CONTE: SAUTE EN MON SAC! (PARTIE Vi)
VI. De quelle manière Francesco vint en aide aux
gens du Niolo, et ce qu’il fit à la Mort
Après des jours de marche et de peu de
répit,
Francesco, arrivé chez lui, avec dépit
Vit que la famine rongeait tout le monde
En montrant ses griffes sanglantes et
immondes.
Pour aider les pauvres gens, maigres et
accablés,
Et que tous vinssent sans rien payer s’attabler,
Francesco établit une grande auberge
Qui nourrit les hères et qui les
héberge,
Dont les mets et les vins étaient fort
délicieux,
Où il fit travailler, belles comme les
cieux,
Pour régaler ses gens, des fées pour
grisettes.
Cela dura aussi longtemps que la
disette.
Quand la famine prit fin, Francesco
ferma
Bientôt son auberge, car ce qui l’alarma
Etait d’encourager la sombre paresse.
Francesco, toutefois, vivait dans la
détresse
De ne plus revoir ses frères trépassés ;
Il avait dit onze fois, bien triste et
lassé :
« Giovanni, saute dans mon sac, mon
pauvre frère !
Paolo, saute dans mon sac !... »
A ces téméraires
Il avait pardonné ce qu’ils firent
bassement,
Mais il trouvait dans son sac de vieux
ossements,
Preuve que ses frères étaient morts sans
doute
Et qu’ils n’avaient jamais poursuivi
leur route.
Son vieux père mourut, de bons soins
entouré,
Et lui-même devint vieux, le front
labouré
Par les rides, la tête et la barbe
blanches.
Avant de mourir il voulut, un dimanche,
Revoir la bonne fée qui séjournait au
lac
Et lui avait donné son bâton et son sac.
Il marcha, les pas lourds et le visage
blême,
Et arriva en deux jours à l’endroit même
Où il vit la reine des fées, qu’il
supplia
De se montrer, et que jamais il n’oublia.
Mais, hélas ! toutes ses prières
furent vaines,
Et il ne revit plus la fée inhumaine
Qu’à revoir il était toujours déterminé.
Le temps qui lui restait à vivre terminé
Et périr étant le sort de tous les hommes,
La Mort passa, celle qu’en frémissant on
nomme,
Qu’on n’ose braver et qu’on attend
amèrement,
Dans l’une de ses mains hasardeuses
fièrement
Tenant un drapeau noir, et une faux
tranchante.
Arrivée près de lui, la sinistre
marchante
Lui dit : « Eh bien !
vieillard, il est temps de mourir.
N’es-tu point las de vivre et d’ainsi
parcourir
Les superbes montagnes et les vastes
vallées ?
Dans mille endroits divers ta voile est
allée,
Mais la vie est une mer dont je suis le
port. »
Et le vieux Francesco dit : « Attends
un peu, Mort !
Oui, j’ai vécu longtemps, auguste
nochère,
Mais pour dire adieu à une personne
chère
Accorde-moi un jour à vivre seulement. »
« Vieillard, à me prier ainsi
inutilement
Tu te fatigues en vain. Tu mourras tout
de suite
Car ton heure est venue et j’en suis
instruite. »
« Une demi-journée, ô Mort !
Je ne fuirai point. »
« Non, jamais. » « Accorde-moi
donc une heure, au moins ! »
« Pas un seul instant. » « A
tous mes vœux rebelle,
Saute maintenant dans mon sac, Mort
cruelle ! »
La Mort brandit sa faux, se courrouça,
gémit,
Mais elle fut forcée d’obéir, et gémit,
Du sac de Francesco devenue prisonnière
Et ne pouvant l’achever à son heure dernière.
[A SUIVRE]
Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène
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La Muse a commencé à soupirer le 08/04/2012. Poèmes publiés sur le Blog : 2166.
samedi 22 août 2015
Conte: Saute en mon sac! (Partie VI)
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