CONTE: LAI DU PALEFROI VAIR (HISTOIRE DU CHEVAL GRIS) (PARTIE Ii)
II. La douleur des deux amants, ce que fit Guillaume
et ce que Nina lui dit de faire
Un jour que Guillaume rôdait autour des
murs
Cherchant à parler à sa beauté au front
pur,
Il aperçut de loin une vieille poterne
Et qui à ses amours lui semblait paterne
Pour parler à Nina sans qu’ils se
fissent voir.
A sa bien-aimée il put le faire savoir
Grâce à un complice fidèle, et la belle,
Qui à ses nobles feux n’était point
rebelle,
En profita, malgré sa vertu et pureté.
Guillaume, lui, pour qu’il pût venir en
sûreté,
Prenait à chaque fois différente route.
Les deux amants jouirent joyeusement,
sans doute,
De ce bonheur qui leur fut par le sort
offert,
Car de ne point se voir ils avaient bien
souffert.
Mais cela ne pouvait suffire à leur
flamme,
Se parler sans quérir les mouvements de
l’âme,
Trembler toujours d’être vus et ne point
se voir,
Avoir le sentiment de trahir son devoir
Et d’un baiser volé ne point tirer
gloire,
Tout cela ennuyait Guillaume, aux
victoires
Toujours habitué, pourtant. Il décida,
Et son courage dans son entreprise aida,
D’aller parler au père qui dans sa
tanière
Retient captive sa fille, de manière
A le persuader de ses nobles intentions.
« Je vous parle, sire, dit-il, sans
inventions.
Daignez donc m’accorder un instant d’audience.
Je ne suis point fort riche et j’en ai
conscience,
Mais j’aime votre fille. Je viens vous
supplier
De m’accorder sa main ; je suis un
chevalier
Dont le nom est connu ainsi que la
lignée,
Et votre fille ne sera point indignée
De m’avoir pour époux. J’attends votre
jugement
Qui m’emplira ou de bonheur ou d’affligement
Et qui me donnera ou la mort ou la vie
Qui me sera, si vous me rejetez, ravie. »
« Qu’on aime ma fille, je puis le
concevoir,
Et qu’en la contemplant on veuille la
revoir,
Répondit le vieillard, tout sur son
passage
Lui sourit, et elle est jeune, belle et
sage ;
Sa naissance est aussi distinguée, et je
n’ai
Qu’elle d’héritière, et je ne suis point
gêné
Qu’elle reste encore ici le temps que je
lui trouve
Un mari digne d’elle. Votre valeur me
prouve
Que vous êtes noble, mais sans vous
humilier,
Nina ne sera point femme d’un chevalier,
Et ce n’est point là un parti convenable
Car elle ne vivra point vie agréable.
De l’épouser des princes viennent mander
l’honneur,
Les chevaliers sont des faucons et des
veneurs
Qui vivent de leurs proies dans l’éternelle
errance.
Je sais que ma fille a pour vous quelque
attirance,
Mais elle est jeune et ne songe point à
l’avenir. »
Cachant ses larmes qu’il peinait à
retenir,
Guillaume ne dit rien, et dans la
clémence
Des bois alla cacher sa douleur immense,
Le reste du jour se désolant, attendant
L’heure d’aller à la poterne cependant.
Nina y vint aussi et pleurait, triste et
tendre.
« Ah ! ma chère, n’allez plus
ici m’attendre,
S’écria Guillaume. Beauté au front
radieux,
Je suis venu, hélas ! vous dire mes
adieux,
Je quitte, ma Nina, cette sombre
contrée,
Vous êtes la plus belle que j’y ai
rencontrée.
Votre père n’a point voulu de moi, hélas !
Et je maudis, le cœur éploré, triste et
las,
Ces richesses qui ont causé mon
infortune. »
« Que ces richesses, hélas !
me pèsent et m’importunent !
S’écria la douce Nina. Je maudissais
Comme vous tous ces biens, mais je m’applaudissais
De vous les présenter, ô, mon cher
Guillaume !
Ne quittez pas, mon cher ami, le
royaume,
Ne désespérons point vite et la foi
ayons,
Il reste une ressource à nos feux, l’essayons :
Près d’ici, à Médot, châtelain prospère,
Vous avez un oncle de l’âge de mon père ;
Dans notre chemin c’est le destin qui l’a
mis.
Pendant leur enfance de mon père l’ami,
Si vous lui êtes cher comme je le pense,
Sans craindre châtiment ou vouloir
récompense,
Il nous aidera, car c’est un homme d’honneur.
Dites-lui qu’il peut faire notre commun
bonheur,
Que nous nous aimons, et racontez nos
sévices.
Vous lui demanderez de ma part un
service
Qui ne lui coûtera rien, car il sera feint
Et car on lui rendra son présent à la
fin :
C’est de vous céder trois cents livres
de rente
Sur sa terre. Les choses seront
différentes
Quand il interviendra, de nous ayant
pitié.
Il parlera à mon père ; leur amitié
De nos amours sera la fidèle complice,
Et nos affres vont se transformer en
délices. »
« Vous me rendez la vie, je vois
maintenant le port ! »
S’écria Guillaume, content, avec
transport.
[A SUIVRE]
Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène
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La Muse a commencé à soupirer le 08/04/2012. Poèmes publiés sur le Blog : 2164.
mercredi 20 mai 2015
Conte: Lai du Palefroi Vair (Histoire du cheval gris) (Partie II)
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