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mercredi 25 janvier 2017

La solitude de Lucifer

la solitude de lucifer

Franz von Stuck, Lucifer (1890)

Pareils à deux flambeaux aux rayons funèbres,
Les yeux de Lucifer brillent dans les ténèbres,
Et sur son roc assis, effrayant et pensif,
Il est un flot brisé sur le monde récif.

Sur l’éternité il ploie ses ailes noires,
Condamné, exilé, sans sceptre et sans gloire ;
Un croissant de lune, tombé près de lui,
De l’arbre du Néant fruit pesant qui reluit,
Lui rappelle sa nuit éternelle et morne
Et comme l’univers lui-même sans bornes
Qui le couvre telle un insondable linceul.
Ne point mourir et vivre éternellement seul !
Etre proscrit partout comme le vent qui passe !
Ne pas pouvoir lever au ciel ses mains lasses
Pour demander la mort ou demander l’enfer !
Demeurer enchaîné à d’invisibles fers
Lourds comme les astres et tombant des mondes !
Le Démon songe dans la nuit profonde,
Nu dans l’immensité et le froid de l’hiver
Qui s’appesantit sur le chétif univers
Telle une maladie puissante et funeste,
Rose qui s’épanouit en répandant la peste
Et dont les pétales sont immenses et noirs
Empêchant les cœurs de battre et les yeux de voir.


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène 

mercredi 6 mai 2015

Conte: Du Jongleur qui alla en enfer (Partie III)

CONTE: DU JONGLEUR QUI ALLA EN ENFER (PARTIE IiI) 

III. Comment se termina la partie que le ménétrier joua contre saint Pierre, et ce que fit Lucifer

Le ménétrier va, dans la chaudière immense,
Chercher quelques âmes, et la partie commence,
Pierre étale son or, et au bord du fourneau
Les deux jours s’assoient dans les gouffres infernaux.
Le saint gagnait toujours, malgré toute l’adresse
De son adversaire qui, sans nulle paresse,
Redoublait et même triplait tous ses paris,
Mais perdait toujours et en était fort marri.
Ne comprenant rien à cette infortune cruelle
Et qui lui était, plus est, perpétuelle,
Il s’étonna d’abord de sa dextérité
Puis se dit qu’il trichait au jeu en vérité
Car il ne pouvait perdre autant de fois de suite.
Il se fâcha donc de l’indigne conduite
De son adversaire, s’emporta, l’injuria
Et qu’il ne paierait point une âme lui cria.
Son adversaire lui dit qu’il n’était qu’un fourbe,
Ils se battirent et ils se prirent à la barbe,
Le saint était le plus fort et il le rossa.
De cette querelle bientôt il se lassa
Et proposa à saint Pierre une autre partie.
« Toutes les âmes de la chaudière sorties,
L’avertit le saint, n’y vont plus y revenir,
Car cette fois je ne vais plus me retenir
Pour te jeter dedans. » Chevaliers ou moines,
Roturiers ou princes, chanoinesses ou chanoines,
Le ménétrier lui jura qu’il choisirait
Parmi toutes ces âmes celles qu’il désirait
Et promit de payer, cette fois, sans traitrise.
A cette partie, à sa plus grande surprise,
Notre ménétrier ne fut pas plus heureux,
Et au jeu n’étant point toutefois un peureux,
Joua cent âmes, mille âmes, les perdit toutes,
Ce qui rendit le saint très content sans doute.
Certain de perdre face au prodigieux joueur,
Il se leva, disant qu’il lui faut un voueur
Pour gagner la partie, maudissant l’infortune
Qui sur terre comme en enfer l’importune.
Le saint, sans s’occuper de ses malédictions,
Alla sauver de leur éternelle affliction
Des âmes à la chaudière. Toutes les victimes
Criaient en l’implorant d’être magnanime.
Mais le ménétrier furieux y accourut,
Et comme jadis sur terre resté bourru
Et aventurier, il résolut sans attendre,
Dans sa folie, de tout gagner ou tout perdre.
Il proposa au saint, qui ne voulait pas mieux,
De jouer toutes les âmes, et l’apôtre vieux
Gagna encore et prit toutes ces âmes heureuses
Au paradis, loin de la géhenne affreuse.
Lucifer arriva quelques heures plus tard
Avec sa troupe, et fut courroucé et hagard
De voir tous ses brasiers éteints et livides
Et sa vaste chaudière devenue soudain vide.
Il appela le chauffeur : « Par mes scorpions et rats
Tu seras dévoré ! Qu’as-tu fait, scélérat ?
Où sont mes prisonniers ? Je ne vois nulle âme,
Prépare-toi à être embrasé par la flamme,
Je vais t’écorcher vif, et comme un bon repas
Te cuire, sans même t’accorder le trépas. »
Le ménétrier, qui tremblait de tous ses membres,
Conta à Lucifer toute l’affaire sombre
En accusant du sort la noire inimitié
Et en implorant de son maître la pitié.
« Quel est donc le butor qui à mon royaume,
S’écria Lucifer, a amené cet homme ?
Qu’on l’amène à son tour, il va s’en repentir. »
On lui amena donc, sans un instant ralentir,
Le pauvre diablotin. D’une verte manière
On l’étrilla ; jusqu’à son heure dernière
De ne plus se charger d’aucun ménétrier
Il jura. Quand on eut fini de l’étriller,
Le monarque ordonna : « Chassez d’ici ce hère,
Et votre châtiment sera des plus sévères
Si vous osez faire venir des musiciens.
Dieu peut le recevoir à l’éden. Il est sien
Car il aime la joie, et moi je l’abhorre. »
Le chanteur ne se fit pas prier encore,
Il se sauva et fut reçu au paradis.

