dimanche 18 janvier 2015

Conte: La Houle du Châtelet (Partie I)

CONTE: La houle du châtelet (PARTIE I) 

I. L’histoire de deux laboureurs, qui eurent commerce avec des fées

Il y avait à Saint-Cast un laboureur noiraud
Du nom de Marc Bourdais, appelé bonhomme Maraud.
Un jour que lui et son domestique charruaient
Près de la pointe du Châtelet qu’ils saluaient,
Marc entendit soudain sous la terre corner,
Et il arrêta, pour ouïr, de la retourner,
Et dit au domestique : « Est-ce le son d’une trompe ?
Gars, ce n’est point là un farceur qui nous trompe ! »
« C’est, répondit-il, des fées le corne enchanté. »
« Des fées ! Bien que j’aie des bras et de la santé,
Je me sens las et j’ai faim. Crie à nos voisines
De nous donner une gâche de pain de leur cuisine. »
Le bonhomme s’arrêta, et fortement cria
Avec politesse, aux bonnes fées qu’il pria :
« Fées, apportez-nous, s’il vous plaît, une gâche. »
Et il tremblotait, bien qu’il ne fût pas lâche.
Il finit, avec son maître, d’ensemencer
Le sillon qu’ils venaient, à l’aube, de commencer ;
Ils trouvèrent un beau pain près d’une chenillette,
Bien enveloppé dans une blanche serviette.
Le bonhomme Maraud dit : « Je veux bien manger
De la gâche aux fées. Mais n’y a-t-il point de danger ? »
« Oui, mangeons ! répondit le bon domestique
En admirant cette gâche de pain rustique,
Elle est trop belle pour ne pas lui faire honneur. »
« Manges-en le premier et j’en serai preneur. »
Dit Marc. Ils sortirent le pain de la serviette blanche
Et en coupèrent chacun une bonne tranche ;
Il était tout beurré et bon comme un gâteau,
Et ils en mangèrent comme deux diableteaux
Puis eurent très soif, et tous les deux crièrent : 
« Apportez-nous à boire, s’il vous plaît. » Leur prière
Fut exaucée, car ils virent aussitôt, ravis,
Un pot de cidre et un verre. « Ma foi, m’est avis
Que le cidre est aussi bon que la gâche est bonne ! 
S’écria Marc. Jouissons de ce qu’on nous donne. »
Le cidre était bien clair et de belle couleur,
Ils en burent rapidement, pareils à deux voleurs,
Et dirent qu’ils n’avaient point bu d’aussi agréable.
Le soir, ils racontèrent leur récit incroyable
A leurs voisins, réjouis de leur magique festin.
« Mes pauvres gens, la mort sera votre destin,
Et de manger ainsi et boire vous êtes bêtes. »
Leur dirent leurs amis en hochant la tête.
Ils ne furent point malades, et partirent labourer
Le lendemain matin, comptant bien savourer
Un autre repas des fées hospitalières,
Contents d’aller à leur corvée journalière.
Ils sentirent l’odeur de galettes de blé noir
Venir de sous terre, sans qu’ils ne pussent les voir.
« Ah ! dit bonhomme Maraud, ces bonnes drôlettes
Se mettent aujourd’hui à faire de la galette.
Demande-leur de nous en faire goûter. » « Ma foi,
Priez-les vous-même de nous les donner, cette fois,
Car je ne veux pas les ennuyer encore,
Et elles se fâcheront de m’entendre à chaque aurore. »
Lui dit le domestique. Le bonhomme, vieux farceur,
Se mit à crier aux fées, sans aucune douceur :
« Je sens de la galette, fée, dans ta demeure,
Il faut m’en apporter, maintenant, de la meilleure ! »
Ils trouvèrent deux galettes au bout de leur sillon,
Qui semblaient délicieuses, dans un beau corbillon.
Le bonhomme s’écria : « Ces galettes ont une mine
Qui fait plaisir à voir. Elles viennent d’une chaumine,
Mangeons-les sans tarder, elles vont bientôt froidir. »
Mais ils mirent peu de temps à s’agaillairdir,
Et virent que leurs galettes, quand ils les coupèrent,
Etaient remplies de poils. « Ah ! vieille vipère,
S’écria le bonhomme de son audace puni,
Je ne veux pas de ton mets de tes poils muni !
Tu te moques de moi et crois avoir du vice,
Mais sache que j’en ai autant à ton service ;
Reprends ton infâme galette et mange-la,
Nous l’aurions mangée si en enfer il gela. »
Les galettes disparurent, ce qui fâcha nos trognes
Qui se querellèrent et finirent leur besogne.

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Mon avis sur cet article: