CONTE: LA HOULE DU CHÂTELET (PARTIE II)
II. Le présent que les fées de la Houle firent à une
pauvre veuve
Une pauvre veuve par le destin assaillie
Vivait autrefois au village de la
Baillie
Avec ses sept enfants qu’elle peinait à
nourrir
Et pour lesquels elle eût été prête à
mourir
De famine et de soif, pour qu’ils
pussent vivre.
L’aventure de Marc, dite par des bouches
ivres,
Qui devint des plaisants le conte
favori,
Parvint à cette veuve au cœur endolori.
Elle en sourit d’abord comme d’une bonne
fable,
Mais y songeait souvent, car ces fées
affables
Pourraient l’assister dans sa grande
pauvreté
Et adoucir de ces jours la noire âpreté.
Un jour qu’elle ramassait des coques sur
la grève,
Elle se disait : « Ce
travail maudit me crève,
Et mes pauvres enfants pourraient mourir
de faim,
Mais ce clavaire va peut-être prendre
fin
Si je vais à la Houle des fées ;
ces créatures
Sont connues pour être de généreuse
nature,
Elles me donneraient peut-être du bon
pain,
Et je ne frapperai pas à leur porte en
vain. »
Quand elle eut fini de remplir son sac
de coques,
La pauvre bonne femme vêtue de ses
loques
Le posa sur un grand rocher, et elle
alla
A l’entrée de la houle qu’on lui signala
Et frappa. Elle vit, étrange et altière,
Venir à elle une fort vieille portière
Qui semblait avoir mille ans, au front
dégarni,
Moussue comme un rocher, couverte de
bernis
Qu’elle avait sur le dos, et de noires
moules,
Et des clefs à la main. La gardienne de
la houle
Lui demanda doucement : « Pauvre
femme, que veux-tu ? »
« Pour mes petits enfants un peu de
pain goutu,
S’il vous plaît ! »
répondit-elle avec détresse.
Je ne suis que portière, je ne suis
point maîtresse,
Repartit la vieille, mais reviens ici
demain,
Je parlerai pour toi. À ces lieux nul
humain
Ne peut entrer sans la permission de
Madame. »
Elle la remercia, et la bonne femme
Pour vendre ses coques, s’en alla à
Matignon,
Et put dans sa chaumière avoir du
fumignon
Car elle vendit tout, de ce prodige
étonnée,
Et donna à souper à toute sa maisonnée.
Le lendemain, à la même grève elle
revint,
Et à la vieille portière qui d’elle se
souvint
Demanda si à sa maîtresse elle parla d’elle.
« Oui, lui dit la portière à sa
promesse fidèle,
Elle te donne cette tourte de pain fort
délicieux,
Et voudrait te parler. » « Pour
ce présent précieux,
Dit la pêcheuse, je veux lui dire ma
gratitude. »
La vieille portière des fées lui dit que
d’habitude
Nul n’entre dans la houle, mais que le
lendemain
Sa maîtresse la verra. Elle rebroussa
chemin,
Sous le soleil qui brille encor toute
joyeuse.
La fée ne défendit point à la pêcheuse
De dire son aventure ou montrer son
présent,
Elle alla donc à ses voisines, la leur
disant
Et leur faisant goûter son pain bon et
tendre,
Tandis qu’elles s’étonnaient toutes de l’entendre.
Ses enfants affamés purent à peine en
croûter,
Car tous les gens de la Baillie vinrent
en goûter,
Et il ne demeura, quand la nuit fut
venue,
De la gâche des fées que quelques
miettes menues.
[A SUIVRE]
Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène
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La Muse a commencé à soupirer le 08/04/2012. Poèmes publiés sur le Blog : 2166.
mardi 20 janvier 2015
Conte: La Houle du Châtelet (Partie II)
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