CONTE: GRISELIDIS (PARTIE Vi)
VI. La dernière épreuve du marquis, et comment
Griselidis redevint sa dame
Cependant le comte et la comtesse d’Empêche
Que de venir Gauthier, le marquis,
dépêche,
Suivis d’une foule de dames et
chevaliers
Que contemplait, ébloui, le peuple
hospitalier,
Arrivaient avec les deux enfants sous
leur garde.
Le marquis, sans plaindre son épouse
hagarde,
Pour sa dernière épreuve l’envoya
chercher
Et jusqu’à son château fit la pauvre
marcher
Dans ses rustiques habits. Pour la
rendre jalouse
Il lui dit : « Au matin arrive
mon épouse,
Et ton marquis t’ordonne de faire ton
devoir
De l’instruire de mes goûts et la
recevoir
Ainsi que mon frère et ma sœur qui l’accompagnent,
Comme il sied aux nobles personnes qui
règnent. »
« Sire, répondit-elle, comme notre
nation,
Je m’en fais dès maintenant une
obligation
Et je vous servirai toujours avec zèle. »
Prompte comme l’oiseau qui déploie ses
ailes,
Elle alla aussitôt, avec un cœur d’acier,
Aux valets donner des ordres et aux
officiers,
Et, n’étant plus la dame, elle aida
elle-même
Aux travaux, sans qu’elle n’en fût
devenue blême,
Et prépara la chambre et le lit destiné
A sa noble rivale, et richement satiné.
Quand elle l’aperçut, d’une manière
tendre
Et sans rougir comme on devait s’y
attendre
De ses pauvres haillons, l’accueillit et
allait
Au-devant d’elle, pour lui montrer le
palais,
La salua avec respect, douce et
cordiale,
Et la conduisit à la chambre nuptiale.
Par un instinct secret dont elle
devinait
Mal la raison, de ses yeux elle câlinait
Les deux enfants, joyeuse et nullement
amère,
Et dont elle était, à son insu, la mère,
Séparée d’eux par son mari et le destin.
Quand arriva l’heure prévue pour le
festin
Et que tout le monde se fut mis à table,
Le marquis fit venir sa dame redoutable
Dont la douce beauté éblouissait les
regards.
Son prétendu époux avec de grands égards
La traitait, demandant ce qu’elle
pensait d’elle
A Griselidis. « Qu’elle vous
demeure fidèle !
Répondit la dernière, mais malgré mes
haillons,
De lui épargner les douloureux
aiguillons
Qu’a sentis l’autre, je vous fais la
prière.
Je suis une paysanne et une roturière,
Et cette femme, objet de votre contentement,
Est jeune et a été élevée délicatement
Et ne peut supporter les maux qui me
frappèrent. »
Des yeux du marquis des larmes s’échappèrent
Et devant l’assemblée déclara tendrement :
« Cette femme, sires, a supporté
mes errements,
Je l’ai traitée d’une cruelle manière
Et elle restera jusqu’à son heure
dernière
Ma femme, votre dame et reine de mon cœur. »
Et à Griselidis : « Cette
jeune fille est la sœur
De ton fils, et elle est ta fillette si
chère.
J’ai été cruel mais je suis resté père,
Et je les ai cachés afin de t’éprouver. »
Griselidis, contente d’enfin les
retrouver,
Perdit connaissance, et en versant mille
larmes,
Les embrassa et en oublia ses alarmes.
Le marquis fit son père au palais venir
Que pour l’éprouver il pensa à retenir.
Les deux époux vécurent vingt ans en
harmonie,
Et avant de mourir en paix, sans agonie,
Marièrent leurs filles, et leur fils
hérita,
Juste et aimé, de la terre qu’il mérita.
[FIN DU CONTE: GRISELIDIS]
Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène
|
La Muse a commencé à soupirer le 08/04/2012. Poèmes publiés sur le Blog : 2182.
samedi 2 mai 2015
Conte: Griselidis (Partie VI)
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Mon avis sur cet article: