dimanche 26 avril 2015

Conte: Griselidis (Partie II)

CONTE: GRISELIDIS (PARTIE iI) 


II. La femme que prit le marquis Gauthier, et ce qu’il exigea d’elle

A peu de distance du château, il y avait
Un petit village où maint laboureur vivait
Et que traversait le marquis quand il passe
Et pour s’amuser va souvent à la chasse.
Parmi ses habitants fut un vieillard appelé
Janicola, pauvre et de maux accablé,
Qui peinait à marcher et voir dans la lumière.
Mais souvent dans une malheureuse chaumière
Repose la douce bénédiction du ciel.
Ce vieillard, qui était bon et providentiel,
En était la preuve, car il avait une fille
Aussi charmante que vertueuse et gentille,
Dont l’âme était belle et le visage était beau.
Sa pudeur cachant de sa robe les lambeaux,
Elle gardait ses brebis, les ramenait à l’étable
Et d’un repas qui ne remplissait point la table
Et était chétif, mais dont son père était content,
Le régalait puis le couchait. Depuis longtemps
Le marquis savait la vertu et la conduite
De Griselidis, et souvent avec sa suite
S’arrêtait, en allant chasser, sans point tarder,
Pour contempler la belle et pour la regarder
En pensant que s’il lui fallait prendre épouse,
Quitte à rendre toute la noblesse jalouse,
Il ne prendrait qu’elle, et à la chasse allait.
Quand le jour de ses noces arriva, le palais
Etait plein de bourgeois, de chevaliers, de dames
Et de roturiers. Mais nul ne voyait sa femme,
Et on se demandait avec grand étonnement
Où était l’épouse du cher marquis vainement.
Gauthier sortit sans rien dire à cette assemblée
De son palais, qui le suivit, sombre et troublée.
Il alla chez le pauvre homme Janicola
Sur le dos de son blanc cheval qui s’envola
Et lui dit : « Je sais que tu m’es resté fidèle ;
La vertu de ta seule fille fait parler d’elle,
Et je veux qu’elle soit, après ton consentement,
Mon épouse chérie, ce soir et promptement. »
Janicola, alors, lui répondit, humble :
« Vous êtes mon maître et nul ne vous ressemble
En courage comme en noblesse. Vous ravir
Est mon devoir, et vous aimer et vous servir. »
La jeune Griselidis, pendant ce temps muette
Et pareille à une pieuse statuette,
Baissait chastement la tête et n’osait parler
En voyant toutes ces gens soudain déferler.
Le marquis Gauthier lui dit sans plus attendre :
« Griselidis, je veux pour épouse vous prendre ;
Votre père y consent, et en ne disant rien,
Que vous êtes de son avis je pense bien.
Sachez cependant que si vous devenez mienne,
Pour m’obéir je veux que rien ne vous retienne
Et qu’en plus de m’être fidèle, pour mission,
J’attends de vous une absolue soumission
A tous mes désirs et à tous mes caprices,
Et que ma volonté soit triomphatrice. »
Griselidis lui répondit : « Je n’ai point à choisir,
Et jure d’obéir toujours à vos désirs
Et d’être éternellement fidèle apôtresse
De votre volonté, sans aucune détresse. »
« Il suffit », dit alors le marquis qui la prit
Par la main, et à sa cour et sujets apprit
La nouvelle au château en disant : « Ma femme
Est maintenant devant vous ; elle est votre dame,
Vous qui êtes ici ne devez point ignorer
Qu’il faut l’aimer comme moi-même et l’honorer. »

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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