lundi 17 août 2015

Conte: Saute en mon sac! (Partie I)

CONTE: saute en mon sac! (PARTIE I)

I. La trahison des onze frères de Francesco le Boiteux, et comment ils furent châtiés

Jadis, dans les montagnes éloignées et arides
Du Niolo, citadelle aux antiques rides
Contemplant la Corse, l’air sombre et triomphant,
Un vieux père vivait avec ses douze enfants.
Tout le pays rongé par l’affreuse famine,
Le père, que l’âge et la misère minent,
Dit à ses douze enfants : « Je suis bien vieux et las
Et je n’ai point de pain à vous donner, hélas !
Fuyez, mes chers, fuyez cette famine immonde !
Pour gagner votre vie allez par le monde,
Si le Seigneur le veut, vous serez fortuné,
Sans être par votre vieux père importunés. »
Mais le cadet, boiteux, pleura et dit : « Père,
De faire fortune moi je désespère !
Comment gagner ma vie si je ne puis marcher ? »
« Avec tes frères, fils, tu vas la rechercher,
Répondit le bon père, essuie-moi ces larmes,
Ne pleure plus, que nul hasard ne t’alarme,
Comme je l’ai fait moi-même sous ce vieux toit,
Tes onze frères vont tous bien veiller sur toi,
Et quand ils trouveront richesse et nourriture,
Ils ne t’oublieront pas dans cette conjoncture. »
Les frères partirent, joyeux, le lendemain,
Promettant de suivre tous le même chemin.
Mais après quelques jours de sombre lassitude,
L’aîné songea un peu dans la solitude
Et aux dix autres dit : « On a bien consenti
A aider Francesco, mais il nous ralentit ;
Sans notre frère nous serons mieux sans doute,
Partons et laissons-le ici sur la route,
Un passant lui fera peut-être charité. »
Ce fut une bien sombre action en vérité :
Trahissant leur promesse et devenus volages
Et leur triste père qui pleurait au village,
Les méchants frères, sans même le saluer,
Laissèrent Francesco seul pour continuer
Sans leur frère boiteux leur route criminelle,
Et sans craindre de Dieu la vengeance éternelle,
Demandaient l’aumône à tout ce qu’ils pouvaient voir.
Ils oublièrent tous leur frère et leur devoir.

A Bonifacio, à partir impréparée,
Sur la côte ils trouvèrent une barque amarrée
Dont ils s’emparèrent, trahisseurs et voleurs,
Espérant, pour enfin oublier le malheur,
Aller à Sardaigne où les scélérats croyaient
La famine moins grande, et riche se voyaient.
Mais une tempête gronda dans le détroit
Qui était dangereux en ce temps et étroit,
Et la barque par Dieu le Juste méprisée
Fut contre les roches rudes et vengeurs brisée.
Pour avoir délaissé leur pauvre frère amer,
Les onze coupables périrent dans la mer.

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Mon avis sur cet article: