samedi 23 mai 2015

Conte: Lai du Palefroi Vair (Histoire du cheval gris) (Partie V)

CONTE: LAI DU PALEFROI VAIR (HISTOIRE DU CHEVAL GRIS) (PARTIE V)


V. Comment le palefroi gris, complice de ses amours, aida Nina à fuir le mariage funeste

Tous sauf Nina à la paternelle demeure
Pour qu’ils partissent tôt couchés de bonne heure,
Dormaient et emplissaient l’air de leurs ronflements,
Vieillards fatigués qui sommeillaient lourdement.
Le guetteur du donjon avait ordre du maître
De réveiller dès qu’il verrait le jour paraître
Tous ceux qui étaient là en sonnant du tocsin.
Nina, qui maudissait le soleil assassin,
Fatal à ses amours, était pâle et sombre,
Et elle avait cherché à s’enfuir dans l’ombre
Sans qu’elle réussît à quitter sa prison.
Ô mortelle douleur et noire trahison !
Vers minuit la lune se leva, radieuse.
Le guetteur, dont l’humeur était fort joyeuse
Et qui avait mangé et vu à volonté,
S’était endormi. Tout à coup le déhonté,
Se levant, vit une clarté éblouissante
Qui lui sembla du jour la lueur puissante,
Et sonna son tocsin, croyant qu’il était tard.
Tous les vieux convives, qui n’étaient point fêtards,
Se levèrent en grommelant. Les domestiques allèrent
Préparer leurs chevaux qu’aussitôt ils scellèrent.
Comme il était le plus beau, le palefroi gris
Appartenant à son amant au cœur aigri,
Revenait à Nina, qui fondit en larmes
En le voyant. Mais nul ne plaignit ses alarmes
Dont on croyait à tort que l’unique raison
Etait qu’elle quittait son père et sa maison.
Elle ne voulait point de cette monture,
Mais on y fit monter la pauvre créature
Comme de force, et on partit bien promptement.
La mariée soupirait sans cesse et tristement
Et elle s’était mise à la queue de la troupe.
Devant elle marchait le sinistre groupe
Des gens de la noce, d’hommes, femmes et valets.
Pour l’escorter un vieux chevalier allait
Avec elle, parrain pour la cérémonie,
Et la pauvre, comme traînée aux gémonies,
Etait peu empressée d’arriver au château
Qui était pareil pour elle aux cachots fataux.
Pour atteindre Médot il fallait trois lieues faire
Et qui aux voyageurs semblaient prolifères
Car on passait, aux bois, par un chemin étroit,
Et deux chevaux, fussent-ils les plus adroits,
Ne pouvaient y passer de front. Chose pénible
Qui rendit ces barbons rapidement irascibles.
On causa un peu pour s’égayer, mais les vieux,
Qui n’avaient pas dormi suffisamment, envieux
D’un peu de sommeil, sans tarder s’endormirent.
Vous ririez en voyant leurs têtes qui se mirent
A vaciller, ou qui tombaient sur leurs chevaux.
Nina n’en riait pas en songeant de nouveau
A son malheur et à Guillaume qui l’aime,
Et ralentissait son cheval, triste et blême
Comme les condamnés au supplice conduits
A vouloir vivre des instants de plus réduits.
Quand on fit une lieue, à son insu la belle,
Grâce au destin à son mariage rebelle,
Fut séparée du groupe, et son vieux conducteur,
Qui dormait d’un sommeil lourd dont Dieu est l’auteur,
Ne s’en aperçut point, chose heureuse sans doute.
On arriva à un endroit où la route
Se partageait en deux. La gauche conduisait
A Médot, et la droite que le bois réduisait
A un petit sentier, au château de Guillaume.
Longtemps appesanti par ce porteur du heaume,
Son cheval prit, à son chemin accoutumé,
Le sentier qui était à cette heure embrumé,
Et tous les autres allèrent à Médot avec zèle
Sans suivre le palefroi de la demoiselle.

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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