vendredi 17 août 2012

La clémence de Saladin


La clémence de Saladin


 La bataille, affreuse et longue, était finie.
Hier, les deux armées qui s’étaient réunies
Au mont des Oliviers, combattirent vaillamment ;
Les flèches, comme si elles tombaient du firmament,
Pleuvaient sur les remparts cachant les lieux de culte,
Les mangonneaux, les pierres et les catapultes
Chantèrent ensemble la symphonie de la mort,
Blessèrent Hiérosolyme éventrée sans remords
Et à la fière muraille firent maintes cicatrices.
Les engins de siège, instruments de supplice,
Firent gémir le fort qui se lamentait, sapé
Et de poussière et de fumée enveloppé,
Dans le ciel ténébreux, les vautours qui grognent
Des hommes et des chevaux épiaient les charognes
Et attendaient l’heure de leur dîner soudain,
Les soldats de Balian et ceux de Saladin
Reçurent l’absolution et firent la prière
Et au nom du même dieu s’entretuèrent,
Chacun d’eux était sûr d’aller au paradis
Et croyait l’autre impie, insensé et maudit,
Tous étaient en colère, sombres et fanatiques,
Et tous qualifiaient leurs adversaires d’hérétiques
En les tuant au nom de la religion,
Aveuglés par trop d’ombres ou par trop de rayons,
Mais ne pouvant voir, quelles qu’en fussent les causes.
La guerre est terminée. C’est une terrible chose
Qu’un combat commencé, mais un combat achevé,
Des épées cachées et un siège levé
Et des soldats blessés qui se lavent le visage
Souillé de sang, c’est le sinistre présage
De la noire vengeance et du cruel châtiment.
Malheur aux vaincus ! Ils soupiraient sombrement
En attendant leur sort : l’exil, la mort, la honte.
Ils tremblaient du vainqueur : les prêtres racontent
Que c’est un homme farouche, sans cœur et sans pitié.
Par les trous des murailles qui montraient à moitié
Le conquérant et ses soldats qui s’approchaient
Les manants regardaient, et comme s’ils cherchaient
Quelque chose qu’ils avaient perdu dans le désert,
Etaient tous attentifs, curieux et diserts.

Saladin, monté sur son destrier de guerre,
Souriait et avait les yeux pleins de lumière
En voyant la porte du père de Salomon.
La grande forteresse, plus fière que les monts,
Se dressait, haute, pareille à un temple antique,
Contemplait le vainqueur, et calme et politique,
En le voyant semblait se courber devant lui,
Car il était radieux comme le jour qui reluit.
L’ayyoubide vit, au pied de la muraille,
Un soldat gémissant, las de la bataille ;
C’était un croisé que ses chefs avaient laissé
En prenant la fuite, presque mort et blessé
Par les épées ennemies, griffes belliqueuses.
Une voix s’éleva, courroucée et moqueuse :
« Voyez-moi ça ! » une autre, plus féroce, s’écria :
« Qu’on l’achève ! » le croisé, se croyant mort, pria.
Mais, arrêtant les deux soldats pleins de rage,
Saladin dit : « Il a lutté avec courage
Comme nous avons lutté. Mahomet pardonna
Comme Jésus à ses ennemis ; l’assassinat
Assombrit la victoire. Alors qu’on éloigne
Ce soldat du fort, qu’on l’emmène et qu’on le soigne. »


 Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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