jeudi 21 mai 2015

Conte: Lai du Palefroi Vair (Histoire du cheval gris) (Partie III)

CONTE: LAI DU PALEFROI VAIR (HISTOIRE DU CHEVAL GRIS) (PARTIE iII)


III. La trahison de l’oncle de Guillaume, et ce qu’il alla dire au père de Nina

Guillaume courut chez l’oncle sans attendre
Comme lui dit Nina. Avec des soupirs tendres
Il le supplia de seconder son amour
Et oublia de dire qu’on l’aimait en retour.
Son oncle répondit : « Je loue votre zèle,
Votre mie est une charmante demoiselle,
Je connais sa vertu qu’on ne peut que bénir.
Soyez tranquille, car je vais vous l’obtenir
De son père, qui est mon ami d’enfance,
Et qui ne fera pas la même défense
Quand je lui parlerai, et j’y vais de ce pas. »
Content comme un hère invité au repas,
Guillaume alla, l’âme d’espoir enfin remplie,
En attendant que la mission fût accomplie,
Pour Galardon, à un tournoi qui durerait
Deux jours, mais sans songer point qu’on le leurrerait
Et que son oncle était en vérité traître.
Cet oncle alla devant le père paraître,
Il le reçut avec grande hospitalité,
Agent, sans le savoir, d’autre fatalité.
Les deux vieillards firent d’abord bonne chère
Et de leurs jeunesses, qui leur sont si chères,
Parlèrent en racontant leurs travaux fort vantés
En guerre et en amour, quelques-uns inventés.
« Mon vieil ami, dit l’oncle ensuite au père,
D’être encore garçon je m’ennuie, et j’espère
Que vous accepterez une proposition
Que je viens vous faire, sans nulle opposition.
Accordez-moi Nina. Je lui abandonne
Tous mes biens, et avec bonheur les lui donne,
Et je demeurerai ici jusqu’à ma mort
Si épouser votre chère fille est mon sort. »
Cette proposition plut au père cupide
Et son consentement fut certes rapide ;
Il embrassa son gendre pour sceller l’engagement,
Et pour lui annoncer le funeste arrangement
Fit venir sa fille qui en fut consternée.
Maudissant ce vieillard et l’horrible journée,
Elle se cacha dans sa chambre, sans recours,
Et de son chevalier implorant le secours
Alors qu’à Galardon il se couvrait de gloire
Sans qu’il n’imaginât cette perfidie noire
D’un oncle qui voulait lui ravir sa beauté
Et le déshériter avecque cruauté.
Le soir, Nina courut comme d’habitude
Attendant son amant dans la solitude
Sans savoir qu’il était à son tournoi rendu.
Après avoir longtemps et vainement attendu
Sans qu’elle ne vît son chevalier apparaître,
Elle rentra, pleurant. Cependant les deux reîtres
S’entendirent pour qu’on fêtât au même soir
Au château de Médot, ce qui semblait leur seoir,
Les noces et le mariage. Ils dirent en conséquence
Qu’on partirait fort tôt. Avec grandiloquence
Ils invitèrent leurs amis encor vivants.
Voir tous ces vieillards au cortège se suivant
Etait bien burlesque, mines nonchalantes
Au front ridé, la tête chauve et les mains tremblantes.
Nina, la mariée, se désolait tristement,
On préparait sa robe et ses ajustements,
Et elle retenait ses larmes avec courage.
Le père venait pour examiner l’ouvrage
Et on lui demanda cependant s’il avait
Le nombre suffisant de chevaux qu’il savait
Nécessaires, pour qu’on conduisît les convives
Au château de Médot. « Sur les leurs ils arrivent,
Répondit le vieillard, et quand ils partiront
Ceux de mes écuries sans doute suffiront
Ou nous irons chercher dans le voisinage. »
Et chargea un valet de ce badinage.
Le balourd se rappela en route, paressant
Et l’idée de rentrer vite le caressant,
Que Guillaume avait un cheval digne d’un prince
Gris et réputé le plus beau de la province,
Et crut pouvoir flatter en le lui ramenant
Sa pauvre maîtresse. Au chevalier avenant
Il l’alla emprunter donc, coquin qui pense
Mériter ainsi une belle récompense.

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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