vendredi 27 décembre 2013

Conte : le festin céleste




conte: le festin céleste

Autres poèmes de "la série Grimm"
 

Un petit paysan très pauvre, au cœur plein de foi,
Entendit à l’église le prêtre dire une fois
Qu’il fallait marcher droit pour trouver la route
Du Paradis. N’ayant point le moindre doute
Sur la sincérité de cet homme qui l’éblouit,
Il partit en voyage, allant droit devant lui
Par monts et vaux, cherchant avec innocence
Le Royaume de Dieu aux éternelles jouissances.
Il ne se détournait point, depuis le matin
Marchant sans s’arrêter, rêveur et presque hautain,
Cherchant un phare dans l’immensité sombre.
Mais ce n’est qu’un gamin ; quand la nuit emplit d’ombre
Le ciel, il était las et était affamé,
Ses pieds très rouges et son cœur moins enflammé.

Il arriva enfin à une petite ville
Qui était fort belle, bucolique et tranquille,
Et vit une radieuse église célébrant
Le service divin. L’enfant itinérant
En était tellement ébloui qu’il crut être
Au Paradis. A la fin de l’office, un prêtre
Lui dit durement de s’en aller. Mais obstiné
Il répondit à ce sacristain étonné :
« Non, je ne sors pas ! Je suis au ciel et j’y reste ! »
Et ce dernier alla en alerter, preste,
Le curé, qui était un homme bon et doux.
« S’il se croit au ciel, il faut l’y laisser ! Mais d’où
Lui vient cette idée pieuse et étrange ?
A-t-il vu un apôtre, a-t-il vu un ange ? »
Dit-il, et alla voir l’enfant émerveillé
A qui il demanda s’il voulait travailler.
Le petit dont la vie était déjà fort rude
Répondit que oui, qu’il en avait l’habitude,
Mais qu’il ne voulait pas sortir du Paradis.
Ému par son souhait, le curé l’entendit
Et il décida de le laisser dans l’église.
Il y vit maints fidèles, aux têtes blondes et grises,
Adorer à genoux une statue en bois
De l’enfant Jésus, et crut ce qu’un enfant croit :
Que c’était le bon Dieu. Il dit à cette image :
« Que tu es maigre, ô, Dieu ! C’est bien dommage
Que ces gens-là ne te donnent pas à manger
Alors qu’ils passent leur temps à te louanger ;
Je partagerai mon pain avec toi. Je t’en donne,
Tiens Dieu, mange. » Une voix qui semblait douce et bonne
Lui dit : « Donne aux pauvres gens que la faim maigrit,
Quand tu les nourriras, moi je serai nourri. »
Devant l’église, une pauvre vieille mendiante
A tous ceux qui passaient montrant sa main tremblante,
Demandait l’aumône au nom de tous les saints.
Le petit lui donna la moitié de son pain
Et en regardant la statue la vit sourire.
Pendant un mois, chaque jour, les moines le virent
Cacher dans ses poches un peu de son repas.
Il demeurait muet et ne répondait pas
Quand ils lui demandaient ce qu’il allait en faire.
Et leurs questions futiles semblaient lui déplaire.

Quelque temps après le petit enfant pâlit,
Et pendant huit jours ne sortit pas de son lit.
Dès qu’il put se lever, bien qu’il fût malade,
Aux pieds de la statue éploré et maussade,
Il vint s’agenouiller et il pria ainsi : 
« Mon Dieu, excuse-moi d’être resté ici
Et de ne pas t’avoir nourri. J’avais la fièvre
Et je pouvais à peine remuer mes lèvres
Pour te demander ton pardon. » Le doux curé,
Qui entendit l’enfant prier, allait pleurer,
Mais il le vit sourire et finir sa prière.
Quand il lui demanda pourquoi, il dit : « Mon père,
L’enfant Jésus m’a dit, le cœur plein de bonté :
Ne pleure pas, j’ai vu ta noble volonté
Et cela me suffit. Nous irons ensemble
Au festin céleste où Dieu lui-même rassemble
Les âmes les plus pures. Pour tes généreux pains,
Je t’emmènerai avec moi dimanche prochain. »

Le prêtre pensa que Dieu lui donna l’ordre
De communier l’enfant, et sans plus attendre
Il le prépara à ce grand évènement.
L’enfant vint au divin service, souriant doucement ;
Mais au moment de la communion, quand le prêtre
Allait donner l’hostie à ce petit être,
Dieu le rappela à lui – c’était son destin –
Et il le fit asseoir au céleste festin.



Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène 

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