vendredi 22 mai 2015

Conte: Lai du Palefroi Vair (Histoire du cheval gris) (Partie IV)

CONTE: LAI DU PALEFROI VAIR (HISTOIRE DU CHEVAL GRIS) (PARTIE Iv)


IV. La douleur de Guillaume quand il sut la funeste nouvelle

Guillaume, victorieux au tournoi mais lassé,
Chez l’oncle qu’il crut son complice avait passé
Pour ouïr la réponse propice qu’il espère.
Mais ne le trouvant pas, il crut que le père
Faisait à ses souhaits quelque difficulté,
Et sans qu’il ne fût de ce retard révolté,
Le cœur parfaitement tranquille sur l’affaire,
De ses amours le chantre et le thurifère,
En rentrant chez lui de venir il fit prier
Pour chanter des chansons douces un ménétrier,
Les yeux emplis d’espoir, tournés vers la porte.
Tout à coup il voit – Que le Diable l’emporte –
Le valet qui salue de la part du vieillard
Et qui lui demande à son nom d’un air gaillard
Son beau palefroi gris pour lui et la dame,
Qu’on lui rendra bientôt. « De toute mon âme !
S’écrie le chevalier, et je serais content
De le lui prêter, s’il le faut, pour plus longtemps.
Que veut-il en faire, que j’y emploie mon zèle ? »
« Sire, on mène à Médot notre demoiselle. »
Répond le domestique, et Guillaume repart :
« A Médot ? J’ignorais qu’elle allait quelque part !
Qu’y va-t-elle faire ? Pourquoi ce voyage ? »
« C’est pour consommer, dit le valet, son mariage.
Ne savez-vous donc pas que votre oncle est venu
La demander à monseigneur, a obtenu
Sa main de lui, et qu’ils seront mari et femme
Demain matin ? » De la trahison infâme
Le chevalier reste pétrifié d’étonnement
Et, courroucé par cet abandonnement,
Songea à se venger, se promenant en silence,
Furieux, les yeux baissés, se faisant violence
Pour dompter ses ardeurs. « Ce traître m’a tout pris,
Se disait-il, et veut aussi mon cheval gris !
On a forcé sa main, c’est une certitude.
Nina m’aime et elle a la même inquiétude,
Elle ne préférera point à moi ce barbon !
Maudit vieillard au cœur sombre comme charbon ! »
Et il fait sceller son cheval gris, le prête
En espérant toujours que le destin l’arrête,
Puis appelle, lorsque le valet sort, ses gens
Et généreusement leur part son peu d’argent,
Leur permettant de le quitter à l’instant même.
Ceux-ci lui demandent, éperdus et blêmes,
Car ils sont fidèles, en quoi ils ont déplu.
« Partez, leur répond-il, je ne vous retiens plus !
Vous avez tous été fidèles et honorables,
Mais moi je suis devenu, hélas ! un misérable
Que le destin condamne à pleurer et souffrir.
Partez et laissez-moi dans ce château mourir. »
Mais les infortunés tous se jettent en larmes
A ses pieds. De rester pour guérir ses alarmes
Ils le conjurent, mais lui, sans s’y conformer,
Les quitte et s’en va dans sa chambre s’enfermer.

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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