mercredi 8 janvier 2014

Histoire de Sindbad le Marin (Premier voyage, partie IV)

Histoire de Sindbad le marin (premier voyage, partie IV) 
Un jour au port, je vis des marchands descendre,
Et surpris et rêveur, il me semblait entendre
Ces voyageurs parler mon dialecte heureux.
Tremblant comme si j’allais commettre un crime affreux,
Je m’approchai d’eux. Ils profitaient de la brise
Et avaient déchargé toutes leurs marchandises,
Mangeant et buvant, dans l’ombre se reposant
Et du voyage et des affaires devisant.
Je vis des ballots que les marins mirent à terre
Sur lesquels les noms de leurs propriétaires
Etaient écrits. Surpris, j’y lus aussi le mien.
Quand on vous croit mort, nul de vous ne se souvient,
Quand pour lui en parler, j’allai au capitaine
Que je reconnus, il me dit, la mine hautaine :
« Mais qui êtes-vous ? Vous n’êtes qu’un imposteur !
Sindbad est mort devant mes yeux, sombre menteur !
Oser voler un mort ! Dans quel monde nous sommes !
Dieu ! N’y a-t-il plus de bonne foi parmi les hommes ?
Il est vrai que je ne suis qu’un faible vieillard
Mais ces hommes que voici sont de puissants gaillards
Et vous corrigeront si c’est nécessaire. »
Je lui jurai mille fois que j’étais sincère
Mais il ne me crut point. A ce même moment,
Des marchands vinrent et me reconnurent rapidement ;
Contents de me voir, ils me complimentèrent
Et, pleins d’admiration pour moi, écoutèrent
De mes aventures le bien étrange récit.
Le bon capitaine m’écouta lui aussi
Et me reconnaissant, joyeux comme un père,
Il m’embrassa et me dit : « A un vieux hère
Pardonne, mon fils, son horrible entêtement.
Tu n’es point mort ! Dieu du ciel ! Au débarquement,
J’allais vendre tes biens et chercher tes proches
Pour leur donner l’argent. Je mérite tes reproches
Et te conjure d’être clément. Tu reprendras
Tes biens, et en feras ce que ton cœur voudra.
Que Dieu, qui t’a sauvé de la mort, te garde
Et qu’il soit loué, lui qui au ciel nous regarde. »
Je remerciai le vieil homme pour sa probité
Et il refusa mes présents avec bonté.
Au roi Mihrage, pour montrer ma gratitude,
J’offris maints biens précieux qu’avec mansuétude
Il accepta, m’offrant des biens plus somptueux
Et me demandant, sans paraître impétueux,
Où je les avais pris. Sa joie était grande
Quand il le sut, et il me fit plus d’offrandes
En me souhaitant bon départ et bon retour.
Avant de m’en aller, j’employai tout le jour
A échanger mes biens contre ceux des Indes,
Et j’emportai de cette douce partie du monde
Du poivre, du gingembre, du bon bois de santal,
De la muscade, du camphre, à mon pays natal,
Et maintes autres choses rares et délicates.
                        Nous partîmes. La mer était belle et plate
Et nous abordâmes enfin à Bassora
Où ma famille que le chagrin dévora,
Me croyant mort  car je ne pus lui écrire,
Avec des transports que je ne puis vous dire
Me reçut, étonnée de me revoir vivant.
Je devins très riche et j’achetai, les jours suivants,
Une maison, de belles terres et des esclaves.
J’oubliais la mer et ses marins braves
Et résolus, après avoir ainsi souffert,
De jouir des plaisirs que la vie m’avait offerts. »

Sindbad interrompant son étrange histoire,
On continua de manger et de boire
Jusqu’à la tombée de la nuit. Quand l’heure vint
De se retirer, au porteur cherchant en vain
La sortie, le marin touché par sa misère
Donna cent sequins et lui dit : « Revenez, frère,
Si tel est votre vœu, je vous raconterai demain
Mon deuxième voyage. Vous connaissez le chemin,
N’est-ce pas ? Cette maison à nul n’est inconnue,
Demain soir, j’attendrai moi-même votre venue. »

[FIN DU PREMIER VOYAGE DE SINDBAD LE MARIN]


                 Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène   

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