Ménétriers, jongleurs, aucun ne vous l’a dit :
Réjouissez-vous, que le Diable vous emporte !
Ce ménétrier vous a fermé la porte
De l’enfer, et vous n’y serez jamais entrés
Grâce à cet homme que saint Pierre a rencontré.

[FIN DU CONTE: DU JONGLEUR QUI ALLA EN ENFER]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

mardi 5 mai 2015

Conte: Du Jongleur qui alla en enfer (Partie II)

CONTE: DU JONGLEUR QUI ALLA EN ENFER (PARTIE Ii) 


II. Ce que saint Pierre, déguisé en vieil homme, convainquit le ménétrier de faire

Un jour Lucifer, las d’entendre les mêmes râles,
Pour qu’ils fissent ensemble une battue générale
Convoqua ses suppôts, et avant de partir
Appela le chauffeur, qu’il prit soin d’avertir
Qu’il devait se charger pendant son absence
De sa mission, et que la moindre licence
Qu’il accorderait aux captifs, ferait de lui
L’éternel repas de la flamme qui reluit.
« Sire, partez en paix. Que rien ne vous retarde,
Dit le ménétrier. Ils sont sous bonne garde,
Je ne me lasserai point de vous obéir
Et je fais le serment de ne point vous trahir. »
« Je le saurai, lui dit-il, si tu es traître,
De ces lieux que tu vois je suis l’unique maître,
Et donnerai l’ordre de te faire rôtir. »
Dès qu’il vit l’armée de démons enfin partir,
Saint Pierre, qui guettait patiemment l’heure
D’entrer sans souci à l’infernale demeure,
Y alla, en vieillard habilement déguisé,
Qui par le fardeau des années était brisé,
Avec une barbe blanche et la tête baissée
Et de longues moustaches qui étaient bien tressées.
Il accosta notre ménétrier : « L’ami,
Pour jouer aux dés ma mère au monde m’a mis
Bien qu’elle ne fût pas de mon sort avertie.
Il y a de l’argent. Veux-tu faire une partie ? »
Et il lui montra sa bourse emplie d’écus d’or.
« Je n’ai plus rien, lui dit le bonhomme, et je dors
En enfer, hélas ! je n’ai, pour seule mise,
Que cette loque qui me sert de chemise.
Ne me tentez donc point et partez, étranger,
Cessez, car je travaille, d’ainsi me déranger. »
Saint Pierre répliqua : « Tu as bien autre chose
A miser, et seul un brave joueur l’ose,
Ce sont ces jolies âmes de damnés que je vois. »
« Quoi ? s’écria le pauvre hère, baissez la voix !
Si Lucifer entend ce que vous osez dire,
Il nous fera rôtir tous les deux, plein d’ire.
Trouvez-moi quelque autre monnaie. » « Sombre idiot !
Repartit saint Pierre, aux néants primordiaux
Ton maître de chasser avait l’habitude,
Cinq ou six âmes sur une telle multitude
Sont invisibles. Allons, il ne va rien savoir,
Je mets vingt sous au jeu, et tu peux les avoir,
Regarde ces belles pièces toutes neuves !
Amène-moi des âmes de pauvres et de veuves,
Si je m’en vais, tu vas seul ici séjourner
Sans me voir plus jamais à ces lieux retourner. »
Malgré l’avertissement qu’il venait d’entendre,
Le ménétrier, qui avait peur de perdre,
Consentit à jouer quelques coups seulement
Et une âme à la fois, contemplant pâlement
Les dés, sans pouvoir y tenir. « Tope pour une,
Dit l’apôtre, mâle ou femelle, blonde ou brune,
C’est comme tu l’entends, je te laisse choisir,
Et tu peux en miser, mon bonhomme, à loisir. »

