mardi 20 janvier 2015

Conte: La Houle du Châtelet (Partie II)

CONTE: LA HOULE DU CHÂTELET (PARTIE II) 


II. Le présent que les fées de la Houle firent à une pauvre veuve

Une pauvre veuve par le destin assaillie
Vivait autrefois au village de la Baillie
Avec ses sept enfants qu’elle peinait à nourrir
Et pour lesquels elle eût été prête à mourir
De famine et de soif, pour qu’ils pussent vivre.
L’aventure de Marc, dite par des bouches ivres,
Qui devint des plaisants le conte favori,
Parvint à cette veuve au cœur endolori.
Elle en sourit d’abord comme d’une bonne fable,
Mais y songeait souvent, car ces fées affables
Pourraient l’assister dans sa grande pauvreté
Et adoucir de ces jours la noire âpreté.
Un jour qu’elle ramassait des coques sur la grève,
Elle se disait : « Ce travail maudit me crève,
Et mes pauvres enfants pourraient mourir de faim,
Mais ce clavaire va peut-être prendre fin
Si je vais à la Houle des fées ; ces créatures
Sont connues pour être de généreuse nature,
Elles me donneraient peut-être du bon pain,
Et je ne frapperai pas à leur porte en vain. »
Quand elle eut fini de remplir son sac de coques,
La pauvre bonne femme vêtue de ses loques
Le posa sur un grand rocher, et elle alla
A l’entrée de la houle qu’on lui signala
Et frappa. Elle vit, étrange et altière,
Venir à elle une fort vieille portière
Qui semblait avoir mille ans, au front dégarni,
Moussue comme un rocher, couverte de bernis
Qu’elle avait sur le dos, et de noires moules,
Et des clefs à la main. La gardienne de la houle
Lui demanda doucement : « Pauvre femme, que veux-tu ? »
« Pour mes petits enfants un peu de pain goutu,
S’il vous plaît ! » répondit-elle avec détresse.
Je ne suis que portière, je ne suis point maîtresse,
Repartit la vieille, mais reviens ici demain,
Je parlerai pour toi. À ces lieux nul humain
Ne peut entrer sans la permission de Madame. »
Elle la remercia, et la bonne femme
Pour vendre ses coques, s’en alla à Matignon,
Et put dans sa chaumière avoir du fumignon
Car elle vendit tout, de ce prodige étonnée,
Et donna à souper à toute sa maisonnée.
Le lendemain, à la même grève elle revint,
Et à la vieille portière qui d’elle se souvint
Demanda si à sa maîtresse elle parla d’elle.
« Oui, lui dit la portière à sa promesse fidèle,
Elle te donne cette tourte de pain fort délicieux,
Et voudrait te parler. » « Pour ce présent précieux,
Dit la pêcheuse, je veux lui dire ma gratitude. »
La vieille portière des fées lui dit que d’habitude
Nul n’entre dans la houle, mais que le lendemain
Sa maîtresse la verra. Elle rebroussa chemin,
Sous le soleil qui brille encor toute joyeuse.
La fée ne défendit point à la pêcheuse
De dire son aventure ou montrer son présent,
Elle alla donc à ses voisines, la leur disant
Et leur faisant goûter son pain bon et tendre,
Tandis qu’elles s’étonnaient toutes de l’entendre.
Ses enfants affamés purent à peine en croûter,
Car tous les gens de la Baillie vinrent en goûter,
Et il ne demeura, quand la nuit fut venue,
De la gâche des fées que quelques miettes menues.

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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