CONTE: LA SOUPE AUX PIERRES (PARTIE Iv)
IV. L’arrivée d’un étrange mendiant, ce qu’il
demanda à Anne et ce qu’elle lui répondit
A cette heure tardive et sombre : « Pan !
Pan ! Pan ! »
On entendit quelqu’un à la porte
frappant.
« Qui est là ? » demanda
la malheureuse Anne.
« Un hère, répondit une voix
paysanne,
Qui vient vous demander votre
hospitalité. »
« Ah ! ce ne vous sera d’aucune
utilité.
Je suis bien plus pauvre que vous, mon
bon hère,
Et je vous jure par Dieu que je vénère
Que je n’ai rien du tout, hélas ! à
vous offrir. »
« Je ne vous ferai point, madame,
bien souffrir.
Dans un coin de votre zidra – ou chaumière
–
Je n’attends qu’un peu de chaleur et de
lumière
Car depuis le matin je suis las de
marcher
Et de je-ne-sais-quoi éternellement
chercher. »
« Laisse-le entrer, nous t’en
faisons la prière !
Nous mangerons bientôt de la viande. »,
s’écrièrent
Les enfants. Anne ouvrit la porte, et le
mendiant
Alla se réchauffer auprès du feu
brillant.
Ensuite il demanda, bercé par la flamme :
« Avez-vous un peu de pain pour
moi, madame ? »
« Je vous l’ai dit, hélas ! je
ne possède rien. »
« Anne, vous êtes avare, et cela n’est
pas bien
De ne pas être à son prochain
charitable,
Dit le manant d’une voix redoutable,
Votre armoire est pleine de pain blanc
délicieux,
Et vous m’en refusez un morceau, par les
cieux ! »
« Je n’ai rien de tel, bon sire,
dans mon armoire,
Vous ne trouverez chez moi que de l’eau
à boire. »
« Eh bien ! repartit-il alors,
va pour le pain.
Avez-vous de la viande, ou vous
prierai-je en vain ? »
« Je n’en ai pas. » « Anne,
vous êtes malveillante !
Qu’y a-t-il donc dans cette marmite
bouillante ? »
« Rien, soupira Anne, que l’on
puisse manger.
Toute l’eau qui y bout ne pourra point
changer
Les trois pierres que j’y ai plongées en
viande
Pour faire patienter les bouches
friandes
De mes fils. » Ces derniers furent
d’abord surpris
D’entendre leur mère, puis poussèrent
des cris
Et sanglotèrent plus fort à cette
nouvelle.
L’impitoyable mendiant dit : « Je
vous révèle
Que vous êtes méchante de faire ainsi
souffrir
Vos fils, Anne. » « Hélas !
moi et eux allons mourir !
Nul humain ne viendra, même pour nous
plaindre,
Et rien, hormis ces murs, ne nous entend
geindre,
S’écria-t-elle ; que faire ? Ô
Dieu ! Que devenir ?
Allez-vous nous maudire tous ou tous
nous bénir ? »
Le mendiant reprit : « Je
veux seulement boire
Avant de partir, pour votre plus grande
gloire,
Caché dans la cave, un peu de votre bon
vin. »
« Vous le demanderiez éternellement
en vain.
Monsieur, vous vous trompez de maison
sans doute ;
Je ne possède rien, allez votre route,
Et si Dieu le veut, vous trouverez votre
bonheur. »
« Dieu bénit les bons et il bénit
les donneurs ;
Soyez charitable, Anne, et à son image !
Vous avez du jambon et aussi du fromage,
Ainsi que du broccio, et je veux en
goûter. »
« Mais je n’en ai point et vous
prie de m’écouter... »
« Anne ! Anne !
Interrompit le mendiant étrange,
Je vois bien que venir ici vous dérange,
Mais n’affamez point vos enfants ! » « Je
les chéris
Et je les ai nourris quand leur père a
péri,
Je les aime plus que ma vie affreuse et
noire ;
Voyez dans la marmite, faute de me
croire. »
[A SUIVRE]
Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène
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La Muse a commencé à soupirer le 08/04/2012. Poèmes publiés sur le Blog : 2162.
lundi 29 juin 2015
Conte: La soupe aux pierres (Partie IV)
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