belles princesses qu’ils avaient
ramenées
Et qu’ils avaient à être leurs femmes
condamnées.
On tira cent coups de canons pour
saluer,
Le roi, n’étant pas de courtoisie dénué,
Dit : « Il faut que j’invite
ce noble capitaine,
Qui est peut-être roi d’une terre
lointaine,
Au repas de noces. » Il fut donc
invité
Et accueilli avec grande hospitalité ;
A la fin du dîner, les deux matelots se
mirent
A vanter leurs exploits, et aux invités
dirent
Qu’ils avaient délivré leurs douces
beautés.
« Ce n’est pas vrai, ô, traîtres
emplis de cruauté !
S’écria Pierre, avec la sœur de vos
épouses
Vous m’avez laissé dans le puits, âmes
jalouses,
Et c’est moi qui les ai sauvées toutes
les trois. »
Ils le reconnurent, et dans un autre
endroit,
Honteux, en ce moment auraient aimé
être.
Ils demandèrent alors pardon à leur
maître
Qui leur dit de rester, n’étant pas
rancuneux,
Sans vouloir les châtier d’un châtiment
haineux.
Ils épousèrent les deux sœurs, et la
plus belle,
Qui n’était pas à ses galants souhaits
rebelle,
Devint son épouse, et ils firent un
grand repas
Et vécurent tous heureux jusqu’au jour
du trépas.
[FIN DU CONTE: LE CAPITAINE PIERRE]
Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène
|
La Muse a commencé à soupirer le 08/04/2012. Poèmes publiés sur le Blog : 2182.
samedi 21 mars 2015
Conte: Le Capitaine Pierre (Partie VIII)
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Mon avis sur cet article: