vendredi 6 juillet 2012

La bataille d’Armageddon


La bataille d’Armageddon


Sur le mont Megiddo haut comme le ciel,
L’archange Lucifer et l’archange Michel
Armés de leurs épées, méditent et se regardent.
L’immensité tremble, ténébreuse et hagarde,
Car voici venir l’heure du combat final
Du jour contre la nuit, du Bien contre le Mal,
Qui fait tressaillir toutes les pâles créatures.
Michel est revêtu de sa sombre armure
Et a sa lame qu’on voit reluire de loin,
Lucifer orgueilleux n’a que l’épée au poing.
Les deux rivaux attendent que le clairon sonne
Le duel terrible, et l’éternité frissonne
En les voyant tous les deux se contempler là.

Lucifer, le premier, parle et dit : « Je suis las
D’attendre éternellement que Dieu enfin daigne
Souffler dans son clairon pour que ses fils saignent ;
Ce combat est l’une de ses divines dérisions !
A ses yeux nous sommes poussières et illusions,
Il peut te tuer et me faire disparaître
Mais il veut que notre sang coule pour s’en repaître
Car il est cruel, et sans doute il sourit
En nous regardant tous les deux avec mépris !
Pourquoi avoir créé le Mal s’il l’abhorre ?
A quoi sert la nuit ? A quoi sert l’aurore ?
A quoi sert toute l’immense création ?
Pourquoi créer les hommes que bercent les passions
Et les châtier ensuite pour leurs sombres fautes ?
Punit-on la cime parce qu’elle est haute ?
Châtie-t-on un aveugle parce qu’il ne voit pas ?
Pour plaire à ce bourreau nous courons au trépas !
Ne combattons point. Ne sommes-nous pas frères ? »
« Tu as désobéi à notre saint père
Répond Michel. Et tu dois êtes châtié.
Ne me tente point car mon cœur est sans pitié.
Père t’a coupé les ailes, je te couperai la tête
Pour que son œuvre, encore inachevée, soit complète.
Pourquoi le Bien ? Pourquoi le Mal ? Vaines questions !
Nous lutterons parce que Dieu veut que nous luttions.
Tu trembles car tu sens venir ton heure dernière,
Comme la tête de Josias, ta tête altière
Quand tu seras vaincu, dans ce mont tombera »
« Prends garde, Michel, car tu peux perdre ton bras »
Dit Lucifer railleur, le sourire aux lèvres.
Soudain, comme à la tête monte la fièvre
Et de sa victime pâle rougit le font,
On entend monter le son du divin clairon
Et le combat affreux dans l’ombre commence.

Ô, des flamboyantes épées choc immense !
Courroux inexorable, éternelle horreur !
Des deux épées on voit jaillir des lueurs,
Le matin impatient dans l’azur se lève
Réveillé par le bruit terrible des glaives,
Les deux frères luttent comme deux ennemis,
La géhenne hurle et le paradis gémit,
Dans le ciel on entend Dieu qui soupire.
Lucifer a aux lèvres son ténébreux sourire
Et le vaillant Michel a la flamme aux yeux ;
A son frère il assène un coup si furieux
Et si puissant, qu’il choit, blessé à la jambe.
Le regardant avec ses yeux qui flambent,
Il lui dit : « Mon frère, repose-toi un peu,
Tu périras debout, tel est l’arrêt de Dieu »
De la balafre de Lucifer, béante,
Deux gouttes de sang, noires et comme les monts géantes,
Plus pesantes que les flots de l’océan,
Fardeaux sombres et énormes, sont tombées du néant
Dans le monde éphémère où vivent les hommes,
L’une est devenue Gomorrhe, l’autre Sodome.

Dans l’ombre épouvantée le combat se poursuit,
Les fers reluisent comme le soleil reluit
Et à la nuit blessée font maintes cicatrices.
Michel gémit tout à coup, atteint à la cuisse ;
Trois plumes de ses ailes nous sont tombées dessus
Pour devenir Moïse, Mahomet et Jésus.
Lucifer rugit comme la houle et à son frère
Dit : « Tu m’as épargné, je ne vais pas le faire,
Michel, tu périras, debout ou endormi ! »
Et lui assène un coup dont Dieu lui-même frémit,
Tellement farouche que son épée est restée
Dans l’immense roc qu’elle n’a pu occire plantée.
Cette vaste épée, c’est la radieuse Excalibur
Que, quelques siècles plus tard, a porté Arthur.
L’archange Michel, fier, jette sa lourde épée
Et dit à son frère : « Nos mains sont mieux trempées »
Et les voilà qui, à mains nues et acharnés,
Combattent corps à corps, pareils à deux damnés
Qui jamais ne s’arrêtent et ne se reposent
Car telle est la loi du Maître des choses,
Et qui, muets et blêmes, luttent éternellement
En se jetant, armes volées au firmament,
Des astres qui jusqu’à aujourd’hui tournent
Sans jamais s’évanouir, dans l’espace sans bornes.



Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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