samedi 18 août 2012

Les enfants des pauvres


Les enfants des pauvres


 Demain, l’Aïd emplira les villes
De rayons, de parfums et de couleurs,
Mais vous, dans vos foyers bien tranquilles,
Vous vous cacherez comme des voleurs !

Tout, joyeux, aura l’air de vous maudire,
Et personne ne songera à vous,
Car quelque chose vous empêche de sourire ;
Vêtus de haillons où l’on voit des trous,

Les autres enfants de leurs plus belles parures
Seront vêtus, et vous contempleront
Surpris, alors que tout chante et murmure,
Par la tristesse qu’ils voient sur vos fronts

Et qui vous hante comme un spectre sombre
Hante un manoir lointain et désolé,
Car elle trouve dans vos cœurs assez d’ombre
Pour s’y cacher, pareille aux monstres ailés

Et aux créatures légendaires
Qui dans des antres invisibles aux humains,
Loin des étoiles et des lampadaires
Se cachent, et parfois rugissent soudain !

Ô, pauvres enfants que le Destin oublie,
Victimes de l’indifférence et du sort,
Dont les yeux sont pleins de mélancolie
Et dont les cœurs sont remplis de remords !

C’est une chose obscure, pour vous, que le jeûne
Car vous avez éternellement faim,
Votre misère est vieille et vous êtes jeunes,
Vous gémissez sombrement et sans fin

Et vous dites parfois à vos mères :
« Tout est radieux ! Qu’est-ce qu’il y a dehors 
Et pourquoi êtes-vous sombres et amères ? »
Et elles répondent : « Car vos pères sont morts. »


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

vendredi 17 août 2012

La clémence de Saladin


La clémence de Saladin


 La bataille, affreuse et longue, était finie.
Hier, les deux armées qui s’étaient réunies
Au mont des Oliviers, combattirent vaillamment ;
Les flèches, comme si elles tombaient du firmament,
Pleuvaient sur les remparts cachant les lieux de culte,
Les mangonneaux, les pierres et les catapultes
Chantèrent ensemble la symphonie de la mort,
Blessèrent Hiérosolyme éventrée sans remords
Et à la fière muraille firent maintes cicatrices.
Les engins de siège, instruments de supplice,
Firent gémir le fort qui se lamentait, sapé
Et de poussière et de fumée enveloppé,
Dans le ciel ténébreux, les vautours qui grognent
Des hommes et des chevaux épiaient les charognes
Et attendaient l’heure de leur dîner soudain,
Les soldats de Balian et ceux de Saladin
Reçurent l’absolution et firent la prière
Et au nom du même dieu s’entretuèrent,
Chacun d’eux était sûr d’aller au paradis
Et croyait l’autre impie, insensé et maudit,
Tous étaient en colère, sombres et fanatiques,
Et tous qualifiaient leurs adversaires d’hérétiques
En les tuant au nom de la religion,
Aveuglés par trop d’ombres ou par trop de rayons,
Mais ne pouvant voir, quelles qu’en fussent les causes.
La guerre est terminée. C’est une terrible chose
Qu’un combat commencé, mais un combat achevé,
Des épées cachées et un siège levé
Et des soldats blessés qui se lavent le visage
Souillé de sang, c’est le sinistre présage
De la noire vengeance et du cruel châtiment.
Malheur aux vaincus ! Ils soupiraient sombrement
En attendant leur sort : l’exil, la mort, la honte.
Ils tremblaient du vainqueur : les prêtres racontent
Que c’est un homme farouche, sans cœur et sans pitié.
Par les trous des murailles qui montraient à moitié
Le conquérant et ses soldats qui s’approchaient
Les manants regardaient, et comme s’ils cherchaient
Quelque chose qu’ils avaient perdu dans le désert,
Etaient tous attentifs, curieux et diserts.

Saladin, monté sur son destrier de guerre,
Souriait et avait les yeux pleins de lumière
En voyant la porte du père de Salomon.
La grande forteresse, plus fière que les monts,
Se dressait, haute, pareille à un temple antique,
Contemplait le vainqueur, et calme et politique,
En le voyant semblait se courber devant lui,
Car il était radieux comme le jour qui reluit.
L’ayyoubide vit, au pied de la muraille,
Un soldat gémissant, las de la bataille ;
C’était un croisé que ses chefs avaient laissé
En prenant la fuite, presque mort et blessé
Par les épées ennemies, griffes belliqueuses.
Une voix s’éleva, courroucée et moqueuse :
« Voyez-moi ça ! » une autre, plus féroce, s’écria :
« Qu’on l’achève ! » le croisé, se croyant mort, pria.
Mais, arrêtant les deux soldats pleins de rage,
Saladin dit : « Il a lutté avec courage
Comme nous avons lutté. Mahomet pardonna
Comme Jésus à ses ennemis ; l’assassinat
Assombrit la victoire. Alors qu’on éloigne
Ce soldat du fort, qu’on l’emmène et qu’on le soigne. »


 Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

jeudi 16 août 2012

La tristesse du Soleil


La tristesse du Soleil


 Le Soleil dit au dieu Jupiter : « Je suis las
De reluire pour les hommes et briller ici-bas
Pour être le pâle témoin de leurs fautes !
Chaque matin, je quitte l’Olympe à la cime haute
Et la couche de Thétis, nymphe aux cheveux d’or
Qui doucement sourit et paisiblement dort,
Et monté sur mon char, la blanche Aurore
M’ouvre les portes du jour qui hésite encore
A briller, et attend, enfant craintif,
Contemplant comme Ariane la mer et les récifs,
Que je vienne, le flambeau à la main, de lumière
Emplir le monde qui me dit des prières !
Jupiter, le Zodiaque m’a vu errer souvent
Mu par quatre chevaux rapides comme le vent,
Pour les mortels quitter ma demeure éphémère
En laissant gémir mes épouses amères
Qui me chérissent et espèrent mon prompt retour,
Qui bénissent la nuit et maudissent le jour
Et rêvent de mes douces et amoureuses caresses
Au firmament disant mon nom avec paresse ;
Les hommes sont mauvais ! Pourquoi rayonner,
Pourquoi voir leurs péchés et les leur pardonner ?
Leurs cœurs sont pleins d’ombre, alors qu’ils y restent !
Ô, je les abhorre comme ils me détestent !
Que leur monde devienne une éternelle nuit ! »
Jupiter répondit au Soleil qui reluit :
« Des dieux de l’Olympe tu m’es le plus cher. Sache
Que mon cœur sera triste et sombre si tu caches
Au monde et aux hommes tes rayons éternels.
Tu brilles pour les bons et pour les criminels
Et nulle douceur à ta douceur n’est égale,
Mais si tu veux plonger dans l’ombre fatale
Cet univers maudit, que tout devienne hiver. »

Le monde devint d’un linceul de nuit couvert,
Tout devint ténèbres et tout devint solitude,
Les mortels, encor plus farouches que d’habitude,
Etaient plus criminels, plus voleurs, plus brigands,
Montraient l’épée avec un sourire arrogant
Aux femmes et aux vieillards dans leurs humbles chaumières ;
La pitié s’en alla avec la lumière ;
Gloire aux plus forts ! Et gloire aux gueux et aux méchants !
Aveuglés, les hommes guidés par leurs penchants
Les plus mauvais, étaient des vautours infâmes
Qui pillaient les demeures et violaient les femmes
Publiquement, houles qui s’abattent sur la mer,
Car tout était cachette pour ces fauves de l’enfer
Et antre ténébreux pour ces bêtes sauvages.
Le Soleil éploré, voyant tous ces ravages,
Dit à Jupiter : « Ô, ténèbres ! Ô, noirs péchés !
En voulant châtier les hommes, je leur ai caché
L’aurore rayonnante et le jour sublime,
Mais la nuit est devenue l’alliée de leurs crimes !
Ils profitent des ténèbres et du noir firmament
Pour voler sans regret, tuer impunément
Et terrasser les faibles ! Il faut que je rayonne,
Ils sont plus féroces quand le jour les abandonne,
La nuit ne les endort point, ces mortels maudits ! »
Jupiter, le sourire aux lèvres, répondit :
« Va, rayonne. Maintenant tu sais quel est ton rôle,
Ta lumière adoucit, protège et console
Les veuves dans leurs chaumières et les pauvres en haillons,
Et les hommes pèchent moins sous les rayons. »


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

mercredi 15 août 2012

La création de Pandore


La création de Pandore


 Zeus, voulant se venger des hommes, créa une femme
Douce comme le printemps, en insufflant une âme
A l’argile qu’Héphaïstos lui-même pétrit.
Dès qu’elle commença à vivre, elle sourit
Et elle rayonnait comme le jour et l’aurore,
Les dieux éblouis lui choisirent pour nom Pandore,
La sublime Aphrodite lui donna la beauté,
Héra la jalousie et la curiosité,
Hermès l’éloquence et Athéna la sagesse ;
Bien qu’elle fût femme, on eût dit qu’elle était déesse
Car les douze frères divins et généreux
A cette créature dont ils étaient amoureux
Firent maints dons. Artémis lui apprit à sourire,
Apollon à chanter et à manier la lyre,
Arès lui donna la force, et Poséidon
La contemplant comme s’il implorait son pardon,
Lui apprit à calmer les ondes courroucées.
Elle était fragile et comme la pensée
Presque immatérielle. Les morsures de l’air
Qui amoureusement caressait sa blanche chair
Quand il passait près d’elle, la rendaient toute rose,
Quand elle souriait, ses yeux disaient de douces choses,
La terre verdissait, quand elle passait, sous ses pas.
Aphrodite dit à son frère : « Le trépas,
L’horreur, le châtiment et la noire vengeance,
C’est ce que tu promets à cette mortelle engeance,
Mais cette femme dont le sourire est si doux
Est de ta bienveillance et non de ton courroux
Le présent que ta main droite fait à cette race !
Quand on voit cette femme, on rêve qu’on l’embrasse,
Je suis la déesse des amoureux émois,
Mais cette femme charmante serait pareille à moi
Si elle n’était point une simple mortelle !
Les oiseaux qui chantaient pour moi chantent pour elle,
Les rivières disent son nom et les dieux sont éblouis
Par son front qui comme le soleil reluit !
Quand elle marche, elle fait tomber de la lumière
Et des morceaux diaphanes de sa fange première,
Tout l’Olympe admire ses seins à moitié nus
Et des dieux elle parle le langage inconnu,
Elle foule les nuées et les prairies vertes,
Du charme incomparable de ses lèvres entrouvertes
Héphaïstos en rêvant m’a maintes fois parlé.
Est-ce ainsi que tu châties le feu volé ?
Aurais-tu oublié quelle est la différence
Entre le châtiment et la récompense,
De Prométhée le nom sinistre et triomphant
Et les péchés des hommes, en créant cette enfant ? »
Zeus dit à Aphrodite : « N’imite point mon épouse
Et d’une mortelle ne sois point jalouse,
Pandore que tu décris, ma sœur, est un beau mal,
A l’humanité son sourire sera fatal,
Car la vengeance a de plus sûrs présages
Quand elle a des mains blanches et un charmant visage.
La race de Prométhée sera châtiée ; attends. »

Quand la belle Pandore, devenue jeune, eut vingt ans
Zeus lui dit : « Maintenant il est temps que tu descendes
Sur Terre, car les mortels te souhaitent et t’attendent,
Ils t’aimeront, mais tu n’en aimeras qu’un seul :
Épiméthée, qui n’est point un blanc aïeul
Mais un beau jeune homme, frère de Prométhée.
Tu seras obéie, tu seras redoutée,
Va, ma fille. » Héphaïstos, l’habile artisan,
D’une mystérieuse boîte lui fit présent
Et lui ordonna : « Tu la garderas fermée. »
Des poètes Pandore devint la bien-aimée,
Elle  fut chantée, elle fut adorée, les rois
Suppliaient ses charmes bénis avec effroi
Comme s’ils étaient ses sujets, et les reines
Furent jalouses de cette beauté sereine
Qui n’avait qu’une robe blanche et un noir fardeau
Et qu’elle portait sans qu’il ne courbât son dos.
Épiméthée la vit, tomba amoureux d’elle,
Elle consentit à être son épouse fidèle.

Dix ans passèrent. La boîte, présent des dieux,
Demeura fermée. Mais les regards curieux
De Pandore, en sondaient les ténèbres noires.
Elle se disait : « Les dieux dont tout chante la gloire
M’offrirent cette boîte, mais je ne puis l’ouvrir
Et comme une dépouille, je dois la couvrir
Du linceul éternel de mes regards sombres !
Qu’est-ce que les dieux ont caché dans cette ombre ?
Y ensevelissent-ils des joyaux ou de l’or ? »
Un jour, rongée par la curiosité qui mord
Les esprits des humains, elle ouvrit la boîte ;
Comme des spectres sortent d’une tombe étroite,
Elle en vit, chargés d’une effroyable mission,
Sortir le Vice, la Tromperie, la Passion,
La Vieillesse chenue, la pâle Famine,
La Folie qui égare, la Maladie qui mine,
La Guerre qui gronde et la Misère qui se tord.
Pandore terrifiée s’écria : « J’ai eu tort
En désobéissant aux dieux ! Je suis maudite !
Pardonne-moi, Héphaïstos ! Pardonne-moi, Aphrodite !
Pardonnez-moi, ô, dieux du ciel ! Voyez mes pleurs,
Entendez les prières que vous dit ma douleur,
Ne châtiez pas tous les hommes en châtiant ma faute ! »
Les dieux entendirent, dans l’Olympe aux cimes hautes,
Les prières de Pandore, et ils en furent émus.
Comme par la colère Zeus, par la pitié mu,
De la boîte, avec le Mal et la Souffrance,
Fit sortir la douce lueur de l’Espérance.


