jeudi 20 août 2015

Conte: Saute en mon sac! (Partie IV)

CONTE: SAUTE EN MON SAC! (PARTIE Iv)


IV. Ce que Francesco fit et fit faire au Diable après avoir joué avec lui aux cartes

Francesco se rendit, pour braver le Diable,
A la maison de jeu où, chose effroyable,
Un jeune homme, las de perdre et se hasarder,
Désespéré, finit par se poignarder.
Tous en étaient tristes comme quand le sort frappe,
Mais le Diable riait sournoisement sous cape.
Dès que ce malheureux joueur fut enterré,
Le Diable, espérant un autre désespéré,
Joua contre le prince, et comme l’autre homme,
Ce dernier perdit bien vite de fortes sommes,
Ne sachant pas jouer, et on le crut ruiné.
Mais ce n’était point vrai ; il était fortuné
De posséder le sac et le bâton. L’aurore
Reluisit, et ledit prince joua encore,
Puis au troisième jour avec la même foi,
Et il ne gagna pas même une seule fois.
Le Diable, qui le crut désespéré et pauvre,
Fit semblant de le plaindre et lui dit : « Il me navre
De vous voir perdre aussi considérablement
Et vivre après ces trois jours misérablement.
Il ne sied point à un homme noble et illustre
De finir ces jeunes jours comme un vil rustre,
Et je vous propose, car de vous j’ai pitié,
De vous rendre de votre argent la moitié,
A une condition, bien entendu. » « Laquelle ? »
« Ce n’est, répondit-il, qu’une bagatelle :
Avec une beauté allez batifoler
Qu’il vous faudra après, jeune prince, violer.
Vous êtes riche et bien fait et allez lui plaire. »
Francesco s’écria avec grande colère :
« C’est cela ton conseil, hideux Satan ? Eh bien !
Saute alors dans mon sac, car je n’en ferai rien. »
Surpris, Satan songea à prendre la fuite,
Mais il fut obligé d’obéir ; ensuite
Francesco commanda à son bâton puissant : 
« Frappe dessus ! » Il fit pleuvoir, obéissant,
Tant de coups et si fort, que le démon infâme
Criait : « Je veux sortir ! » Pleurant comme une femme.
Mais le bâton était sourd, hormis pour férir.
« Ah, prince ! libère-moi ou je vais périr ! »
Cria encor le Diable. « Est-ce mauvaise chose ? »
Dit Francesco. « Voici ce que je te propose,
Ajouta-t-il après trois heures de douleur :
De tant de jeunes homme tu as fait le malheur,
Qui se sont suicidés après tes victoires ;
D’abord ressuscite-les, puis de ta mémoire
Efface la jeune fille, qui certainement
Est bonne et chaste pour que tu veuilles vainement
La châtier de la sorte avec tes ruses impures. »
« Libère-moi ! cria Satan, je te le jure ! »
« Sors, mais n’oublie pas que je peux te rattraper
Et mon bâton pourra tellement te frapper
Que tu en seras mort. Quitte cette ville
Quand tu ressusciteras ses joueurs, chose vile. »
Le Diable, qui trouva Francesco alarmant,
Disparut sous terre, fidèle à son serment.
Voilà une foule de jeunes gens pâles
Qui se réveillent de leurs tombes fatales,
Etonnés et contents et les yeux enfiévrés. 
« Vous êtes, mes amis, de l’enfer délivrés,
Leur dit Francesco ; grâce à Dieu notre maître,
J’ai pu vous rendre vie, chose que peut-être
Il ne permettra plus de faire demain.
Promettez-moi de suivre un tout autre chemin
Et de ne plus jouer si je vous laisse vivre. »
« On le jure ! on le jure, ô saint qui nous délivre !
C’est le Diable qui nous a trompés, ce faquin ! »
« Bien, dans ce cas prenez ces mille écus chacun.
Travaillez honnêtement pour gagner votre vie. »
Ils partirent embrasser leurs familles ravies
Et étonnées après leur mort de les revoir,
D’autres s’en allèrent, et tous firent leur devoir
Et devinrent, grâce à Francesco, riches et sages,
Se repentant du jeu et louant son passage.

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène 

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