Histoire de Sindbad le marin (prélude)
Ce poème, racontant les sept voyages de l'illustre Sindbad, est le premier d'une deuxième série de poèmes (après la "série Grimm"), que j'ai choisi de baptiser: "la série Mille et Une Nuits", s'inspirant du fameux recueil de contes populaires écrits en arabe.
Il
y avait à Bagdad, ville vénérable,
Un
portefaix bien vieux et bien misérable
Qu’on
nommait Hindbad. Un jour de forte chaleur,
Il
haletait et son front était plein de pâleur
Et
d’une sombre sueur qui coulait, reluisante,
Car
le vieil homme portait une charge fort pesante
A
l’autre extrémité de la ville. Ses mains
Tremblaient
sans qu’il eût fait la moitié du chemin,
Et
il songeait à la route qui restait à faire,
A
sa peine immense et à son maigre salaire,
Lorsqu’il arriva dans une
rue que parfumait
Un
zéphyr oublieux et la myrrhe qui fumait
Et
dont on arrosa le pavé d’eau de rose.
Devant
une riche maison à la porte close,
Le
portefaix s’assit et posa son fardeau
Pour
reposer ses pieds et reposer son dos.
Il
s’en répandait des rires de jeunes filles
Et
un parfum de bois d’aloès, de pastilles
Et
de mille autres étranges et exotiques senteurs.
Le
vieillard entendit aussi, plein de langueur,
Un
concert de harpes et de luths, dont la musique
Etait
douce et aussi fort mélancolique ;
Il
sentit une odeur de viande et fut certain
Que
dans cet éden il y avait quelque festin.
Curieux
de savoir qui fut le propriétaire
De
cette demeure dont le luxe et le mystère
L’éblouirent,
il alla aux valets richement vêtus
Le
demander. Et on lui répondit : « Es-tu
Soûl ?
Tu vis à Bagdad, pauvre homme, et tu ignores
Que
toutes les mers sur lesquelles se lève l’aurore
Furent
parcourues par notre illustre seigneur ?
Que
c’est à lui, Sindbad, le fameux voyageur,
Qu’appartient
cette demeure dont le calife lui-même
Jalouse
le faste et la beauté suprême ? »
Le
vieux porteur ne put s’empêcher de trouver
Sindbad
bien fortuné et, pauvre, en éprouver
Une
ténébreuse et immense jalousie.
« Ô,
Dieu ! Le sort n’eut pour moi aucune courtoisie !
S’écria-t-il.
De mille présents vous honorez
Sindbad
le voyageur, et vous les lui souffrez
Alors
que ces jouissances me sont interdites !
J’erre
tout le jour comme une âme maudite,
Je
porte des fardeaux qui ne peuvent me nourrir
Mais
qui me fatiguent et qui me font souffrir,
Tandis
que ce richard – Ironie effroyable ! –
A pour lui les femmes et les mets agréables !
Pour
mériter tout ce qu’il a qu’a-t-il donc fait ?
Rien !
Mais il est seigneur et moi portefaix ! »
Et
le vieillard se tut et avait l’âme amère
En
disant ces mots sombres et pleins de colère.
Il
songeait tristement quand, venant à lui,
Un
valet lui dit : « Au nom de Sindbad je suis
Envoyé
afin de vous dire qu’il vous réclame
Et
désire vous parler. » « Ah ! Donc il me blâme
Pour
le discours que j’ai tenu ! Pour se venger
Vous
envoie-t-il, valet de malheur ? J’ai mangé
La
moitié de mon pain ; j’en veux manger l’autre,
Mais
même de cela, ce seigneur qu’est le vôtre
Veut
me priver ! Dites-lui de me laisser en paix ! »
Mais
le valet reprit, avec calme et respect,
Que
ce n’était point vrai. Avec insistance
Il
le pressa, et se rendant à ses instances
On
l’introduisit dans une salle où il y avait
Un
groupe joyeux qui mangeait et qui buvait
Des
mets délicats et des vins qui grisent
Et
qui le salua, à sa grande surprise.
Valets
et officiers s’empressaient de servir
Un
personnage grave et bien fait, et d’assouvir
Ses
moindres désirs. Il était doux et auguste,
Avait
la barbe blanche et était robuste ;
C’était
Sindbad, maître des céans. Pour le voir
Il
leva la tête, lui sourit, le fit asseoir
A
sa droite, lui servant à manger et à boire.
On
n’entendait que le discours des mâchoires,
Tous
les convives mangèrent et burent. Quand le repas
Fut
fini, à Hindbad qui ne finissait pas
Sindbad dit, bienveillant et calme : « Mon
frère,
Le
destin a été pour vous bien sévère !
Mais
j’exaucerai le moindre de vos désirs.
Moi
et mes convives vous voyons avec plaisir ;
Le
vent m’a apporté par cette fenêtre
Les
plaintes que votre lassitude fit naître. »
A
ces mots le porteur, confus, dit : « Ces clameurs
Etaient
dues, Seigneurie, à ma mauvaise humeur.
Je
m’en excuse et vous prie de me pardonner. »
« Je
vous pardonne, brave homme. Mais j’étais étonné
De
vous entendre dire que toutes ces richesses,
Reprit
Sindbad, sont les fruits de ma paresse !
Sachez
que j’ai souffert et que j’ai enduré
Mille
supplices, et je puis vous assurer
Ainsi
que tous ceux qui ici me regardent
Que
nul homme dont l’esprit est sain ne se hasarde
A
braver les périls que j’ai sans cesse bravés
Et
desquels grâce au Tout-Puissant je fus sauvé
Pour
devenir riche. Dans mes sept voyages,
J’ai
combattu des monstres et j’ai fait naufrages,
Maintes
fois je mourais dans de cruels déserts,
Dans
les griffes d’une harpie et les ondes d’une mer,
J’ai
vu plus de tempêtes que de grains de sables,
Vous
dire mes aventures c’est vous dire l’impensable,
Et
je veux bien vous en faire un fidèle rapport. »
Ils
acquiescèrent. A un des valets il dit : « Sors
Avec
un autre homme, chercher à la chaussée
La
charge qui y fut par notre ami laissée
Et
faites-la porter là où il veut qu’elle le soit. »
On
n’entendait dans la salle nulle autre voix
Que
celle de Sindbad, et l’assemblée des convives
|
La Muse a commencé à soupirer le 08/04/2012. Poèmes publiés sur le Blog : 2178.
samedi 4 janvier 2014
Histoire de Sindbad le Marin (Prélude)
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Mon avis sur cet article: