CONTE: DU JONGLEUR QUI ALLA EN ENFER (PARTIE Ii)
II. Ce que saint Pierre, déguisé en vieil homme,
convainquit le ménétrier de faire
Un jour Lucifer,
las d’entendre les mêmes râles,
Pour qu’ils
fissent ensemble une battue générale
Convoqua ses
suppôts, et avant de partir
Appela le chauffeur,
qu’il prit soin d’avertir
Qu’il devait se
charger pendant son absence
De sa mission,
et que la moindre licence
Qu’il
accorderait aux captifs, ferait de lui
L’éternel repas
de la flamme qui reluit.
« Sire,
partez en paix. Que rien ne vous retarde,
Dit le
ménétrier. Ils sont sous bonne garde,
Je ne me
lasserai point de vous obéir
Et je fais le
serment de ne point vous trahir. »
« Je le
saurai, lui dit-il, si tu es traître,
De ces lieux que
tu vois je suis l’unique maître,
Et donnerai l’ordre
de te faire rôtir. »
Dès qu’il vit l’armée
de démons enfin partir,
Saint Pierre,
qui guettait patiemment l’heure
D’entrer sans
souci à l’infernale demeure,
Y alla, en
vieillard habilement déguisé,
Qui par le
fardeau des années était brisé,
Avec une barbe
blanche et la tête baissée
Et de longues
moustaches qui étaient bien tressées.
Il accosta notre
ménétrier : « L’ami,
Pour jouer aux
dés ma mère au monde m’a mis
Bien qu’elle ne
fût pas de mon sort avertie.
Il y a de l’argent.
Veux-tu faire une partie ? »
Et il lui montra
sa bourse emplie d’écus d’or.
« Je n’ai
plus rien, lui dit le bonhomme, et je dors
En enfer, hélas !
je n’ai, pour seule mise,
Que cette loque
qui me sert de chemise.
Ne me tentez
donc point et partez, étranger,
Cessez, car je
travaille, d’ainsi me déranger. »
Saint Pierre
répliqua : « Tu as bien autre chose
A miser, et seul
un brave joueur l’ose,
Ce sont ces
jolies âmes de damnés que je vois. »
« Quoi ?
s’écria le pauvre hère, baissez la voix !
Si Lucifer
entend ce que vous osez dire,
Il nous fera
rôtir tous les deux, plein d’ire.
Trouvez-moi
quelque autre monnaie. » « Sombre idiot !
Repartit saint
Pierre, aux néants primordiaux
Ton maître de
chasser avait l’habitude,
Cinq ou six âmes
sur une telle multitude
Sont invisibles.
Allons, il ne va rien savoir,
Je mets vingt
sous au jeu, et tu peux les avoir,
Regarde ces
belles pièces toutes neuves !
Amène-moi des
âmes de pauvres et de veuves,
Si je m’en vais,
tu vas seul ici séjourner
Sans me voir
plus jamais à ces lieux retourner. »
Malgré l’avertissement
qu’il venait d’entendre,
Le ménétrier,
qui avait peur de perdre,
Consentit à
jouer quelques coups seulement
Et une âme à la
fois, contemplant pâlement
Les dés, sans
pouvoir y tenir. « Tope pour une,
Dit l’apôtre,
mâle ou femelle, blonde ou brune,
C’est comme tu l’entends,
je te laisse choisir,
Et tu peux en
miser, mon bonhomme, à loisir. »
[A SUIVRE]
Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène
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La Muse a commencé à soupirer le 08/04/2012. Poèmes publiés sur le Blog : 2182.
mardi 5 mai 2015
Conte: Du Jongleur qui alla en enfer (Partie II)
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