CONTE: du jongleur qui alla en enfer (PARTIE I)
I. Comment un ménétrier alla en enfer, et la mission
dont Lucifer le chargea
A Sens, jadis,
vivait un doux ménétrier,
Bon garçon mais
errant comme un aventurier,
Homme dérangé
qui hantait les cavernes
Et qui dépensait
tous ses sous à la taverne.
Gagnait-il
quelque argent ? Vite il se déridait
A secouer les
dés ou aux pots qu’il vidait.
Sans le sou, il
mettait son violon en gage.
Aussi,
déguenillé, n’ayant point de bagage
Autre que sa
chemise, souvent même nu-pieds,
Par la bise ou
la pluie comme aux manants il sied
Il allait, sur
la tête un chapel de branches,
Demandant de
mettre la semaine en dimanches
Au Seigneur
tout-puissant, et cependant content.
Il mourut enfin
et ne vécut point longtemps.
Un jeune diable,
encore novice,
Qui cherchait
une âme souillée par le vice
Depuis un mois,
sans qu’il ne pût l’escamoter,
Vit notre violoneux,
et de le ligoter
S’empressa, et
joyeux, emporta son âme
Jusqu’à la
géhenne rougie par les flammes.
A cette même
heure, aussi fiers que des monts,
De la chasse
revenaient de sinistres démons ;
Lucifer, sur la
tête sa royale couronne,
Pour les voir
arriver assis sur son trône,
Les attendait.
Chacun d’eux à ses pieds jetait
Sa proie, et du
poids de son fardeau haletait,
Il y avait des
champions portant encor le heaume,
Des marchands,
des voleurs et des gentilshommes
Et même des
moines, tous poussant d’affreux cris
Et d’être les
hôtes de Lucifer surpris.
Le noir
monarque, dont l’âme est sombre et altière,
Fit jeter les
captifs dans sa vaste chaudière
Quand il les eut
d’abord tous bien examinés,
Puis il ferma la
porte et sans être chagriné
Demanda s’il y
avait encore du monde.
« Oui,
répondit-on, un pauvre manant immonde
N’est toujours
pas rentré. Il est fait comme un bœuf
Et c’est un
pauvre idiot, bien simple et bien neuf. »
Le diablotin
parut en ce moment même
Et le ménétrier
déguenillé et blême.
Lucifer ordonna : « Ah !
approche, mon beau.
Es-tu voleur,
espion ? Ou serais-tu ribaud ? »
« Non,
sire, répondit-il, dans ma vie physique
J’étais
ménétrier, et sur terre en musique
Je suis le plus
docte, sans vouloir me vanter.
Vous ne
gagneriez donc rien à m’épouvanter,
Au lieu de me
mettre au supplice, je propose
De vous égayer
par des chansons non moroses. »
« Des
chansons ! s’écria le cruel Lucifer,
Ce n’est point
la musique qu’il me faut en enfer.
Vois-tu cette
chaudière bien haute et bien large ?
De la faire
chauffer, chanteur, je te charge,
Et, parbleu !
tu veilleras qu’il y ait toujours bon feu.
Si tu le
refuses, tu y seras sous peu,
A te plonger
dedans mes démons seront prestes. »
Notre homme se
rendit aussitôt à son poste,
Content d’échapper
à l’éternelle affliction,
Et s’acquitta
comme il se doit de sa fonction.
[A SUIVRE]
Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène
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La Muse a commencé à soupirer le 08/04/2012. Poèmes publiés sur le Blog : 2182.
lundi 4 mai 2015
Conte: Du Jongleur qui alla en enfer (Partie I)
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