CONTE: LAI DU PALEFROI VAIR (HISTOIRE DU CHEVAL GRIS) (PARTIE V)
V. Comment le palefroi gris, complice de ses amours,
aida Nina à fuir le mariage funeste
Tous sauf Nina à la paternelle demeure
Pour qu’ils partissent tôt couchés de
bonne heure,
Dormaient et emplissaient l’air de leurs
ronflements,
Vieillards fatigués qui sommeillaient
lourdement.
Le guetteur du donjon avait ordre du
maître
De réveiller dès qu’il verrait le jour
paraître
Tous ceux qui étaient là en sonnant du
tocsin.
Nina, qui maudissait le soleil assassin,
Fatal à ses amours, était pâle et
sombre,
Et elle avait cherché à s’enfuir dans l’ombre
Sans qu’elle réussît à quitter sa prison.
Ô mortelle douleur et noire trahison !
Vers minuit la lune se leva, radieuse.
Le guetteur, dont l’humeur était fort
joyeuse
Et qui avait mangé et vu à volonté,
S’était endormi. Tout à coup le déhonté,
Se levant, vit une clarté éblouissante
Qui lui sembla du jour la lueur
puissante,
Et sonna son tocsin, croyant qu’il était
tard.
Tous les vieux convives, qui n’étaient
point fêtards,
Se levèrent en grommelant. Les
domestiques allèrent
Préparer leurs chevaux qu’aussitôt ils
scellèrent.
Comme il était le plus beau, le palefroi
gris
Appartenant à son amant au cœur aigri,
Revenait à Nina, qui fondit en larmes
En le voyant. Mais nul ne plaignit ses
alarmes
Dont on croyait à tort que l’unique
raison
Etait qu’elle quittait son père et sa
maison.
Elle ne voulait point de cette monture,
Mais on y fit monter la pauvre créature
Comme de force, et on partit bien
promptement.
La mariée soupirait sans cesse et
tristement
Et elle s’était mise à la queue de la
troupe.
Devant elle marchait le sinistre groupe
Des gens de la noce, d’hommes, femmes et
valets.
Pour l’escorter un vieux chevalier
allait
Avec elle, parrain pour la cérémonie,
Et la pauvre, comme traînée aux
gémonies,
Etait peu empressée d’arriver au château
Qui était pareil pour elle aux cachots
fataux.
Pour atteindre Médot il fallait trois
lieues faire
Et qui aux voyageurs semblaient
prolifères
Car on passait, aux bois, par un chemin
étroit,
Et deux chevaux, fussent-ils les plus
adroits,
Ne pouvaient y passer de front. Chose
pénible
Qui rendit ces barbons rapidement
irascibles.
On causa un peu pour s’égayer, mais les
vieux,
Qui n’avaient pas dormi suffisamment,
envieux
D’un peu de sommeil, sans tarder s’endormirent.
Vous ririez en voyant leurs têtes qui se
mirent
A vaciller, ou qui tombaient sur leurs chevaux.
Nina n’en riait pas en songeant de
nouveau
A son malheur et à Guillaume qui l’aime,
Et ralentissait son cheval, triste et
blême
Comme les condamnés au supplice conduits
A vouloir vivre des instants de plus
réduits.
Quand on fit une lieue, à son insu la
belle,
Grâce au destin à son mariage rebelle,
Fut séparée du groupe, et son vieux
conducteur,
Qui dormait d’un sommeil lourd dont Dieu
est l’auteur,
Ne s’en aperçut point, chose heureuse
sans doute.
On arriva à un endroit où la route
Se partageait en deux. La gauche
conduisait
A Médot, et la droite que le bois
réduisait
A un petit sentier, au château de
Guillaume.
Longtemps appesanti par ce porteur du
heaume,
Son cheval prit, à son chemin accoutumé,
Le sentier qui était à cette heure
embrumé,
Et tous les autres allèrent à Médot avec
zèle
Sans suivre le palefroi de la
demoiselle.
[A SUIVRE]
Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène
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La Muse a commencé à soupirer le 08/04/2012. Poèmes publiés sur le Blog : 2164.
samedi 23 mai 2015
Conte: Lai du Palefroi Vair (Histoire du cheval gris) (Partie V)
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