vendredi 23 janvier 2015

Conte: La Houle du Châtelet (Partie V)

V. Le présent que la jeune fille reçut de sa filleule, et ce que lui arriva quand elle se maria

La jeune fille, qui dix ans dans la houle séjourna
Sans le savoir, à sa demeure retourna.
Sa mère, en la voyant, s’écria : « Malheureuse !
Nous te croyions noyée dans la mer ténébreuse
Ou tombée des falaises. Où est-ce que tu étais ?
Et qu’est-ce qui, pendant tout ce temps, t’arrêtait ? »
« Ne me grondez pas, mère, répondit la jeune fille.
Jamais je ne quitterai ma chère famille,
Et je suis partie il y a deux jours pour nommer
L’enfant de la fée, qui m’a permis de chômer
Pour qu’à sa houle cachée aux humains elle m’invite.
Je n’y suis restée que deux jours et suis revenue fort vite. »
« Deux jours ! s’écria une autre fois la maman,
Tu oses me le redire ainsi, arrogamment !
Tu es restée dix ans, c’est pourquoi je te gronde,
Vois comme tu es haute sur tes jambes et gironde. »
La jeune fille, étonnée, se vit dans un miroir,
Ne pouvant croire qu’elle devint femme en deux soirs,
Ses frères et sœurs, petits quand elle était partie,
Devinrent aussi grand qu’elle quand elle fut sortie
De la grotte, et elle les prit pour des étrangers, 
Comme eux en la voyant de la sorte changer.
Elle demanda d’abord qu’on la laissât seule,
Et tricota une paire de bas pour sa filleule
Qu’elle alla porter à la houle, sans courir
Cette fois de la portière qui vint lui ouvrir.
Les fées lui furent bonnes et hospitalières
Et l’accueillirent avec leur joie régulière,
Elle y passa cinq ans en y passant un jour,
Avant de partir, sa filleule, avec amour
L’embrassa, et lui fit présent d’une bourse
En lui disant : « Vous pourrez faire toutes vos courses
Grâce à cette bourse emplie d’or. Quand vous y prendrez
Une pièce, une autre viendra ; vous entendrez
Un bruit plaisant, et vivrez comme une reine.
Mais souvenez-vous bien, ma chère marraine,
Que si un autre que vous y puise, elle perdra
Toutes ses vertus, et votre cœur s’en mordra,
Car votre richesse deviendra éphémère. 
Ne m’oubliez pas, je vous aime comme une mère. »
Comme elle était jolie, la jeune fille, en allant
A son village, ne manqua pas de galants
Pour lui faire la cour, et en était charmée.
Ses frères partirent s’enrôler dans l’armée
Et ses sœurs se marièrent ou allèrent au couvent.
Un jeune homme fort beau qui la courtisait souvent
Lui plut ; elle consentit à être son épouse,
N’étant pas cachottière et de son or jalouse,
Elle lui parla de sa bourse aux magiques pouvoirs,
En pensant ainsi faire son conjugal devoir.
Son mari, croyant ce prodige imaginaire,
En prit une pièce, et comme une bourse ordinaire
Elle s’épuisa bien vite. Nul ne sait, aujourd’hui,
Ce qui se passa, si l’époux fut éconduit
Par sa femme en colère, et si cette dernière
Revint à la grotte ou demeura casanière.

[FIN DU CONTE: LA HOULE DU CHÂTELET]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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