jeudi 2 janvier 2014

Conte: les trois héritiers chanceux



conte:les trois héritiers chanceux


Autres poèmes de "la série Grimm"
 

Un père, sentant venir son heure dernière,
Appela ses trois fils, et sans trop de manières
Donna au premier un coq, au second une faux
Et au troisième un chat. « L’argent me fait défaut,
Leur dit-il. Et ma mort prochaine arrive.
Je refuse que de mes ultimes souffles elle me prive
Sans vous faire ces présents qui vous semblent sûrement
Sans valeur, mais qui, si vous employez durement
Votre savoir-faire, vous apporteront fortune.
Vous êtes jeunes et forts. Marcher n’importune
Que les vieux. Vous serez riches et bienvenus
Dans un pays où votre objet est inconnu ;
Cherchez-le sans trêve et votre fortune est faite. »
Le père était pareil aux antiques prophètes
En murmurant ces mots à ses jeunes fils chéris.
Malade et n’ayant jamais été guéri,
Il mourut en peu de temps, souffrant mais tranquille.
Leur père pleuré, ses fils sillonnèrent les villes
Comme il leur prescrivit, pour fortune y chercher.

Dans toutes les campagnes et au sommet des clochers
L’aîné voyait son coq ; nul ne levait la tête,
Hélas ! pour admirer sa futile bête,
Et de s’enrichir le jeune homme désespérait.
Mais il ne se lassa pas, et toujours il errait
Et arriva enfin dans une étrange île
Dont les braves habitants étaient trop malhabiles
Pour diviser le temps, et dont seulement certains
En allant aux champs se levaient de bon matin.
Il leur dit : « L’aurore et la nuit vous leurrent,
Voyez cet animal prodigieux qui sait l’heure
Qu’il est, et qui chante pour vous réveiller. »
Et ces braves gaillards furent émerveillés
De l’entendre chanter aux lueurs de l’aurore.
Ils s’écrièrent : « De nous le vendre on t’implore !
Quel est ton prix ? Dis-le-nous, jeune étranger ! »
L’aîné dit : « Il m’en faut en or de quoi charger
Un âne. » Et l’affaire leur semblant fort belle,
Ils s’écrièrent que ce n’était que bagatelle
Et s’empressèrent de le payer bonnement.
Les deux cadets furent remplis d’étonnement,
Voyant de leur aîné la richesse soudaine
Alors que leur errance fut jusque-là vaine.

Le second, redoublant d’ardeur et plein de foi,
Sur les routes partit une deuxième fois
Muni de sa faux, et eut beaucoup de peine
En voyant que la terre en était toute pleine.
Il arriva enfin, de sa fortune peu sûr,
A une contrée où, quand le blé était mûr,
On pointait des pièces de canon, à toute volée
Tirant sur les champs comme une belliqueuse mêlée.
Les laboureurs étaient en rage, pleins de dépit
Quand au lieu des chaumes ils frappaient les épis,
Emplissant toute la ville, par Cérès maudite,
D’insupportables bruits. Le voyant faucher vite
Et tranquillement le blé, au jeune aventurier
Ils demandèrent s’il ne serait pas contrarié
De vendre sa faux à la contrée salutaire.
Il feignit de songer et les vit se taire
Mais leurs yeux vifs semblaient lui demander : « Alors ? »
Et il eut un cheval appesanti de l’or
De ces braves paysans, et revint voir ses frères.

Le troisième, croyant en son prophétique père,
Partit comme ses deux aînés, et il marcha
Dix jours, mais il ne put tirer parti du chat
Qui lui fut donné comme unique héritage.
Il arriva enfin à un lointain village
Où nul n’avait jamais vu un chat. Les souris
Y élurent foyer. Les maisons, les champs fleuris,
Toutes les terres, toutes les rues en furent infestées.
Le chat nettoya de ces bêtes détestées
Deux maisons de seigneurs, et en si peu de temps
Que ces derniers en furent stupéfaits et contents
Et lui achetèrent son chat, chasseur formidable,
Pour leur bien et le bien de leurs semblables,
Et le cadet revint à ses frères étonnés
De le voir encore plus riche que ses deux aînés.


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène 

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