mardi 17 mars 2015

Conte: Le Capitaine Pierre (Partie IV)

CONTE: LE CAPITAINE PIERRE (PARTIE Iv)


IV. Ce que le Capitaine Pierre fit au nain, et le secret que ce dernier lui révéla

Le Capitaine Pierre chassa du bon gibier,
Et, comme l’autre jour, son fidèle gabier
Chassait comme un borgne, manquant toujours les bêtes
Qui s’enfuyaient en lui montrant leurs gambettes.
A midi, voyant que Pierre-Marie tarda
A sonner la cloche, le marin regarda
Sa montre et dit : « Ma foi, c’est chose singulière !
Attend-il que nous lui disions des prières
Pour sonner la cloche ? Revenons le revoir. »
Le matelot savait que de faire son devoir
Le nain empêcha son ami ; le sourire
Aux lèvres, il se garda cependant de le dire.
Les deux marins trouvèrent leur compagnon blessé
Et qui derrière la porte était affaissé,
Il leur raconta qu’il tomba en faiblesse
En allant chercher le balai. « Dieu ! Je vous laisse,
Lui dit le capitaine, sur vos pieds bien portants,
Et vous trouve tous deux sur vos séants pourtant ! »
Le lendemain ce fut lui qui demeura faire
La cuisine. « Cela ne va pas lui plaire !
Disaient les deux matelots sournois en riant,
Il s’en repentira, le pauvre, en nous priant
De faire la cuisine à trois, et la botte altière
De ce diable de nain, lui rossera le derrière. »
Ils virent du gibier et tirèrent dessus
Sans en tuer une seule pièce, mornes et déçus.
Le capitaine, lui, préparait la soupe,
Lorsque le nain errant, jamais las de la loupe,
Entra en lui disant : « Hou hou hou ! que j’ai froid. »
Ne le connaissant pas, il lui dit sans effroi :
« Passe dans le foyer et te chauffe, bonhomme. »
Le nain –Je ne sais de quel nom on le nomme–
Voulut mettre de la cendre à la soupe, sournois,
Mais le capitaine le prit par le harnois
Et, en le saisissant par le fond des culottes,
L’envoya rouler comme un vaisseau sans pilote
Dans la cabane. Le nain, se voyant vaincu,
Lui dit alors : « Tu m’as fait tomber sur mon cul !
Bigre ! Sans qu’ils n’aient pu me donner la parade,
J’ai pourtant terrassé tes deux camarades
Et comme deux bœufs qu’ils sont les ai fait saigner !
Arrête de frapper et je vais t’enseigner
Une belle chose ; lève cette pierre. »
« Je ne puis », répondit le capitaine Pierre.
« Alors je suis plus fort que toi », lui dit le nain
Qui déplaça la roche qu’il repoussait en vain
Et découvrit un trou ténébreux. « Au fardage
De ton navire, tu vas prendre des cordages,
Poursuivit le lutin, qu’en mettant bout à bout
Tu transformeras en corde. Allez, garibou,
Lève-toi ! Dans un grand panier tu peux descendre
Dans ce précipice aussi noir que des cendres,
Quand tu en atteindras le fond, ou tu mourras,
Je te dirai par quel moyen tu pourras
Sauver les trois princesses qui y sont prisonnières. »
Et le nain se glissa d’une preste manière
Dans le trou béant que la pierre reboucha
Sans que de ses ténèbres il ne s’effarouchât.

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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