CONTE: les deux bourgeois et le vilain
Deux bourgeois
ensemble partirent en pèlerinage.
Un paysan qui
était à leur voisinage
Et qui avait le
même dessein, invité d’eux,
Les accompagna,
mais leurs provisions pour deux
Suffisaient à
peine, avec eux pèlerines,
Et il ne leur
resta qu’un peu de farine
Après deux ou
trois lieues, ce qui était bien vain
Et ne servirait
à faire qu’un petit pain.
Fourbes, les
deux bourgeois alors complotèrent
De le partager
entre eux deux, se révoltèrent
D’en donner au
vilain, et songèrent au moyen
De duper ce hère
dont ils était doyens,
Se croyant plus
malins et pleins de ressources.
« Nous n’avons
pas pensé à remplir nos bourses,
Et elles sont
maintenant vides, dit un radin
Acquiescé aussitôt
par l’autre citadin ;
Il nous reste un
pain et deux lieues dans cette brune,
Non pour deux
bouches mais pour en rassasier une,
Et que le pain
soit pour un seul je suis d’avis.
Pour que nul ne
se fâche et qu’on soit tous ravis,
Voici, mes amis,
ce que je vous propose :
Il est fort tard
et il faut qu’on se repose,
Couchons-nous en
ce lieu bien serein et rêvons.
Qu’on adjuge le
pain, lorsque nous nous levons,
A celui qui aura
fait le plus beau rêve. »
L’approbation de
l’autre camarade fut brève
Et il applaudit
à cette idée qu’il trouva
Lumineuse, et
même le vilain l’approuva
Et feignit de
donner pleinement dans le piège.
Avant de reposer
le dos sur un liège
On fit le pain,
le mit cuire et on se coucha.
La cupidité en
ces lieux les aboucha,
Mais nos
bourgeois étaient si las qu’ils s’endormirent
Comme des loirs,
et même à ronfler se mirent.
Le manant, plus
malin qu’eux, qui songeait comment
Manger le pain,
n’épiait que cet heureux moment,
Il se leva sans
bruit, sans laisser une miette,
Mangea le pain
et se coucha, l’âme quiète.
Un bourgeois s’éveilla
et, fourbe, s’écria
Qu’il fit un
sombre rêve que d’entendre il pria
Ses camarades : « Amis,
transporté par deux anges,
Leur dit-il,
suspendu sur l’abîme étrange,
Sans y être
plongé, du grand feu éternel,
J’ai entendu
gémir les pécheurs criminels... »
« Et moi,
reprit l’autre, j’ai songé que la porte
Du firmament m’était
soudainement ouverte.
Les archanges
Michel et Gabriel, radieux,
Sont venus me
conduire jusqu’au Trône de Dieu,
Et j’ai été
témoin de son auguste gloire. »
Et ils
commencèrent, dans les ténèbres noires,
A dire les
merveilles ainsi que les tourments.
Le vilain
entendait leurs propos en fermant
L’œil et en
feignant de dormir et qu’il songe,
Alors qu’il se
riait de tous leurs mensonges.
On vint le
réveiller, et lui il fit semblant
D’être effrayé,
et il s’écria en tremblant :
« Qui est
là ? » Les bourgeois au sommeilleur blême
Demandent de
conter son rêve. Au moment même
Il leur répond : « Ah !
j’en ai fait un singulier
Et que toute ma
vie ne vais point oublier :
J’ai vu des
anges vous transporter sur leurs ailes,
L’un en enfer, l’autre
au paradis avec zèle.
De vous avoir
perdu après avoir rêvé
J’étais sûr, et
ma foi, de mon sommeil levé
Et croyant que
mon songe était prémonitoire,
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La Muse a commencé à soupirer le 08/04/2012. Poèmes publiés sur le Blog : 2164.
dimanche 24 mai 2015
Conte: Les deux Bourgeois et le Vilain
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