lundi 29 juin 2015

Conte: La soupe aux pierres (Partie IV)

CONTE: LA SOUPE AUX PIERRES (PARTIE Iv)


IV. L’arrivée d’un étrange mendiant, ce qu’il demanda à Anne et ce qu’elle lui répondit

A cette heure tardive et sombre : « Pan ! Pan ! Pan ! »
On entendit quelqu’un à la porte frappant.
« Qui est là ? » demanda la malheureuse Anne.
« Un hère, répondit une voix paysanne,
Qui vient vous demander votre hospitalité. »
« Ah ! ce ne vous sera d’aucune utilité.
Je suis bien plus pauvre que vous, mon bon hère,
Et je vous jure par Dieu que je vénère
Que je n’ai rien du tout, hélas ! à vous offrir. »
« Je ne vous ferai point, madame, bien souffrir.
Dans un coin de votre zidra – ou chaumière –
Je n’attends qu’un peu de chaleur et de lumière
Car depuis le matin je suis las de marcher
Et de je-ne-sais-quoi éternellement chercher. »
« Laisse-le entrer, nous t’en faisons la prière !
Nous mangerons bientôt de la viande. », s’écrièrent
Les enfants. Anne ouvrit la porte, et le mendiant
Alla se réchauffer auprès du feu brillant.
Ensuite il demanda, bercé par la flamme :
« Avez-vous un peu de pain pour moi, madame ? »
« Je vous l’ai dit, hélas ! je ne possède rien. »
« Anne, vous êtes avare, et cela n’est pas bien
De ne pas être à son prochain charitable,
Dit le manant d’une voix redoutable,
Votre armoire est pleine de pain blanc délicieux,
Et vous m’en refusez un morceau, par les cieux ! »
« Je n’ai rien de tel, bon sire, dans mon armoire,
Vous ne trouverez chez moi que de l’eau à boire. »
« Eh bien ! repartit-il alors, va pour le pain.
Avez-vous de la viande, ou vous prierai-je en vain ? »
« Je n’en ai pas. » « Anne, vous êtes malveillante !
Qu’y a-t-il donc dans cette marmite bouillante ? »
« Rien, soupira Anne, que l’on puisse manger.
Toute l’eau qui y bout ne pourra point changer
Les trois pierres que j’y ai plongées en viande
Pour faire patienter les bouches friandes
De mes fils. » Ces derniers furent d’abord surpris
D’entendre leur mère, puis poussèrent des cris
Et sanglotèrent plus fort à cette nouvelle.
L’impitoyable mendiant dit : « Je vous révèle
Que vous êtes méchante de faire ainsi souffrir
Vos fils, Anne. » « Hélas ! moi et eux allons mourir !
Nul humain ne viendra, même pour nous plaindre,
Et rien, hormis ces murs, ne nous entend geindre,
S’écria-t-elle ; que faire ? Ô Dieu ! Que devenir ?
Allez-vous nous maudire tous ou tous nous bénir ? »
Le mendiant reprit : « Je veux seulement boire
Avant de partir, pour votre plus grande gloire,
Caché dans la cave, un peu de votre bon vin. »
« Vous le demanderiez éternellement en vain.
Monsieur, vous vous trompez de maison sans doute ;
Je ne possède rien, allez votre route,
Et si Dieu le veut, vous trouverez votre bonheur. »
« Dieu bénit les bons et il bénit les donneurs ;
Soyez charitable, Anne, et à son image !
Vous avez du jambon et aussi du fromage,
Ainsi que du broccio, et je veux en goûter. »
« Mais je n’en ai point et vous prie de m’écouter... »
« Anne ! Anne ! Interrompit le mendiant étrange,
Je vois bien que venir ici vous dérange,
Mais n’affamez point vos enfants ! » « Je les chéris
Et je les ai nourris quand leur père a péri,
Je les aime plus que ma vie affreuse et noire ;
Voyez dans la marmite, faute de me croire. »

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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