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

mardi 14 août 2012

Gloire nocturne


Gloire nocturne


Ce poème est dédié aux braves femmes tunisiennes qui n’ont pas hésité, à participer, hier, à une marche nocturne afin de défendre leurs droits les plus légitimes.


Hier, fières comme les déesses et les amazones,
Vous emplissiez les rues du son de votre voix,
Bien qu’il fût nuit, on eût dit que le jour rayonne
Quand vous passiez, augustes et pareilles aux rois !

Tunis était la mer, vous étiez les ondes,
La liberté était le sublime alcyon
Qui, malgré la houle qui souffle et qui gronde,
Vous montrait le port aux éternels rayons,

Le respect du Devoir, l’amour de la Patrie,
Etaient les deux brises qui dans les flots obscurs
Conduisaient vos voiles bercées par l’euphorie
Au rivage rayonnant, inaccessible et pur !

Aphrodite envoya sa charmante armée
Aux ennemis de la femme et du genre humain,
Le monde trembla de ses guerrières bien-aimées
Au sourire radieux, au cœur pur, aux blanches mains !

Ô, jour héroïque ! Ô, nuit immense !
La Tunisie devint une deuxième Ilion,
Vos parfums assiégèrent vos rivaux en démence,
Vous étiez des lionnes qu’accompagnaient des lions !

A la bouche vous aviez la même devise
Et au cœur vous aviez le même idéal,
Votre voix retentit, de la Patrie éprise,
Et triomphante comme un clairon triomphal,

Jeunes et chenues, mères, grands-mères et filles,
Vous éblouissiez le monde par vos grâces ébloui,
Vous étiez, dans cette nuit, le soleil qui brille,
Et dans cette ombre le jour qui a relui,

Vous étiez des étoiles qui tombèrent
L’illuminant soudain, dans le morne univers,
Anges, vous fîtes choir des plumes et de la lumière
Quand vous marchiez, chantées par de mystérieux vers !

Gloire à la Tunisie et à ses héroïnes
Dont le sourire est doux, et dont le rugissement
Est aussi puissant que la foudre divine
Qui rugit en tombant soudain du firmament !


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

lundi 13 août 2012

Le jour d'Aphrodite


Le jour d’Aphrodite


Ce poème est dédié à la femme tunisienne qui célèbre aujourd'hui sa Fête nationale. Vive la femme libre et épanouie!


Ne gémis point, noble femme,
Et brave fièrement et sans effroi
Au nom de tes éternels droits
Tous tes ennemis infâmes !

La fleur que la houle courbe
Garde toujours sa douce odeur ;
Combats et terrasse sans peur
Ceux qui oublient, sombres et fourbes,

Qu’ils furent une pensée éphémère
Dans ton sein qui les enfanta
Et comme un fardeau les porta
Appesantissant leurs mères,

Qu’avec ta voix pleine de tendresse
Tu berças l’enfant endormi
Qui pleure sans raison et gémit,
Epris de toutes tes caresses !

Dis-leur : « Je suis la déesse
De la vie, comme de l’amour !
Et je rayonne comme le jour
Qui reluit avec paresse,

De mes droits légitimes,
De mon éternelle liberté
Que je chante avec fierté
Malgré vos fers et vos crimes,

Vous ne me priverez pas ! Vos chaînes
Ne pourront pas m’appesantir,
Et je ne puis consentir
A gémir de votre haine

Ou trembler de vos voix qui grondent !
Quand je passe, vous vous courbez
Et à mes pieds vous tombez
Et je ploie le dos du monde

Qui contemple mes divins charmes
Et m’implore de le sauver
Et passe sa nuit à rêver
De ma beauté qui l’alarme ! »


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène