lundi 27 avril 2015

Conte: Griselidis (Partie III)

CONTE: GRISELIDIS (PARTIE IiI) 


III. La première épreuve que la marquis Gauthier fit subir à sa femme Griselidis

On mena au palais la nouvelle patronne,
Et comme l’ordonna le marquis, les matrones
La dépouillèrent de ses habits initiaux
Pour la parer de tous les ornements nuptiaux
Et de riches étoffes qui conviennent aux princesses.
Griselidis rougissait et tremblait sans cesse
De ce faste nouveau, et changea tellement
Qu’en voyant sa fille vêtue aussi bellement
Son propre père n’eût point pu la reconnaître.
On était au château ainsi qu’aux fenêtres
Pour contempler les noces et le mariage doux
Qui unirent au même jour l’épouse et l’époux ;
Dans la musique et le vin le palais se noie,
Et on entend, de tous côtés, les cris de joie,
Des barons allègres et des sujets enchantés.
Le cœur content mais du palais épouvanté,
Griselidis, connue pour sa vertu pieuse
Et pour sa charmante beauté radieuse,
Se fit encore plus aimer pour sa douceur
Et ses airs obligeants, affables et ravisseurs,
Qui charmèrent même les cœurs les plus immondes
Et rendirent amoureux d’elle tout le monde.
Griselidis, des mois après, donna le jour
A une frêle fille, belle comme les amours.
Le père et ses vassaux, quoiqu’ils désirassent
Un fils, fêtèrent cette fille pleine de grâce
Que sa mère nourrit et entoura de soins.
Dès que de lait elle n’eut plus, un jour, besoin,
Le marquis, qui voulait éprouver son épouse
Dont toutes les femmes devenaient jalouses,
Lui dit, en affectant d’un homme troublé l’air :
« En m’épousant tu m’as fait un serment bien clair,
Et je ne doute point de ton obéissance.
Mes barons ne veulent point mettre leur puissance
Aux pieds de la petite-fille d’un roturier.
Je dois, comme tu le sais, de ces grands guerriers
Ménager l’amitié, ou ma seule récolte
Sera, tôt ou tard, la mort et la révolte.
De sacrifier ma fille je suis donc obligé
Et j’en ai, comme toi, le cœur très affligé ;
A cette patience que tu m’as promise
Je viens t’exhorter, car de m’être soumise
Avant de devenir ma femme tu as juré. »
« Cher sire, répondit-elle, sans murmurer
Je vous obéirai, ou serais criminelle,
Et ma fidélité vous est éternelle.
Vous êtes mon seigneur et maître ; dire non
Alors que ma fille et moi vous appartenons
Est quelque chose que je n’oserai point faire,
Et je me dois de vous servir et vous plaire. »
Ce discours étonna le marquis et l’éblouit,
Et Griselidis crut, sans se plaindre de lui,
Qu’il allait tuer sa fille. Retenant ses larmes,
Elle l’embrassa, et malgré ses alarmes
Laissa le sergent, sans lui demander l’endroit,
Après lui avoir fait le signe de la croix,
Emporter sa fille, ne faisant nul attendre,
En lui jetant doucement ses regards les plus tendres.
Le sergent, après qu’il eut rempli sa mission,
Raconta l’exemple de brave soumission
Dont il était témoin, au marquis son père
Qui, au lieu que tant de vertu le désespère,
Se fait violence et sans obéir à son cœur
Chez la comtesse d’Empêche, qui était sa sœur,  
Commande au vieux sergent de porter sa fillette
Et de bien l’élever en restant muette,
Ce que son serviteur fit, fidèle et constant,
Sans hésiter, pour plaire à son maître, un instant.

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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