samedi 23 mai 2015

Conte: Lai du Palefroi Vair (Histoire du cheval gris) (Partie VI)

CONTE: LAI DU PALEFROI VAIR (HISTOIRE DU CHEVAL GRIS) (PARTIE Vi)


VI. Le bonheur des deux amants, qui devinrent mari et femme

Pour qu’on pût arriver chez Guillaume, il fallait
Passer à gué une rivière. Il y allait,
L’intrépide cheval. Le bruit que ses pas firent
Et sa brusquerie à pâlir Nina suffirent.
De sa triste rêverie quand la pauvrette sort,
Elle voit le chemin désert comme la mort
Où il n’y nul vivant, hélas, qui séjourne.
Pour appeler son parrain elle se retourne
Mais ne voit personne. L’inquiétude et le froid
La faisaient tressaillir et l’emplissaient d’effroi,
Mais l’idée de fuir cet hymen qu’on lui destine
La rendit plus hardie et aussi moins chagrine
Et elle ne retint plus le cheval béni.
De traverser le gué noir dès qu’il eut fini,
Le cheval arriva bientôt chez son maître.
Le guetteur, quand il vit la beauté paraître,
Corna pour avertir et vint lui demander
Ce qu’elle venait à telle heure truander,
Ne la reconnaissant point dans l’ombre pesante,
A travers la porte. Une voix séduisante
L’étonna quand elle lui dit : « Ouvrez, je cours,
Des voleurs me poursuivent, venez à mon secours ! »
L’autre par le guichet tout d’abord regarde
Et voit une jeune beauté fort hagarde
Sur un palefroi gris, vêtue d’un riche manteau.
Il court pour avertir le maître du château
Car il prit Nina pour une fée favorable
Venue pour consoler son seigneur honorable.
Celui-ci, affligé encore, s’éplorait
Pour Nina, la douce beauté qu’il adorait,
Et soupirait comme ses serviteurs fidèles.
Quand il sut qu’une femme venait, au-devant d’elle
Il alla courtoisement lui ouvrir, et sans voix,
Ô joie inespérée ! ô, bonheur ! il voit
Sa mie, qui dans ses bras aussitôt s’élance
En criant : « Sauvez-moi », et avecque violence
Le serre de toutes ses forces avec les siens
En se retournant pour voir s’il n’y avait rien,
Donnant l’air de craindre d’être vraiment ravie
Et de trembler comme elle le disait pour sa vie.
« Rassurez-vous, s’écrie Guillaume, je vous tiens,
Et à moi, cette fois, vous retenir revient.
Nul ne vous ravira encore à ma flamme,
Dussé-je en trépasser et en perdre l’âme ! »
Il fait lever le pont. Pour jouir d’un bonheur doux,
Il veut aussi devenir de sa beauté l’époux,
Et sans tarder il la conduit à la chapelle
En ordonnant à son chapelain qu’il appelle
De les marier. La joie enivra de plaisir
Tout le château, content de voir tous les désirs
De son maître comblés après une nuit sombre
Moins emplie que son bon cœur ténébreux d’ombre.   
Cependant à Médot tout le monde arriva.
De ne point voir Nina là on invectiva
D’abord le chevalier qui dormait encore
Et qui se réveilla, étonné, à l’aurore.
On soupçonna ensuite que Nina s’égara
Dans les bois, et à la chercher se prépara,
Quand un écuyer vint de la part de Guillaume
Inviter le père et tous les gentilshommes
A se rendre chez lui. Tous les convives hideux
Y coururent. Guillaume alla au-devant d’eux
Leur présentant Nina, devenue sa femme.
On se révolta de la trahison infâme,
Mais Guillaume pria les gens d’être écouté
Et leur dit qu’il n’avait point Nina filouté
Et de ses amours il leur conta l’histoire.
Les vieillards applaudirent sa douce victoire,
Blanchis dans des canons d’honneur et loyauté,
Du père et de l’oncle virent la cruauté
Et pressèrent le père de ratifier l’union,
Et celui-ci ne put avoir autre opinion.
Peu de temps après, lui et l’oncle moururent,
Guillaume et sa femme, qui se secoururent
Pour vivre, devinrent les plus riches seigneurs
De Champagne, et vécurent heureux et sans frayeur.

[FIN DU CONTE: LAI DU PALEFROI VAIR (HISTOIRE DU CHEVAL GRIS)]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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