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène 

lundi 4 mai 2015

Conte: Du Jongleur qui alla en enfer (Partie I)

CONTE: du jongleur qui alla en enfer (PARTIE I) 

I. Comment un ménétrier alla en enfer, et la mission dont Lucifer le chargea

A Sens, jadis, vivait un doux ménétrier,
Bon garçon mais errant comme un aventurier,
Homme dérangé qui hantait les cavernes
Et qui dépensait tous ses sous à la taverne.
Gagnait-il quelque argent ? Vite il se déridait
A secouer les dés ou aux pots qu’il vidait.
Sans le sou, il mettait son violon en gage.
Aussi, déguenillé, n’ayant point de bagage
Autre que sa chemise, souvent même nu-pieds,
Par la bise ou la pluie comme aux manants il sied
Il allait, sur la tête un chapel de branches,
Demandant de mettre la semaine en dimanches
Au Seigneur tout-puissant, et cependant content.
Il mourut enfin et ne vécut point longtemps.
Un jeune diable, encore novice,
Qui cherchait une âme souillée par le vice
Depuis un mois, sans qu’il ne pût l’escamoter,
Vit notre violoneux, et de le ligoter
S’empressa, et joyeux, emporta son âme
Jusqu’à la géhenne rougie par les flammes.
A cette même heure, aussi fiers que des monts,
De la chasse revenaient de sinistres démons ;
Lucifer, sur la tête sa royale couronne,
Pour les voir arriver assis sur son trône,
Les attendait. Chacun d’eux à ses pieds jetait
Sa proie, et du poids de son fardeau haletait,
Il y avait des champions portant encor le heaume,
Des marchands, des voleurs et des gentilshommes
Et même des moines, tous poussant d’affreux cris
Et d’être les hôtes de Lucifer surpris.
Le noir monarque, dont l’âme est sombre et altière,
Fit jeter les captifs dans sa vaste chaudière
Quand il les eut d’abord tous bien examinés,
Puis il ferma la porte et sans être chagriné
Demanda s’il y avait encore du monde.
« Oui, répondit-on, un pauvre manant immonde
N’est toujours pas rentré. Il est fait comme un bœuf
Et c’est un pauvre idiot, bien simple et bien neuf. »
Le diablotin parut en ce moment même
Et le ménétrier déguenillé et blême.
Lucifer ordonna : « Ah ! approche, mon beau.
Es-tu voleur, espion ? Ou serais-tu ribaud ? »
« Non, sire, répondit-il, dans ma vie physique
J’étais ménétrier, et sur terre en musique
Je suis le plus docte, sans vouloir me vanter. 
Vous ne gagneriez donc rien à m’épouvanter,
Au lieu de me mettre au supplice, je propose
De vous égayer par des chansons non moroses. »
« Des chansons ! s’écria le cruel Lucifer,
Ce n’est point la musique qu’il me faut en enfer.
Vois-tu cette chaudière bien haute et bien large ?
De la faire chauffer, chanteur, je te charge,
Et, parbleu ! tu veilleras qu’il y ait toujours bon feu.
Si tu le refuses, tu y seras sous peu,
A te plonger dedans mes démons seront prestes. »
Notre homme se rendit aussitôt à son poste,
Content d’échapper à l’éternelle affliction,
Et s’acquitta comme il se doit de sa fonction.

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène 

vendredi 6 juillet 2012

La bataille d’Armageddon


La bataille d’Armageddon


Sur le mont Megiddo haut comme le ciel,
L’archange Lucifer et l’archange Michel
Armés de leurs épées, méditent et se regardent.
L’immensité tremble, ténébreuse et hagarde,
Car voici venir l’heure du combat final
Du jour contre la nuit, du Bien contre le Mal,
Qui fait tressaillir toutes les pâles créatures.
Michel est revêtu de sa sombre armure
Et a sa lame qu’on voit reluire de loin,
Lucifer orgueilleux n’a que l’épée au poing.
Les deux rivaux attendent que le clairon sonne
Le duel terrible, et l’éternité frissonne
En les voyant tous les deux se contempler là.

Lucifer, le premier, parle et dit : « Je suis las
D’attendre éternellement que Dieu enfin daigne
Souffler dans son clairon pour que ses fils saignent ;
Ce combat est l’une de ses divines dérisions !
A ses yeux nous sommes poussières et illusions,
Il peut te tuer et me faire disparaître
Mais il veut que notre sang coule pour s’en repaître
Car il est cruel, et sans doute il sourit
En nous regardant tous les deux avec mépris !
Pourquoi avoir créé le Mal s’il l’abhorre ?
A quoi sert la nuit ? A quoi sert l’aurore ?
A quoi sert toute l’immense création ?
Pourquoi créer les hommes que bercent les passions
Et les châtier ensuite pour leurs sombres fautes ?
Punit-on la cime parce qu’elle est haute ?
Châtie-t-on un aveugle parce qu’il ne voit pas ?
Pour plaire à ce bourreau nous courons au trépas !
Ne combattons point. Ne sommes-nous pas frères ? »
« Tu as désobéi à notre saint père
Répond Michel. Et tu dois êtes châtié.
Ne me tente point car mon cœur est sans pitié.
Père t’a coupé les ailes, je te couperai la tête
Pour que son œuvre, encore inachevée, soit complète.
Pourquoi le Bien ? Pourquoi le Mal ? Vaines questions !
Nous lutterons parce que Dieu veut que nous luttions.
Tu trembles car tu sens venir ton heure dernière,
Comme la tête de Josias, ta tête altière
Quand tu seras vaincu, dans ce mont tombera »
« Prends garde, Michel, car tu peux perdre ton bras »
Dit Lucifer railleur, le sourire aux lèvres.
Soudain, comme à la tête monte la fièvre
Et de sa victime pâle rougit le font,
On entend monter le son du divin clairon
Et le combat affreux dans l’ombre commence.

Ô, des flamboyantes épées choc immense !
Courroux inexorable, éternelle horreur !
Des deux épées on voit jaillir des lueurs,
Le matin impatient dans l’azur se lève
Réveillé par le bruit terrible des glaives,
Les deux frères luttent comme deux ennemis,
La géhenne hurle et le paradis gémit,
Dans le ciel on entend Dieu qui soupire.
Lucifer a aux lèvres son ténébreux sourire
Et le vaillant Michel a la flamme aux yeux ;
A son frère il assène un coup si furieux
Et si puissant, qu’il choit, blessé à la jambe.
Le regardant avec ses yeux qui flambent,
Il lui dit : « Mon frère, repose-toi un peu,
Tu périras debout, tel est l’arrêt de Dieu »
De la balafre de Lucifer, béante,
Deux gouttes de sang, noires et comme les monts géantes,
Plus pesantes que les flots de l’océan,
Fardeaux sombres et énormes, sont tombées du néant
Dans le monde éphémère où vivent les hommes,
L’une est devenue Gomorrhe, l’autre Sodome.

Dans l’ombre épouvantée le combat se poursuit,
Les fers reluisent comme le soleil reluit
Et à la nuit blessée font maintes cicatrices.
Michel gémit tout à coup, atteint à la cuisse ;
Trois plumes de ses ailes nous sont tombées dessus
Pour devenir Moïse, Mahomet et Jésus.
Lucifer rugit comme la houle et à son frère
Dit : « Tu m’as épargné, je ne vais pas le faire,
Michel, tu périras, debout ou endormi ! »
Et lui assène un coup dont Dieu lui-même frémit,
Tellement farouche que son épée est restée
Dans l’immense roc qu’elle n’a pu occire plantée.
Cette vaste épée, c’est la radieuse Excalibur
Que, quelques siècles plus tard, a porté Arthur.
L’archange Michel, fier, jette sa lourde épée
Et dit à son frère : « Nos mains sont mieux trempées »
Et les voilà qui, à mains nues et acharnés,
Combattent corps à corps, pareils à deux damnés
Qui jamais ne s’arrêtent et ne se reposent
Car telle est la loi du Maître des choses,
Et qui, muets et blêmes, luttent éternellement
En se jetant, armes volées au firmament,
Des astres qui jusqu’à aujourd’hui tournent
Sans jamais s’évanouir, dans l’espace sans bornes.



Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène