samedi 2 mai 2015

Conte: Griselidis (Partie VI)

CONTE: GRISELIDIS (PARTIE Vi) 


VI. La dernière épreuve du marquis, et comment Griselidis redevint sa dame

Cependant le comte et la comtesse d’Empêche
Que de venir Gauthier, le marquis, dépêche,
Suivis d’une foule de dames et chevaliers
Que contemplait, ébloui, le peuple hospitalier,
Arrivaient avec les deux enfants sous leur garde.
Le marquis, sans plaindre son épouse hagarde,
Pour sa dernière épreuve l’envoya chercher
Et jusqu’à son château fit la pauvre marcher
Dans ses rustiques habits. Pour la rendre jalouse
Il lui dit : « Au matin arrive mon épouse,
Et ton marquis t’ordonne de faire ton devoir
De l’instruire de mes goûts et la recevoir
Ainsi que mon frère et ma sœur qui l’accompagnent,
Comme il sied aux nobles personnes qui règnent. »
« Sire, répondit-elle, comme notre nation,
Je m’en fais dès maintenant une obligation
Et je vous servirai toujours avec zèle. »
Prompte comme l’oiseau qui déploie ses ailes,
Elle alla aussitôt, avec un cœur d’acier,
Aux valets donner des ordres et aux officiers,
Et, n’étant plus la dame, elle aida elle-même
Aux travaux, sans qu’elle n’en fût devenue blême,
Et prépara la chambre et le lit destiné
A sa noble rivale, et richement satiné.
Quand elle l’aperçut, d’une manière tendre
Et sans rougir comme on devait s’y attendre
De ses pauvres haillons, l’accueillit et allait
Au-devant d’elle, pour lui montrer le palais,
La salua avec respect, douce et cordiale,
Et la conduisit à la chambre nuptiale.
Par un instinct secret dont elle devinait
Mal la raison, de ses yeux elle câlinait
Les deux enfants, joyeuse et nullement amère,
Et dont elle était, à son insu, la mère,
Séparée d’eux par son mari et le destin.
Quand arriva l’heure prévue pour le festin
Et que tout le monde se fut mis à table,
Le marquis fit venir sa dame redoutable
Dont la douce beauté éblouissait les regards.
Son prétendu époux avec de grands égards
La traitait, demandant ce qu’elle pensait d’elle
A Griselidis. « Qu’elle vous demeure fidèle !
Répondit la dernière, mais malgré mes haillons,
De lui épargner les douloureux aiguillons
Qu’a sentis l’autre, je vous fais la prière.
Je suis une paysanne et une roturière,
Et cette femme, objet de votre contentement,
Est jeune et a été élevée délicatement
Et ne peut supporter les maux qui me frappèrent. »
Des yeux du marquis des larmes s’échappèrent
Et devant l’assemblée déclara tendrement :
« Cette femme, sires, a supporté mes errements,
Je l’ai traitée d’une cruelle manière
Et elle restera jusqu’à son heure dernière
Ma femme, votre dame et reine de mon cœur. »
Et à Griselidis : « Cette jeune fille est la sœur
De ton fils, et elle est ta fillette si chère.
J’ai été cruel mais je suis resté père,
Et je les ai cachés afin de t’éprouver. »
Griselidis, contente d’enfin les retrouver,
Perdit connaissance, et en versant mille larmes,
Les embrassa et en oublia ses alarmes.
Le marquis fit son père au palais venir
Que pour l’éprouver il pensa à retenir.
Les deux époux vécurent vingt ans en harmonie,
Et avant de mourir en paix, sans agonie,
Marièrent leurs filles, et leur fils hérita,
Juste et aimé, de la terre qu’il mérita.   

[FIN DU CONTE: GRISELIDIS]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Mon avis sur cet article: