mercredi 20 mai 2015

Conte: Lai du Palefroi Vair (Histoire du cheval gris) (Partie II)

CONTE: LAI DU PALEFROI VAIR (HISTOIRE DU CHEVAL GRIS) (PARTIE Ii)


II. La douleur des deux amants, ce que fit Guillaume et ce que Nina lui dit de faire

Un jour que Guillaume rôdait autour des murs
Cherchant à parler à sa beauté au front pur,
Il aperçut de loin une vieille poterne
Et qui à ses amours lui semblait paterne
Pour parler à Nina sans qu’ils se fissent voir.
A sa bien-aimée il put le faire savoir
Grâce à un complice fidèle, et la belle,
Qui à ses nobles feux n’était point rebelle,
En profita, malgré sa vertu et pureté.
Guillaume, lui, pour qu’il pût venir en sûreté,
Prenait à chaque fois différente route.
Les deux amants jouirent joyeusement, sans doute,
De ce bonheur qui leur fut par le sort offert,
Car de ne point se voir ils avaient bien souffert.
Mais cela ne pouvait suffire à leur flamme,
Se parler sans quérir les mouvements de l’âme,
Trembler toujours d’être vus et ne point se voir,
Avoir le sentiment de trahir son devoir
Et d’un baiser volé ne point tirer gloire,
Tout cela ennuyait Guillaume, aux victoires
Toujours habitué, pourtant. Il décida,
Et son courage dans son entreprise aida,
D’aller parler au père qui dans sa tanière
Retient captive sa fille, de manière
A le persuader de ses nobles intentions.
« Je vous parle, sire, dit-il, sans inventions.
Daignez donc m’accorder un instant d’audience.
Je ne suis point fort riche et j’en ai conscience,
Mais j’aime votre fille. Je viens vous supplier
De m’accorder sa main ; je suis un chevalier
Dont le nom est connu ainsi que la lignée,
Et votre fille ne sera point indignée
De m’avoir pour époux. J’attends votre jugement
Qui m’emplira ou de bonheur ou d’affligement
Et qui me donnera ou la mort ou la vie
Qui me sera, si vous me rejetez, ravie. »
« Qu’on aime ma fille, je puis le concevoir,
Et qu’en la contemplant on veuille la revoir,
Répondit le vieillard, tout sur son passage
Lui sourit, et elle est jeune, belle et sage ;
Sa naissance est aussi distinguée, et je n’ai
Qu’elle d’héritière, et je ne suis point gêné
Qu’elle reste encore ici le temps que je lui trouve
Un mari digne d’elle. Votre valeur me prouve
Que vous êtes noble, mais sans vous humilier,
Nina ne sera point femme d’un chevalier,
Et ce n’est point là un parti convenable
Car elle ne vivra point vie agréable.
De l’épouser des princes viennent mander l’honneur,
Les chevaliers sont des faucons et des veneurs
Qui vivent de leurs proies dans l’éternelle errance.
Je sais que ma fille a pour vous quelque attirance,
Mais elle est jeune et ne songe point à l’avenir. »
Cachant ses larmes qu’il peinait à retenir,
Guillaume ne dit rien, et dans la clémence
Des bois alla cacher sa douleur immense,
Le reste du jour se désolant, attendant
L’heure d’aller à la poterne cependant.
Nina y vint aussi et pleurait, triste et tendre.
« Ah ! ma chère, n’allez plus ici m’attendre,
S’écria Guillaume. Beauté au front radieux,
Je suis venu, hélas ! vous dire mes adieux,
Je quitte, ma Nina, cette sombre contrée,
Vous êtes la plus belle que j’y ai rencontrée.
Votre père n’a point voulu de moi, hélas !
Et je maudis, le cœur éploré, triste et las,
Ces richesses qui ont causé mon infortune. »
« Que ces richesses, hélas ! me pèsent et m’importunent !
S’écria la douce Nina. Je maudissais
Comme vous tous ces biens, mais je m’applaudissais
De vous les présenter, ô, mon cher Guillaume !
Ne quittez pas, mon cher ami, le royaume,
Ne désespérons point vite et la foi ayons,
Il reste une ressource à nos feux, l’essayons :
Près d’ici, à Médot, châtelain prospère,
Vous avez un oncle de l’âge de mon père ;
Dans notre chemin c’est le destin qui l’a mis.
Pendant leur enfance de mon père l’ami,
Si vous lui êtes cher comme je le pense,
Sans craindre châtiment ou vouloir récompense,
Il nous aidera, car c’est un homme d’honneur.
Dites-lui qu’il peut faire notre commun bonheur,
Que nous nous aimons, et racontez nos sévices.
Vous lui demanderez de ma part un service
Qui ne lui coûtera rien, car il sera feint
Et car on lui rendra son présent à la fin :
C’est de vous céder trois cents livres de rente
Sur sa terre. Les choses seront différentes
Quand il interviendra, de nous ayant pitié.
Il parlera à mon père ; leur amitié
De nos amours sera la fidèle complice,
Et nos affres vont se transformer en délices. »
« Vous me rendez la vie, je vois maintenant le port ! »
S’écria Guillaume, content, avec transport.  

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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