CONTE: GRISELIDIS (PARTIE IiI)
III. La première épreuve que la marquis Gauthier fit
subir à sa femme Griselidis
On mena au palais la nouvelle patronne,
Et comme l’ordonna le marquis, les
matrones
La dépouillèrent de ses habits initiaux
Pour la parer de tous les ornements
nuptiaux
Et de riches étoffes qui conviennent aux
princesses.
Griselidis rougissait et tremblait sans
cesse
De ce faste nouveau, et changea
tellement
Qu’en voyant sa fille vêtue aussi
bellement
Son propre père n’eût point pu la
reconnaître.
On était au château ainsi qu’aux
fenêtres
Pour contempler les noces et le mariage
doux
Qui unirent au même jour l’épouse et l’époux ;
Dans la musique et le vin le palais se
noie,
Et on entend, de tous côtés, les cris de
joie,
Des barons allègres et des sujets
enchantés.
Le cœur content mais du palais
épouvanté,
Griselidis, connue pour sa vertu pieuse
Et pour sa charmante beauté radieuse,
Se fit encore plus aimer pour sa douceur
Et ses airs obligeants, affables et
ravisseurs,
Qui charmèrent même les cœurs les plus
immondes
Et rendirent amoureux d’elle tout le monde.
Griselidis, des mois après, donna le
jour
A une frêle fille, belle comme les
amours.
Le père et ses vassaux, quoiqu’ils
désirassent
Un fils, fêtèrent cette fille pleine de
grâce
Que sa mère nourrit et entoura de soins.
Dès que de lait elle n’eut plus, un
jour, besoin,
Le marquis, qui voulait éprouver son
épouse
Dont toutes les femmes devenaient
jalouses,
Lui dit, en affectant d’un homme troublé
l’air :
« En m’épousant tu m’as fait un
serment bien clair,
Et je ne doute point de ton obéissance.
Mes barons ne veulent point mettre leur
puissance
Aux pieds de la petite-fille d’un
roturier.
Je dois, comme tu le sais, de ces grands
guerriers
Ménager l’amitié, ou ma seule récolte
Sera, tôt ou tard, la mort et la
révolte.
De sacrifier ma fille je suis donc
obligé
Et j’en ai, comme toi, le cœur très
affligé ;
A cette patience que tu m’as promise
Je viens t’exhorter, car de m’être
soumise
Avant de devenir ma femme tu as juré. »
« Cher sire, répondit-elle, sans
murmurer
Je vous obéirai, ou serais criminelle,
Et ma fidélité vous est éternelle.
Vous êtes mon seigneur et maître ;
dire non
Alors que ma fille et moi vous
appartenons
Est quelque chose que je n’oserai point
faire,
Et je me dois de vous servir et vous
plaire. »
Ce discours étonna le marquis et l’éblouit,
Et Griselidis crut, sans se plaindre de
lui,
Qu’il allait tuer sa fille. Retenant ses
larmes,
Elle l’embrassa, et malgré ses alarmes
Laissa le sergent, sans lui demander l’endroit,
Après lui avoir fait le signe de la
croix,
Emporter sa fille, ne faisant nul
attendre,
En lui jetant doucement ses regards les
plus tendres.
Le sergent, après qu’il eut rempli sa
mission,
Raconta l’exemple de brave soumission
Dont il était témoin, au marquis son
père
Qui, au lieu que tant de vertu le
désespère,
Se fait violence et sans obéir à son cœur
Chez la comtesse d’Empêche, qui était sa
sœur,
Commande au vieux sergent de porter sa
fillette
Et de bien l’élever en restant muette,
Ce que son serviteur fit, fidèle et
constant,
Sans hésiter, pour plaire à son maître,
un instant.
[A SUIVRE]
Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène
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La Muse a commencé à soupirer le 08/04/2012. Poèmes publiés sur le Blog : 2182.
lundi 27 avril 2015
Conte: Griselidis (Partie III)
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